Après avoir prorogé la session parlementaire et retardé le retour au travail des députés de six semaines, les conservateurs négocient maintenant avec l'opposition afin d'annuler quelques semaines de congés prévues au calendrier parlementaire ce printemps.

Confronté au mécontentement grandissant de la population canadienne, le gouvernement conservateur semble espérer ainsi faire oublier qu'il a fermé le Parlement jusqu'au 3 mars. Les travaux parlementaires de la Chambre des communes et du Sénat ont, de ce fait, été suspendus jusqu'après les Olympiques.

Tenant un point de presse pour faire valoir que son gouvernement était au travail, le ministre de l'Industrie, Tony Clement, a soutenu jeudi qu'il y aurait beaucoup à faire lors du retour en Chambre, début mars.

«Les deux semaines de relâche, on veut les enlever pour être capable d'optimiser notre temps parlementaire», a pour sa part indiqué le lieutenant politique du premier ministre au Québec, Christian Paradis.

«On veut siéger ici le plus possible pour passer les mesures auxquelles les Canadiens s'attendent», a-t-il poursuivi, sans toutefois être en mesure d'expliquer la raison pour laquelle les parlementaires ne pouvaient pas faire ce travail dès maintenant.

Mercredi, le whip du Parti conservateur, Gordon O'Connor, a acheminé une note de service aux députés et sénateurs conservateurs, les avisant de renoncer aux traditionnelles pauses des mois de mars et avril.

Ce changement au calendrier parlementaire doit toutefois obtenir l'appui unanime des quatre partis aux Communes.

Le chef libéral, Michael Ignatieff, a assuré que son parti endosserait la proposition des conservateurs, soulignant au passage que ses troupes étaient au boulot depuis le 25 janvier, date prévue du retour en Chambre.

Mais cela démontre, selon lui, que le premier ministre Stephen Harper est à court d'excuses pour justifier sa décision de proroger le Parlement et qu'il «lutte pour rattraper le Parti libéral».

Grâce à des tables-rondes organisées quotidiennement au Parlement, les troupes de M. Ignatieff ont fait parler d'elles dans les médias depuis deux semaines.

«Nous sommes tout à fait prêts à faire ce travail. Mais on se demande pourquoi on ne pouvait pas être au travail le 25 janvier», a questionné le chef libéral.

Au Bloc québécois, on se dit ouvert à l'idée d'annuler un congé d'une semaine en mars et un autre de deux semaines entourant la fête de Pâques en avril, mais à certaines conditions.

Le leader parlementaire bloquiste, Pierre Paquette, s'est dit prêt à rattraper un peu du temps perdu, mais il a prévenu qu'il exigerait d'abord que le gouvernement reforme au plus vite les comités parlementaires, tous dissous par la prorogation, afin que l'étude de certains projets de loi puisse reprendre.

La prorogation a permis, entre autres, de faire taire le comité parlementaire qui se penchait sur la torture des détenus transférés par les militaires canadiens aux autorités afghanes.

«On a perdu quatre semaines à cause de la décision partisane du premier ministre. Nous, on veut quand même rattraper une partie du temps perdu. Ceci dit, les effets négatifs de la prorogation ne seront jamais totalement corrigés, même en ajoutant des semaines de session parlementaire d'ici juin», a-t-il affirmé.

Les néo-démocrates n'entendent pas donner carte blanche au gouvernement non plus et souhaitent négocier le nouvel horaire.

Leur whip, Yvon Godin, a prévenu que le chef Jack Layton et ses députés ne se prononceront sur le sujet que lorsqu'ils auront vu formellement la demande des conservateurs devant la Chambre et non «par BlackBerry». À son avis, il y a beaucoup de travail à faire à Ottawa et le gouvernement devrait envisager une reprise des travaux au plus vite.

«C'est vrai qu'on a du pain sur la planche et c'est pour ça qu'on devrait rentrer lundi matin», a estimé le député d'Acadie-Bathurst. Selon lui, les troupes de M. Harper paniquent parce qu'elles constatent dans les sondages que les Canadiens leur tiennent rigueur d'avoir écourté la session parlementaire.

Depuis que M. Harper a prorogé la session parlementaire, le 30 décembre, les conservateurs ont perdu des plumes dans les sondages et des manifestations réunissant des milliers de Canadiens se sont tenues aux quatre coins du pays, en janvier, pour dénoncer sa décision.