Les partis de l'opposition à Ottawa ont tour à tour lancé des fleurs, puis jeté des pots à Stephen Harper, qui a nommé son Conseil des ministres, hier. Pendant ce temps, à Québec, l'annonce de la nouvelle équipe a reçu un accueil pour le moins tiède.

Tous les partis fédéraux ont salué la présence de 11 femmes dans le gouvernement, une proportion de 38%, «du jamais vu depuis des années», claironnait fièrement l'entourage du premier ministre Harper.

 

Les libéraux, en revanche, ont dénoncé le retour de Jim Flaherty à la barre du ministère des Finances. M. Flaherty devrait ainsi piloter son quatrième budget fédéral en autant d'années.

«Ça suggère que le gouvernement n'accepte aucune responsabilité pour les problèmes», a lancé le critique du Parti libéral en matière de Finances, John McCallum. Les libéraux répètent depuis plusieurs mois que sous la direction financière de M. Flaherty, le gouvernement Harper a dilapidé les surplus budgétaires.

«M. Flaherty n'est pas le ministre des Finances qui pourrait donner confiance aux Canadiens que le gouvernement a un plan solide pour faire face à la crise économique aujourd'hui», a renchéri M. McCallum.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, et le leader adjoint du NPD, Thomas Mulcair, ont tous deux réitéré l'importance pour les troupes de Stephen Harper de mieux collaborer avec les autres députés de la Chambre des communes.

«La vraie question aujourd'hui est de savoir si ces nouveaux ministres seront muselés comme ceux du dernier groupe», a lancé M. Mulcair lors d'un point de presse à Ottawa. Il a par ailleurs dit voir d'un bon oeil la nomination de James Moore au ministère du Patrimoine. Il a qualifié le jeune ministre de «gentilhomme».

«Au-delà des individus, est-ce qu'il va y avoir un changement de cap majeur, qui va tenir compte des résultats de l'élection?» a pour sa part demandé Gilles Duceppe lors d'un entretien téléphonique avec La Presse.

«Il ne suffit pas d'infliger une rétrogradation à Verner et à Blackburn. Encore faut-il que leurs successeurs agissent différemment. Or, ça on va juger», a-t-il ajouté.

Quant à Christian Paradis, le nouveau lieutenant du Québec de Stephen Harper et ministre responsable de Montréal, Gilles Duceppe s'est contenté de dire que Michael Fortier n'avait pas créé de grandes attentes en tant que précédent défenseur des intérêts de la métropole.

Réception polie à Québec

Du côté de Québec, les chefs de l'opposition ont émis des inquiétudes, alors que le premier ministre Jean Charest a jugé, sans grand enthousiasme, qu'il serait bien capable de travailler avec les membres du nouveau cabinet Harper.

«J'ai vu la formation du cabinet et je pense qu'il y a là-dedans des gens avec qui on va pouvoir travailler honnêtement et ouvertement, a dit M. Charest hier. Je suis heureux de voir qu'il y a des représentants du Québec. On ne veut pas personnaliser les relations. Il faut donner la chance à ce gouvernement-là qui vient d'être élu de faire ses preuves.»

Sur la nomination de Josée Verner aux relations intergouvernementales, un poste que le premier ministre considère «important» pour le Québec, M. Charest a souligné que c'était d'ordinaire le premier ministre canadien qui «avait le dernier mot» sur ces questions, mais qu'il était prêt à travailler avec la députée de Louis-Saint-Laurent.

Mme Verner et M. Charest avaient eu maille à partir sur la question de la culture pendant la dernière campagne électorale.

Le chef de l'ADQ, Mario Dumont, a pour sa part estimé que le Québec sortait affaibli de l'exercice, lui qui s'était prononcé en faveur des conservateurs, pendant la dernière campagne, disant même souhaiter que les Québécois élisent de nombreux représentants au gouvernement.

«Le poids du Québec est affaibli, puis Jean Charest ne peut pas se plaindre de ça, c'est ce film-là qu'il a souhaité», a dit M. Dumont, qui se réjouit de voir Christian Paradis, «un bon député de région», prendre du galon.

Pour la chef du Parti québécois, Pauline Marois, ce nouveau cabinet, c'est «quatre trente sous pour une piastre». «Il n'y a pas de changements suffisamment significatifs et il y a une certaine inquiétude, a souligné la chef péquiste. Mme Verner n'a pas été très sensible aux attentes des Québécois. Pendant la campagne, elle a été assez critique envers le gouvernement Charest. On n'a pas l'impression qu'il y avait une belle entente et là elle est responsable des affaires intergouvernementales. Moi ça m'inquiète pour la suite des choses.»

«Le gouvernement Harper avait proposé de régler le pouvoir fédéral de dépenser, il ne l'a pas fait, a-t-elle ajouté. Est-ce que Mme Verner va prendre ce dossier-là et le régler? Permettez-moi d'avoir des doutes.»