(Ottawa) Le Parti libéral du Canada (PLC) n’a pas l’intention de modifier ses règles touchant les assemblées d’investiture, malgré les remontrances de la commissaire Marie-Josée Hogue dans son rapport initial sur la menace que représente l’ingérence étrangère pour les institutions démocratiques au pays.

Ce qu’il faut savoir

  • Les règles peu strictes touchant les courses à l’investiture peuvent être exploitées par des États étrangers, selon la Commission sur l’ingérence étrangère.
  • La course à l’investiture du PLC dans la circonscription de Don Valley-Nord, en 2019, est un exemple d’ingérence étrangère.
  • Le PLC ne compte pas pour autant modifier ses règles.

Dans son rapport déposé le 3 mai, la commissaire Marie-Josée Hogue a affirmé que les assemblées d’investiture « peuvent être des portes d’entrée pour les États étrangers » qui se livrent à des activités d’ingérence. Elle a donné l’exemple de l’assemblée d’investiture qui a eu lieu dans la circonscription ontarienne de Don Valley-Nord, en 2019.

Dans ce cas précis, la course à l’investiture a été « entachée d’irrégularités qui ont pu inclure des activités menées par des personnes proches de fonctionnaires de la République populaire de Chine », selon diverses sources qui revêtent différents niveaux de corroboration, selon la commissaire.

Entre autres irrégularités, des étudiants étrangers d’origine asiatique ont été transportés par autobus sur les lieux de l’investiture afin d’appuyer la candidature de Han Dong.

D’autres renseignements recueillis par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ont avancé que des étudiants ont reçu des documents falsifiés pour leur permettre de voter alors qu’ils n’habitaient pas dans la circonscription. Ces documents ont été remis par des personnes associées à un individu proche du régime communiste de Pékin.

Durant la campagne de 2019, Justin Trudeau a été informé de ces allégations par son proche collaborateur Jeremy Broadhurst. Mais le premier ministre n’a pas jugé l’affaire suffisamment grave pour écarter Han Dong.

Selon la commissaire Marie-Josée Hogue, il appert cependant que « les critères d’admissibilité pour voter lors des courses à l’investiture ne sont pas très stricts et les mesures de contrôle mises en place ne semblent pas vigoureuses » dans le cas du PLC.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE PARLVU

Le député indépendant Han Dong

Et même s’il revient aux divers partis politiques de réglementer les courses à l’investiture, à l’exception de certaines règles de financement qui relèvent d’Élections Canada, la commissaire est d’avis que ces courses présentent une « vulnérabilité potentielle » en ce qui a trait aux actes d’ingérence étrangère et que cette question devra « sans contredit être examinée attentivement » dans la deuxième phase des travaux de la Commission sur l’ingérence étrangère qu’elle préside.

Un processus «  ouvert »

Interrogé au sujet des intentions du PLC à cet égard, un porte-parole du parti, Matteo Rossi, a fait savoir que les règles touchant les assemblées d’investiture demeurent les mêmes depuis que le parti a décidé de ne plus exiger de frais pour être membre et pouvoir voter lors des assemblées d’investiture et des courses à la direction du parti, il y a de cela plus de 10 ans.

« Les libéraux de la base ont bâti le mouvement le plus ouvert et le plus inclusif de la politique canadienne, notamment en devenant le premier grand parti fédéral à inviter des sympathisants de la base à se joindre à nous sans frais et en augmentant la participation à notre processus d’investiture, tant au chapitre de l’âge que de la citoyenneté », a expliqué M. Rossi dans un courriel à La Presse.

« Notre processus ouvert et inclusif permet aux candidats libéraux d’entendre davantage de gens dans les collectivités qu’ils souhaitent représenter et contribue à favoriser l’engagement citoyen auprès de ceux qui pourraient un jour avoir le privilège de voter lors d’une élection fédérale », a-t-il ajouté.

Il a avancé que les règles de sélection des candidats du Parti libéral « sont les plus solides de la politique canadienne » et a insisté pour dire que l’ensemble des candidats qui ont pris part à une course à l’investiture « ont été désignés par des libéraux inscrits de leur localité dans le cadre d’un processus qui se déroule d’une façon qui respecte entièrement les règles […] qui étaient en vigueur au moment de leur investiture ».

Différent chez les autres partis

Les règles touchant les courses à l’investiture du Parti conservateur du Canada sont totalement différentes. Pour être en mesure de voter, une personne doit être membre du parti 21 jours avant la date de l’assemblée d’investiture et payer des frais annuels de 15 $.

« Nous exigeons le paiement par carte de crédit. Cela évite l’achat en gros de la part d’une personne ou d’une organisation qui voudrait noyauter l’assemblée d’investiture. Cela nous permet aussi de vérifier l’adresse de la personne pour nous assurer qu’elle a le droit de vote. Ce n’est pas parfait, mais les frais de membership forcent les gens à faire une étape de plus. Cela permet de contrer toute tentative d’abus », a indiqué une source conservatrice qui a préféré s’exprimer sous le couvert de l’anonymat.

Le Bloc québécois n’a pas voulu commenter le dossier des assemblées d’investiture. À l’instar du Parti conservateur, le Bloc québécois exige des frais pour être membre, mais ces frais sont peu élevés – 5 $ par année. Le Nouveau Parti démocratique exige aussi des frais annuels de 5 $.