(Québec) Lionel Carmant se dit « scandalisé » par les révélations de La Presse sur le cauchemar vécu par des adolescentes dans une famille d’accueil de la DPJ pendant plus de 15 ans. Le ministre estime que la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse permettra d’éviter qu’un tel drame se reproduise.

« Je suis scandalisé, c’est abominable et il y a des comptes qui vont devoir se rendre devant la justice », a fait valoir le ministre responsable des Services sociaux à son arrivée à l’Assemblée nationale, mercredi.

Lionel Carmant entend demander à la directrice nationale de la protection de la jeunesse, Catherine Lemay, de faire enquête à savoir pourquoi des adolescents ont continué d’être confiés à cette famille d’accueil jusqu’en 2021 malgré la dénonciation d’une première victime en 2004. Selon lui, les autorités policières doivent aussi poursuivre leur travail parce que « ce que cette famille d’accueil a fait, c’est criminel ».

« Je n’ai pas l’information, il y a des choses qui sont confidentielles là-dedans, mais c’est sûr qu’on va demander une enquête là-dessus à la directrice nationale qui va falloir qui regarde ce qui se passe », a ajouté le ministre en mêlée de presse. Ce dernier n’a pas voulu affirmer qu’il s’agit d’un cas isolé affirmant « mettre tout en place pour pas que ça se reproduise ».

« Des cas d’abus sexuels d’enfants, c’est pas juste la DPJ… et c’est un cas qui date », a déploré M. Carmant, soutenant n’avoir jamais été mis au courant d’un cas similaire.

La Presse révélait mercredi qu’en 2004, une adolescente a dénoncé des agressions sexuelles par le père d’une famille d’accueil de la DPJ. Elle n’a pas été crue et la DPJ a continué à y envoyer des jeunes vulnérables jusqu’en 2021. Il aura fallu la dénonciation d’une autre jeune résidante, cette fois en 2021, pour que la Protection de la jeunesse agisse.

Une enquête de La Presse révèle six victimes et huit agresseurs et présumés agresseurs, dont trois hommes adultes, sur une période de 16 ans, dans cette famille d’accueil de Québec où ont été hébergés près de 70 enfants et adolescents.

« Elle était où, la DPJ ? Personne n’a rien vu ? Ma fille, elle va être marquée jusqu’à la fin de ses jours », a confié en entrevue la mère de cette victime.

Lionel Carmant estime que les modifications apportées à la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) en 2021 permettront d’éviter un drame semblable. « En modifiant la loi, on a libéré la parole des intervenants pour que, quand justement [la sécurité] des enfants est compromise, que l’information puisse s’échanger, ce qui n’était pas fait dans le passé », a illustré le ministre.

Les intervenants peuvent parler à l’école, à la police pour que ça se sache ces affaires-là

Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux

Il note que les dossiers d’enfants sous la DPJ sont maintenant conservés 25 ans après l’atteinte de la maturité. « Le dossier de la première jeune fille puisque ça remonte à 2004 n’était plus disponible », a-t-il déploré.

Transfert des pouvoirs

L’affaire a rebondi à la période des questions alors que la porte-parole libérale en matière de services sociaux, Brigitte Garceau, a pressé le ministre de confier au futur commissaire au bien-être et aux droits des enfants les pouvoirs de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), qui peut recevoir des plaintes et faire enquête.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Brigitte Garceau, députée libérale de Robert-Baldwin.

« Pourquoi est-ce que [le ministre] hésite à transférer tous les pouvoirs et les responsabilités de la CDPDJ au nouveau commissaire ? C’est une recommandation phare [de la commission Laurent]. Il y a, en ce moment, de grands manquements de la CDPDJ au niveau de l’exécution de ses obligations qui découlent de la Loi sur la protection de la jeunesse. On a des enfants, ils souffrent, on doit agir », a tonné Mme Garceau.

Le ministre n’envisage pas cette option alors que le projet de loi pour la création du poste de commissaire est toujours à l’étude. « C’est pas en transférant de la CDPDJ au commissaire qu’on va changer les choses, c’est en réglant le problème de la CDPDJ », a indiqué le ministre mercredi.

De son côté, le député solidaire Guillaume Cliche-Rivard plaide pour que le poste de commissaire soit créé le plus rapidement possible. « Je ne pense pas qu’il va régler tout du jour au lendemain, mais du moment où il va y avoir un acteur neutre et indépendant, un peu comme le protecteur du citoyen, mais pour les jeunes, les enfants, déjà il va y avoir un mécanisme considérable », a-t-il indiqué en entrevue.

« Je pense qu’il faut de manière globale que la directrice nationale de la DPJ se pose des questions. Comment ça se fait que dans le réseau, les familles d’accueil, dans les centres… Il y a des histoires qui sortent chaque semaine ! Je n’entends pas vraiment de remise en question du côté du ministre et de la DPJ. On dirait qu’on est à défendre le bilan alors que peut-être, il serait temps de [se] regarder dans le miroir et de se demander si tout ce qu’on fait donne les résultats escomptés », a ajouté le député.