(Ottawa) Le Bloc québécois presse la juge Marie-Josée Hogue de prolonger les audiences publiques portant sur les activités d’ingérence étrangère de la Chine, de la Russie et de l’Inde durant les élections de 2019 et de 2021.

Les récents témoignages de Justin Trudeau, de ses proches collaborateurs et du directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), David Vigneault, soulèvent de nombreuses questions qui doivent être examinées, plaide le Bloc québécois dans une lettre envoyée jeudi à la juge Marie-Josée Hogue.

Dans cette lettre, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, et le député bloquiste René Villemure affirment que la Commission a clairement reçu le mandat de faire toute la lumière sur les activités d’ingérence qui auraient eu lieu durant les deux derniers scrutins afin de « rebâtir le lien de confiance » de la population envers ses institutions.

À la lumière des témoignages entendus la semaine dernière, il apparaît évident que la Commission doit continuer de creuser certains aspects des preuves qui ont été soumises. Cette option est d’autant plus envisageable, selon le Bloc québécois, qu’une campagne électorale n’est pas imminente.

Les audiences publiques de la Commission sur les activités d’ingérence menées par la Chine et d’autres États ont pris fin vendredi dernier. La juge Hogue doit déposer son rapport sur cet aspect de son mandat le 3 mai.

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Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet

« Aujourd’hui, force est de constater qu’à l’approche de la fin des travaux de la première étape, la Commission manque de temps pour pleinement mener cet aspect de son mandat à bien. Alors que nous pensions que le temps alloué aux audiences allait suffire, le constat est tout autre : les témoignages ont soulevé des questionnements et des enjeux qu’on ne peut simplement pas laisser dans cet état », affirment MM. Blanchet et Villemure dans leur lettre.

« C’est pourquoi, alors que la prochaine échéance électorale ne semble pas imminente, nous vous demandons, madame la commissaire, de prolonger les audiences afin de permettre à la Commission de réentendre des témoins, en accueillir au besoin de nouveaux, et de formuler sur cette base des recommandations efficaces afin de protéger durablement la démocratie et les institutions », ajoutent-ils.

Des témoins devraient être réinterrogés

M. Blanchet et son collègue suggèrent à la juge Hogue d’inviter à nouveau quelques témoins. Le député Han Dong devrait être réinterrogé afin de déterminer qui, au sein du bureau du premier ministre, l’a averti que le SCRS le surveillait à cause d’allégations d’ingérence étrangère chinoise.

M. Dong a été élu sous la bannière libérale en 2019 et en 2021, mais il siège comme député indépendant depuis mars 2023 après que Global News eut rapporté qu’il aurait bénéficié de l’ingérence étrangère chinoise dans sa tentative de devenir le candidat libéral de sa circonscription, lors des élections de 2019.

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Le député Han Dong, lors de son témoignage à la Commission sur l’ingérence étrangère, le 2 avril dernier

Le Bloc québécois estime que Jeremy Broadhurst, un proche collaborateur de Justin Trudeau, doit aussi témoigner à nouveau. Ce dernier était directeur de la campagne nationale du Parti libéral en 2019. Il devrait expliquer plus en détail pourquoi il a recommandé au premier ministre qu’aucune mesure ne soit prise contre le libéral Han Dong. Selon le Bloc québécois, il serait également pertinent de savoir quelles sont ses compétences pour s’exprimer sur des enjeux de sécurité nationale et d’ingérence étrangère.

Le directeur du SCRS, David Vigneault, devrait être réinterrogé au sujet de ses échanges avec le premier ministre et son cabinet au sujet des ingérences chinoises et sur la qualité du travail du SCRS, selon le Bloc.

Les troupes d’Yves-François Blanchet estiment aussi que l’on devrait appeler à la barre des témoins l’ancien gouverneur général David Johnston, qui a agi comme rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère à la demande du premier ministre avant de démissionner dans la controverse. Selon le Bloc, M. Johnston, qui ne recommandait pas la tenue d’une enquête publique sur l’ingérence étrangère, devrait être interrogé sur le contenu de son rapport de mai 2023 sur cette délicate question.

« Cette commission a été bâtie sur le mandat ardu, mais essentiel, de rebâtir la confiance du public envers les institutions démocratiques et, au-delà, envers le processus électoral. Alors que plusieurs témoignages entendus lors des derniers mois suggèrent que si on devait en rester là, l’effet serait contraire, […] il est capital de prendre le temps d’entendre tous les acteurs en jeu dans ce dossier », affirment MM. Blanchet et Villemure dans leur lettre.

Michael Tansey, porte-parole de la Commission, a confirmé avoir reçu cette lettre et que « la Commission répondra à la demande du Bloc québécois en temps et lieu ».