(Ottawa) Non, la mort de travailleurs humanitaires n’est pas quelque chose qui s’inscrit dans le cours normal d’une guerre, contrairement à ce que dit le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, a riposté Justin Trudeau.

Quelques jours après la mort de sept travailleurs humanitaires de l’organisme World Central Kitchen, parmi lesquels se trouvait un père de famille beauceron, Jacob Flickinger, 33 ans, le premier ministre du Canada a critiqué sans détour l’argument avancé par son homologue de l’État hébreu.

PHOTO JOHN WOODS, LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau, premier ministre du Canada, lors d’une annonce à Winnipeg, jeudi

« Je ne suis pas d’accord avec le premier ministre Nétanyahou quand il dit : “Ah, c’est des choses qui arrivent dans la guerre”… Mais non ! Ça ne devrait pas arriver », a tranché Justin Trudeau en marge d’une annonce à Winnipeg, jeudi matin.

« Ceux qui sont là pour protéger les civils doivent être protégés eux-mêmes », a poursuivi le premier ministre en réitérant la demande d’ouverture d’une enquête « transparente et indépendante » sur les frappes israéliennes qui ont tué les employés de World Central Kitchen.

Les chancelleries d’un peu partout dans le monde ont dénoncé l’acte qu’Israël a qualifié de « grave erreur » – le genre de chose qui « arrive en temps de guerre », a encore justifié Benyamin Nétanyahou dans une vidéo, mercredi.

Le fondateur de l’organisme caritatif, le chef José Andrés, a réfuté la thèse d’une bavure dans une entrevue accordée à l’agence de presse Reuters, mercredi. Car les trois véhicules ont été « systématiquement ciblés, l’un après l’autre », a-t-il relaté.

D’après le récit qu’il a fait, le premier véhicule a été attaqué, mais ses passagers ont réussi à rejoindre le deuxième. Celui-ci aurait ensuite été frappé. Les travailleurs se sont réfugiés dans un troisième véhicule, qui a connu le même sort que les deux autres.

Les deux dernières conversations entre Justin Trudeau et un représentant de l’État hébreu n’ont pas eu lieu avec son homologue Benyamin Nétanyahou, mais plutôt avec Benny Gantz, membre du cabinet de guerre du gouvernement israélien et rival du premier ministre.

M. Gantz a appelé mercredi à la tenue d’élections législatives anticipées, en septembre.

Selon les plus récents sondages, en cas d’élections anticipées, Benny Gantz devancerait son rival politique, dont la popularité est en baisse depuis l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre, écrivait mercredi l’Agence France-Presse.

L’organisation d’élections anticipées nécessite l’accord d’une majorité des députés de la Knesset. Le parti de M. Nétanyahou y détient le plus grand nombre de sièges, sans cependant avoir la majorité.

Les armes et l’UNRWA

La tragédie survenue dans l’enclave palestinienne a donné un nouveau souffle aux appels à l’annulation des contrats d’exportation de matériel militaire vers Israël. « Le Canada doit enfin se désinvestir totalement de ces marchands de morts », a tranché l’organisation Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient.

Il y a un mois, une coalition d’avocats canadiens et des citoyens d’origine palestinienne ont déposé une poursuite en Cour fédérale contre la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly. Le processus judiciaire suit son cours, a confirmé jeudi l’avocat des requérants, MJames Yap.

Une autre lutte s’est par ailleurs ouverte jeudi sur le front judiciaire canadien.

Comme il l’avait signalé le 8 mars dernier, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) a déposé auprès de la Cour fédérale une demande de révision judiciaire de la décision du Canada de maintenir le financement de l’UNRWA.

« L’argent canadien versé à l’UNRWA ne fera qu’aider le Hamas à poursuivre ses attaques contre les Juifs et les autres Israéliens », a déclaré Richard Marceau, vice-président aux relations externes et avocat-conseil du CIJA.

Et d’ici à ce qu’une décision soit rendue, « il serait inapproprié pour le gouvernement du Canada de continuer à transférer l’argent des contribuables canadiens à l’UNRWA », a-t-il ajouté dans le même communiqué de presse.

Le prochain versement canadien de 25 millions est prévu ce mois-ci.

Le Canada et plusieurs autres bailleurs de fonds avaient décrété un gel du financement de l’UNRWA, fin janvier, après qu’Israël avait allégué que 12 des employés de l’agence onusienne auraient pris part aux attentats terroristes du Hamas, le 7 octobre dernier.

L’organisme onusien a congédié la douzaine d’employés, et une enquête dirigée par l’ex-ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a été lancée. Son rapport provisoire a « rassuré » le Canada, qui a décidé de rouvrir le robinet.

La version finale du rapport, que les Nations unies ont promis de divulguer, est attendue d’ici la fin d’avril.

Avec l’Agence France-Presse