(Québec) Le ministre des Finances, Eric Girard, minimise les feux jaunes émis par les firmes de notation financière Moody’s et DBRS Morningstar quant à l’ampleur du déficit qu’il a présenté dans son budget mardi. Le Parti libéral du Québec s’en inquiète et craint une augmentation des coûts d’emprunt.

Le gouvernement Legault anticipe un déficit record de 11 milliards pour l’exercice budgétaire 2024-2025, soit presque fois plus que son estimation antérieure de 3 milliards et près de deux fois plus que les déficits moyens de 6 milliards des deux années précédentes. Le premier ministre François Legault a déclaré mercredi et a réitéré jeudi que ce déficit est « raisonnable ».

Or, au lendemain du dépôt du budget, les analystes de la firme Moody’s ont produit un rapport préliminaire qui accorde un premier avis « négatif » au sujet de la notation de crédit du gouvernement du Québec. L’avis des agences est déterminant pour l’évolution des coûts d’emprunt du gouvernement.

« Il n’y a eu aucune indication que la cote (de crédit du Québec) changeait », a réagi le grand argentier du gouvernement lors d’une mêlée de presse jeudi. « Ils disent qu’un déficit de 11 milliards, c’est un élément négatif pour le crédit du Québec. Ils ne disent pas qu’ils sont négatifs sur la cote de crédit du Québec. »

« Ces agences émettent toujours des communiqués après un budget, c’est leur pratique normale, a ajouté Eric Girard. Il n’y a absolument personne qui prétend qu’un déficit de 1,5 % du PIB, c’est positif. Ni moi, ni personne. Et ce que les agences ont dit, c’est qu’un déficit élevé, ce n’est pas positif. Mais elles ont rappelé que le Québec a des cibles de dette à long terme, que le Québec a réitéré son engagement de revenir à l’équilibre budgétaire et que l’économique du Québec est diversifiée. »

Selon le rapport de Moody’s, « la baisse des résultats budgétaires est un constat négatif de crédit [credit negative] qui met en évidence les pressions auxquelles le gouvernement du Québec fait face tant sur les revenus que sur les dépenses. […] Ces pressions budgétaires sont telles que la province est limitée dans ses capacités d’utiliser la flexibilité fiscale [hausses de taxes et d’impôts, réductions de dépenses] que nous attribuons habituellement aux provinces canadiennes. »

Chez la firme DBRS Morningstar, on note que « les perspectives financières [du gouvernement du Québec] se sont clairement détériorées, reflétant une économie provinciale stagnante, des augmentations de salaire plus élevées que prévu dans le secteur public et une baisse des revenus d’Hydro-Québec. À moyen terme, ces perspectives moroses pourraient affecter l’évolution des notations de crédit » du gouvernement provincial.

Eric Girard a rappelé que ces avis préliminaires ne représentent pas l’équivalent d’une révision ou d’une baisse de la cote de crédit par les firmes. « Avant qu’il y ait une modification de cote, il y aurait un avis, on appelle ça en anglais un negative outlook (perspective négative, NDLR), il n’y avait pas ça dans les communiqués. Ce que disent les agences, c’est qu’un déficit de cette ampleur n’est pas un élément positif du point de vue du crédit du Québec. »

Pour le PLQ, « c’est important que la CAQ se ressaisisse ». « C’est pour tous les Québécois, aujourd’hui, ça va coûter plus cher, emprunter », a même lancé le porte-parole libéral en matière de finances, Fred Beauchemin. « Ce matin, on a eu des mises en garde de Moody’s et DBRS sur les finances publiques du Québec : déficit record, pas de plan de retour à l’équilibre budgétaire en sont la cause. Dans le monde obligataire, mardi, après le budget, le coût d’emprunt relatif du Québec a augmenté. Hier, après la conférence du premier ministre, le coût d’emprunt s’est encore plus détérioré », a énuméré M. Beauchemin.

Eric Girard a plutôt déclaré que le signal des marchés a été positif. « Hier, nous avons fait une émission dans le marché canadien. L’émission a été bien reçue, ça a été vendu, les investisseurs étaient au rendez-vous et ont pris acte de ces notes des agences de notation », a-t-il affirmé.

Les libéraux considèrent que les avis préliminaires des agences sont « avertissement solide » pour le gouvernement Legault. « Ça veut dire que plusieurs personnes regardent le marché obligataire du Québec et se posent à la question à savoir s’il va y avoir un nouveau programme d’émissions obligataires », a expliqué M. Beauchemin. Ce scénario, s’il se concrétise, fera augmenter les coûts d’emprunt pour le Québec.

« Dans le marché obligataire, tout se tient ensemble […] tout le monde va avoir à payer plus cher pour emprunter à la banque », a-t-il prévenu. M. Beauchemin a par ailleurs remis en doute la « crédibilité » du ministre des Finances, Eric Girard, qui s’est « trompé » à plus d’une reprise au cours des dernières années, selon lui.

Le PQ relativise

Pour sa part, le Parti québécois a affirmé que la situation financière du Québec n’est pas « castastrophique » et qu’il faut être prudent quant au message que doit envoyer le gouvernement.

« Comme politicien, au Québec, peu importe le parti auquel on appartient, il faut faire attention à cette question-là, de la décote et des risques », a soutenu le député péquiste Pascal Paradis.

« Il ne faut pas entretenir cette vision-là que le Québec est dans une situation risquée. Il ne faut pas entretenir ce discours-là. Quand on regarde le ratio de la dette par rapport au PIB, déficit par rapport au PIB, le Québec est encore dans une situation qui le place assez avantageusement par rapport à toutes sortes de pays occidentaux, notamment en Europe », a-t-il ajouté.

Selon le PQ, le gouvernement place le Québec dans une situation « plus difficile à cause des choix qu’il a effectués », le manque de planification et les « coûts du fédéralisme ».