(Québec) Accusé d’être le « King des déficits », le premier ministre François Legault réplique que le trou de 11 milliards de dollars pour 2024-2025 est « raisonnable » par rapport à la taille de l’économie du Québec. Il s’engage entre autres à faire le ménage dans la « bureaucratie » pour le résorber, notamment en réduisant le nombre de fonctionnaires qui a bondi sous sa gouverne.

Lors du dépôt de son sixième budget mardi, le ministre des Finances, Eric Girard, a reconnu que le déficit de 11 milliards – quatre fois plus gros que prévu – est le plus élevé de l’histoire en chiffres absolus.

Ce qu’il faut savoir sur le budget du Québec 2024

Lors d’un point de presse mercredi, François Legault s’est employé à relativiser le poids de ce boulet alors que le Parti libéral l’a accusé d’avoir perdu le contrôle des dépenses et d’être le « King des déficits ».

Si l’on ne tient pas compte des versements au Fonds des générations qui sert à réduire la dette, le déficit comptable – donc revenus moins dépenses – se chiffre à 8,8 milliards, a fait valoir M. Legault.

C’est 1,5 % du PIB, je pense que c’est quelque chose de raisonnable. On ne peut pas regarder ça en valeur absolue, il faut tenir compte de l’inflation ou du PIB.

François Legault, premier ministre du Québec

« J’ai vu beaucoup de monde dire : déficit record. Dans l’histoire du Québec, il y a eu cinq fois des gouvernements qui ont eu un plus gros déficit que nous autres », a-t-il ajouté. « On a eu deux gouvernements du PLQ qui ont eu des déficits de 3,1 % et 3,3 % du PIB », a-t-il plaidé. C’était dans les années 1990. « Et trois gouvernements du PQ ont eu des déficits de 1,7 %, 3,8 % et 4,7 % du PIB. » C’était en 1980-1981 dans le dernier cas, lors du choc pétrolier et de la récession.

Quant au déficit de son propre gouvernement, « il faut tenir compte qu’il y a un ralentissement économique, qu’il y a une situation spéciale chez Hydro-Québec à cause des niveaux d’eau qui nous fait perdre un milliard », a-t-il plaidé. « Et on est en train de redresser les deux réseaux importants [de la santé et de l’éducation] et, pour ça, il faut aussi investir. Et il était temps qu’on remette de l’argent » aux contribuables avec la baisse d’impôt l’an dernier.

« Avec ces deux choix qu’on a faits l’année dernière et cette année, on accepte un déficit, mais on va rétablir l’équilibre budgétaire progressivement sur cinq ans. Je suis très confiant qu’on va y arriver », a affirmé le premier ministre.

Il a déjà entrepris de donner un coup de balai dans des crédits d’impôt aux entreprises. Et ce n’est pas fini. « Étant donné qu’on est maintenant au plein emploi, il y a beaucoup de crédits d’impôt qui sont donnés sur la base des salaires, sur la base de la création d’emplois, alors qu’aujourd’hui, ce qu’il nous manque, ce n’est pas des emplois, il nous manque des emplois bien payés. » Il compte par ailleurs « accélérer la croissance économique », au point mort pour le moment.

« L’autre chose qu’on va faire, c’est qu’on va réviser les dépenses pour réduire la bureaucratie, pour être capables d’enlever les dépenses qui ne sont pas efficaces. »

En deux ans, le nombre de fonctionnaires dans les ministères et les organismes a bondi de 7,6 % pour atteindre 78 456 « équivalents temps complets » (ETC). François Legault compte maintenant supprimer des postes par attrition, à la faveur de départs à la retraite. « Dans la partie administrative, il y a des endroits où on peut faire des gains », a-t-il dit.

L’intention du premier ministre est « aberrante », selon le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), qui représente 30 000 fonctionnaires. Il y aura « coupe de services », contrairement à ce que laisse entendre M. Legault.

« On est sur le fer présentement et on n’a aucune possibilité de couper des fonctionnaires sans couper des services, a réagi le président du SFPQ, Christian Daigle. Où veut-il couper ? À la SAAQ ? Au ministère de la Justice ? À l’aide sociale ? Dans la santé et sécurité au travail ? Au ministère des Transports ? Quelle mission de l’État n’est pas importante pour lui ? »

Examen des dépenses

Le gouvernement lance un examen de l’ensemble de ses dépenses dont le fruit sera connu dans un an. Le ministère de la Santé devra faire sa part d’efforts comme les autres, a signalé le ministre Christian Dubé. « Avec l’arrivée de Santé Québec, où on va séparer les orientions et les opérations, c’est l’année idéale pour faire ce genre d’exercice. […] On va faire une révision importante de nos programmes. » Questionné pour savoir si un ticket modérateur ou une taxe santé pourrait être instauré, il a répondu qu’« on n’en est pas là pour le moment ».

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a signalé que « ce n’est pas dans les cartons » de réduire les subventions aux écoles privées.

Eric Girard ne craint pas une baisse de la cote de crédit du Québec par les agences de notation. Il s’est entretenu avec elles avant le dépôt du budget et il les rencontrera en mai. « Je m’attends à ce qu’ils reconnaissent que la situation actuelle est difficile et qu’on pose des gestes immédiatement, responsables, et qu’on est commis au retour à l’équilibre budgétaire […]. Avant d’avoir une décote, il y aurait un negative outlook [perspective négative]. Présentement, notre perspective est stable pour toutes les agences », a-t-il indiqué.

Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse