(Ottawa) Le gouvernement Trudeau annoncera jeudi qu’il va imposer de nouveau des visas aux ressortissants mexicains afin de freiner la hausse importante du nombre de demandeurs d’asile en provenance du Mexique.

Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, doit confirmer cette nouvelle mesure qui, reconnaît-on en coulisses, risque d’irriter au plus haut point un important partenaire commercial, a appris La Presse.

Pour dorer la pilule, le gouvernement Trudeau compte annoncer certaines exceptions, notamment pour les travailleurs agricoles, qui viennent en grand nombre du Mexique et qui représentent une main-d’œuvre indispensable pour les entreprises agricoles.

En 2023, quelque 25 000 Mexicains ont réclamé l’asile après avoir foulé le sol canadien. C’est plus du triple qu’en 2022 (7483) et quatre fois plus qu’en 2019 (5634). L’augmentation est telle que le Mexique occupe maintenant le deuxième rang des pays d’où proviennent les demandeurs d’asile, selon l’Agence des services frontaliers du Canada.

En cette année électorale au Mexique, on s’attend à Ottawa à une réplique forte des autorités mexicaines.

Selon Radio-Canada, qui a aussi rapporté la nouvelle mercredi, le visa qu’exigeront les autorités canadiennes sera valide pendant 10 ans et permettra des entrées multiples. Un ressortissant pourrait séjourner au pays pendant une période maximale de six mois à la fois. Cette mesure doit entrer en vigueur dès ce jeudi à 23 h 30.

Vives pressions

Depuis quelques semaines, le gouvernement Trudeau faisait l’objet de vives pressions de la part du gouvernement Legault, du Bloc québécois et du Parti conservateur afin d’imposer de nouveau un visa aux ressortissants mexicains. Les États-Unis exigeaient aussi un retour des visas. Les autorités américaines ont fait valoir à quelques reprises au cours des derniers mois que les migrants mexicains utilisent la frontière canado-américaine comme porte d’entrée vers les États-Unis, évitant ainsi la frontière entre les États-Unis et le Mexique, plus fréquentée et mieux gardée.

Le premier ministre du Québec, François Legault, avait d’ailleurs envoyé une lettre à son homologue fédéral Justin Trudeau à ce sujet au début de l’année. Dans sa missive, M. Legault a soutenu que le nombre de demandeurs d’asile arrivant au Québec est « excessif » et que la situation est devenue « insoutenable », de sorte que la province est sur le point d’atteindre son « point de rupture ».

Il réclamait une répartition « équitable » des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire canadien et disait s’attendre à ce qu’Ottawa rembourse les 470 millions affectés à l’accueil des demandeurs d’asile en 2021 et 2022, et qu’il fasse de même pour les années subséquentes.

À Québec, la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, a salué l’intention d’Ottawa de réimposer le visa. Un visa avait été imposé par le gouvernement Harper aux ressortissants mexicains, mais les libéraux de Justin Trudeau l’ont aboli peu de temps après leur arrivée au pouvoir en 2015.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette

« En 2023, le Québec a accueilli près de la moitié des demandeurs d’asile arrivés au Canada. De ce nombre, 25 % étaient des ressortissants mexicains. Cette annonce du gouvernement fédéral est la preuve que le Québec arrive à se faire entendre à Ottawa. C’est une étape importante qui vient d’être franchie, mais ça ne réglera pas tout », a écrit la ministre sur le réseau X.

« Le nombre de demandeurs d’asile accueillis par le Québec est beaucoup trop élevé et nos services sont saturés. Le fédéral doit répartir les DA [demandeurs d'asile] dans l’ensemble du Canada. Le Québec assume une part disproportionnée des responsabilités dans l’accueil des demandeurs d’asile. Le fédéral doit répondre rapidement à l’ensemble de nos demandes », a-t-elle ajouté.

« Tour de vis »

Durant la retraite du cabinet fédéral, à Montréal en janvier, le ministre Marc Miller avait reconnu qu’un « tour de vis » de la part d’Ottawa était nécessaire pour freiner la hausse du nombre de demandeurs d’asile.

« C’est clair que l’on regarde les mesures que l’on peut prendre comme pays pour assurer qu’on fait notre travail. En ce qui a trait aux demandeurs d’asile qui viennent du Mexique, on a vu un flux énorme de gens qui viennent du Mexique et qui réclament le statut d’asile. C’est clair qu’un tour de vis s’impose. Est-ce que c’est un quart de tour, un demi-tour ou deux tours ? C’est à déterminer. Nous sommes encore en train de réfléchir à l’approche à prendre », avait alors commenté le ministre Miller.

« Sachez aussi que lorsque l’on parle du Mexique, c’est un de nos partenaires économiques principaux et qu’une démarche diplomatique s’impose, et c’est une démarche qui n’est pas encore terminée », avait-il aussi avancé.

Avec La Presse Canadienne