(Montréal) L’union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération québécoise des municipalités (FQM) craignent que le projet de loi 41 sur la performance environnementale des bâtiments empiète sur l’autonomie des villes et engendre des coûts supplémentaires pour la construction de logements et de bâtiments.

Les représentants des municipalités étaient invités à participer au début de la consultation menée sur le projet de loi 41, mardi à Québec.

D’emblée, l’UMQ et la FQM ont salué les objectifs de cette loi qui vise à décarboner les bâtiments et permettre des économies d’énergie.

Mais les villes et municipalités s’inquiètent des coûts supplémentaires que pourrait engendrer notamment la mise en place d’une cote de performance environnementale liée aux bâtiments.

« Il est impératif que le financement des programmes de décarbonation des bâtiments municipaux soit suffisant pour ne pas entraver la construction ou la rénovation des infrastructures », a indiqué Martin Damphousse, président de l’UMQ et maire de Varenne.

Le projet de loi prévoit que les nouveaux bâtiments respectent un certain nombre de critères relatifs à l’efficacité énergétique, à l’empreinte carbone, à la réduction de la demande de pointe et à l’intégration d’infrastructures pour favoriser la mobilité durable, comme des bornes de recharge.

Les bâtiments existants qui doivent être rénovés seront aussi assujettis à certains critères liés à l’efficacité énergétique.

La loi prévoit également un registre public de la performance environnementale des bâtiments ainsi qu’une « obligation d’affichage et de divulgation de la cote obtenue par un bâtiment dans certaines circonstances ».

Les municipalités demandent donc au gouvernement de s’assurer que le financement des programmes de décarbonation des bâtiments municipaux soit suffisant pour éviter que la future loi devienne un frein supplémentaire à la construction ou la rénovation d’infrastructures municipales.

Le vice-président de l’UMQ, Guillaume Tremblay, a rappelé que les municipalités sont propriétaires de grands bâtiments qui consomment beaucoup d’énergie, et qui ne sont pas toujours bien isolés comme les arénas, les bibliothèques et les piscines.

« De nouvelles obligations entraîneront des coûts significatifs pour les municipalités, surtout en raison de la mise à niveau énergétique des infrastructures existantes et des coûts de construction accrus liés aux normes de performance environnementale, avec de nombreux équipements sportifs et des loisirs approchant la fin de leur vie utile dans toutes les régions du Québec », a souligné celui qui est également maire de Mascouche.

Il est impératif, a-t-il ajouté, que le financement des programmes de décarbonation des bâtiments municipaux soit suffisant pour ne pas entraver les projets de construction ou de rénovation.

Les dépenses permettront de réaliser des économies

Présent lors de cette commission parlementaire, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a répondu à l’UMQ qu’il « entend les différentes craintes au niveau des coûts » que le projet de loi 41 peut engendrer.

« C’est vrai pour les municipalités, c’est vrai pour les propriétaires de parc immobilier, il y a un coût à ces travaux-là, on est tous d’accord ». Cependant, « si on regarde les économies que ces travaux-là engendrent par la suite, c’est des coûts qui peuvent être amortis de façon bien prévisible et il faut le considérer naturellement dès le départ », a ajouté le ministre.

Éviter d’aggraver la crise du logement

Les municipalités s’inquiètent également que les nouvelles normes sur les bâtiments aient des conséquences sur le coût des loyers et des habitations, en pleine crise du logement.

Guillaume Tremblay a souligné que certaines régions du Québec comptent moins de promoteurs immobiliers, notamment parce qu’il est peu rentable de construire de nouveaux bâtiments. Dans ces régions, des municipalités doivent même mettre en place des programmes de subvention pour encourager la construction de logements.

« Il faut éviter que l’ajout de normes en matière de performance environnementale des bâtiments ait pour effet d’exacerber cet enjeu régional en pleine crise du logement », a fait valoir l’UMQ dans le mémoire qu’elle a déposé.

Ces craintes sont légitimes, a répondu le ministre Charette.

Toutefois, a-t-il fait valoir, « il ne faut pas oublier que ces obligations seront au départ, sur une base volontaire dans les premières années » et que la décarbonation des bâtiments « va s’opérer de façon graduelle sans que ce soit un choc trop important. »

La dernière chose que le gouvernement veut, a ajouté Benoit Charette, « c’est de rendre encore plus difficile l’accès à des logements ».

Ne pas empiéter sur l’autonomie des villes

L’UMQ et la FQM ont également fait part de leurs préoccupations quant à l’intention du projet de loi d’accorder la préséance aux règlements gouvernementaux sur certains règlements municipaux en matière environnementale.

« Cette préséance devrait établir un seuil minimal plutôt que de faire du “mur-à-mur” partout au Québec » et « permettre aux municipalités de maintenir leur autonomie en matière d’aménagement afin qu’elles puissent mettre en place des normes plus strictes en fonction des particularités de leur territoire », a fait valoir la FQM dans un communiqué.

La FQM et l’UMQ se sont également questionnées sur l’idée d’introduire un nouveau code de construction, le Code québécois du bâtiment durable, craignant qu’il n’ajoute de la complexité et des coûts administratifs.

Le secteur des bâtiments est responsable d’environ 10 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) au Québec, selon les données de 2020.

Le gouvernement souhaite réduire de moitié les émissions de GES liées au chauffage des bâtiments en 2030 par rapport au niveau de 1990.

Une divulgation de la cote le plus rapidement possible

Appelé à s’exprimer à la commission parlementaire en soirée mardi, le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie et professeur à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, a fait valoir que la première étape du projet de loi devrait être celle d’obliger la divulgation de la cote de performance énergétique du bâtiment lors de sa vente ou de sa location.

Il a soutenu que des compagnies offrent déjà l’évaluation énergétique de bâtiments, notamment résidentiels, au Québec depuis plusieurs années.

« C’est de dire, tout le monde est assujetti à la divulgation de la performance de son bâtiment au moment de la vente ou de la location d’un bâtiment. Et au fur et à mesure, tout le monde va connaître la cotation du parc immobilier, et par la suite, on peut aller progressivement pour des améliorations obligatoires », a expliqué le professeur.

Il a aussi souligné l’importance de la consommation énergétique des bâtiments résidentiels dans la province, et qu’ils soient ciblés dans la nouvelle réglementation.

« Les clients résidentiels représentent le plus gros potentiel de gains en térawattheures, a indiqué M. Pineau. Ce sont les clients résidentiels et [le chauffage] des clients résidentiels qui constituent le plus gros bloc d’appel de puissance des clients d’Hydro-Québec. »