(Ottawa ) Le coût de la vie dominait toujours le débat politique à la reprise des travaux parlementaires lundi. Le ministre François-Philippe Champagne a fait parvenir une lettre pour presser le commissaire à la concurrence d’utiliser ses nouveaux pouvoirs afin de lutter contre « les abus » des grands épiciers… tout en assurant respecter son indépendance. Le ministre Sean Fraser, quant à lui, veut stimuler la construction de résidences étudiantes.

Le prix de la facture d’épicerie et celui du logement continuent de hanter le gouvernement libéral alors que les partis de l’opposition l’ont de nouveau talonné sur la hausse du coût de la vie.

M. Champagne considère qu’il est « inacceptable » que les grands épiciers manquent de transparence sur leurs mesures pour réduire la facture d’épicerie et évitent de collaborer avec le Bureau de la concurrence pour une étude sur le marché de l’alimentation au pays.

Tout le monde dit que c’est une chaîne d’approvisionnement complexe, tout le monde dit qu’il y a plusieurs facteurs qui ont une influence sur les prix, alors mettons cartes sur table.

Le ministre François-Philippe Champagne

« Si c’est si compliqué que ça, donnez l’information au Bureau de la concurrence, permettez aux Canadiens et Canadiennes d’avoir cette compréhension-là du marché, et après, on va prendre les mesures appropriées. »

Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie fait des appels pour tenter d’attirer une enseigne étrangère au Canada pour faire concurrence aux cinq grandes chaînes d’épiceries.

M. Champagne faisait partie des cinq ministres qui ont fait le point sur le plan économique du gouvernement lundi. Le gouvernement compte faire de telles mises à jour toutes les semaines.

Dans sa lettre, le ministre incite le commissaire à la concurrence à « prendre des mesures décisives, surtout face aux prix actuels des aliments qui sont élevés ».

Le commissaire à la concurrence dispose de nouveaux pouvoirs depuis l’adoption du projet de loi C-56 en décembre, dont celui d’envoyer des citations à comparaître, de bloquer « les fusions qui ne profitent pas aux consommateurs » et d’examiner les pratiques abusives des entreprises dominantes sur le marché.

« Je trouve qu’il est temps qu’il y ait un ministre qui réveille un peu le Bureau de la concurrence », a réagi le directeur scientifique du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois, en entrevue. Il a rappelé que l’enquête sur le cartel du pain dure depuis neuf ans.

Il doute toutefois que le ministre Champagne, malgré toute sa volonté, réussisse à attirer un épicier étranger dans le marché canadien. « C’est de rêver en couleur, à mon avis », a dit le professeur qui conseille à l’occasion le ministre Champagne depuis l'été dernier. Selon lui, les enseignes l’auraient déjà fait si elles étaient intéressées, et dépenser l’argent des contribuables pour les attirer créerait une iniquité avec les autres.

Logement étudiant

Le ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, Sean Fraser, a pour sa part annoncé l’élargissement du programme de prêts pour la construction d’appartements de la Société canadienne d’hypothèques et de logement aux appartements pour étudiants.

« Le Canada a besoin davantage de résidences universitaires, et nous allons aider à les construire », a-t-il affirmé.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, Sean Fraser

Lors de la dernière mise à jour économique, le gouvernement avait alloué 15 milliards supplémentaires à compter de 2025-2026 pour porter l’enveloppe totale du programme à 40 milliards. Il espérait ainsi stimuler la construction de 101 000 nouveaux appartements locatifs abordables d’ici 2031-2032.

Les collèges, les universités et les promoteurs privés pourront désormais postuler à ce programme de subvention pour construire des résidences. Partout au Québec, des étudiants peinaient à se trouver un logement lors de la rentrée de l’automne dernier. La situation ailleurs au pays n’est pas très différente.

Cette mesure s’ajoute aux autres déjà annoncées par les libéraux depuis l’automne pour tenter de juguler la crise du logement. Or, tous ces efforts sont insuffisants à la fois pour les conservateurs et les néo-démocrates.

« Il y a des étudiants qui doivent vivre dans des centres pour sans-abri, a souligné le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, lors de la période des questions. À Québec, le coût du logement a doublé. À Montréal, il a triplé. Partout au Canada, le coût du logement a doublé depuis que ce premier ministre a promis de réduire le coût du logement. »

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a demandé un débat d’urgence sur la question à la Chambre des communes pour tenter de trouver d’autres solutions à la crise.

« Les libéraux ont été au pouvoir durant neuf ans et ils n’en ont pas fait une priorité », a-t-il déploré.

Les ministres Champagne et Fraser ont fait ces annonces dans le cadre de la mise à jour hebdomadaire de la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland. Comme c’était le cas l’automne dernier, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, y participait aussi. S’est ajouté lundi le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller.

Pas de flexibilité pour les PME

La porte est toujours fermée, voire verrouillée, pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui peinent à rembourser leur prêt sans intérêts alloué par le gouvernement durant la pandémie. La ministre Freeland a indiqué que 80 % des PME l’avaient payé en totalité. Environ 900 000 entreprises avaient obtenu un prêt par l’entremise du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC). « C’est presque 200 000 entreprises qui n’ont pas pu rembourser malgré tout », fait valoir le vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Jasmin Guénette.

« C’est 180 000 fois 40 000 $ dont le gouvernement est responsable », souligne le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet. Il propose que le gouvernement garantisse les prêts des entreprises auprès de leurs institutions financières et leur laisse les 20 000 $ de subvention. Les entreprises avaient droit à un maximum de 60 000 $, dont 20 000 $ de subvention. Elles avaient jusqu’au 18 janvier pour rembourser le gouvernement et obtenir cette somme en remise de prêt. Celles qui ont obtenu un prêt, mais qui doivent finaliser leur remboursement auprès du gouvernement ont jusqu’au 28 mars pour le faire. Celles qui n’ont pas été en mesure de le faire ont jusqu’au 31 décembre 2026 pour s’acquitter de leur dette, mais n’auront pas droit à la remise de prêt de 20 000 $.