(Sherbrooke) Un autre député caquiste offre un accès à un ministre en échange d’un don au parti.

Après le cas du député de Chauveau, Sylvain Lévesque, qui est actuellement sous enquête, c’est au tour de son collègue de Rousseau, Louis-Charles Thouin.

C’est ce que révèle une série d’échanges obtenus de sources fiables par La Presse Canadienne mardi.

Il a approché les 10 maires de la MRC de Montcalm pour qu’ils contribuent à la caisse de la Coalition avenir Québec (CAQ), en échange d’une rencontre avec la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

Or Élections Québec stipule qu’une contribution à un parti doit être faite « sans compensation ni contrepartie ».

La CAQ assure toutefois qu’« il n’y a aucun accès privilégié », mais a refusé de nous accorder une entrevue.

M. Thouin a ainsi lancé une invitation aux maires de sa circonscription pour un cocktail de financement prévu le 8 février.

Si les élus paient 100 $, ils pourront échanger avec Mme Guilbault, peut-on lire dans le message.

Dans son message, le député caquiste précise : « chaque député doit, chaque année, amasser des fonds en vue des prochaines élections, toutefois cette année j’ai décidé de vous proposer une nouvelle formule ».

Il dit qu’il veut ainsi « joindre l’utile à l’agréable » en invitant les élus à un « cocktail privé » au coût de 100 $, formule 5 à 7, à Saint-Jacques, en présence de la ministre des Transports.

« Geneviève et moi serons ravis de vous accueillir et de pouvoir échanger avec vous sur divers sujets qui vous préoccupent dont les enjeux de transports routiers et collectifs », peut-on lire.

Notons que le ministère des Transports et sa ministre sont constamment en interaction avec les municipalités sur des questions névralgiques de financement des infrastructures routières, de transport en commun, d’entretien des routes, de nouveaux tronçons, de sécurité, etc.

Rencontrer la ministre peut ainsi permettre à un élu municipal de faire avancer un dossier, mais un élu qui sollicite un rendez-vous avec un ministre ne doit pas avoir à payer pour obtenir sa rencontre.

La Presse Canadienne a demandé une entrevue à M. Thouin par l’entremise de son bureau de circonscription, sans succès. Le parti a également refusé notre demande d’entrevue.

Des questions ont toutefois été transmises au porte-parole du groupe parlementaire, Marc Danis, à savoir pourquoi le parti sollicitait les élus municipaux pour contribuer à sa caisse et si cela ne s’apparentait pas à du trafic d’influence.

« Il n’y a aucun accès privilégié », a écrit M. Danis dans un message texte.

« M. Thouin a invité des élus par courtoisie, a-t-il poursuivi. La décision de participer à une activité de financement appartient à chaque personne. Nos ministres ont rencontré plus de 1000 élus municipaux lors de rencontres formelles en 2023. Ils sont disponibles. »

Rappelons que ce n’est pas la première fois qu’une telle démarche de financement entreprise par la CAQ est mise au jour.

La semaine dernière, Radio-Canada révélait qu’une citoyenne qui souhaitait que son député, Sylvain Lévesque, fasse progresser son dossier s’est fait offrir de rencontrer le ministre des Finances, Eric Girard, en échange d’une contribution de 100 $ à la caisse du parti.

La commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, a annoncé lundi qu’elle entreprenait une enquête sur le cas de Sylvain Lévesque.

« La CAQ donne l’apparence de monnayer l’accès à ses ministres », s’est indigné le député solidaire Vincent Marissal en entrevue à Radio-Canada.

Un ancien enquêteur de la commission Charbonneau, André Noël, s’était aussi élevé contre les pratiques de financement caquiste.

Selon lui, cela violait l’esprit de la loi sur le financement des partis politiques en ce sens qu’on monnayait l’accès aux ministres.

Au Québec, les contributions financières aux formations politiques sont encadrées par la loi sur le financement des partis politiques.

Élections Québec stipule que le donateur doit attester que sa « contribution a été faite à même ses propres biens, volontairement, sans compensation ni contrepartie, et qu’elle n’a fait ni ne fera l’objet d’un quelconque remboursement ».

M. Noël doute que ce soit « volontaire » si on le fait en échange d’une rencontre avec un ministre.

M. Lévesque ne sera pas exclu du caucus caquiste entre-temps et il conserve aussi son poste de vice-président de l’Assemblée nationale.