(Ottawa) Sans aller jusqu’à prendre parti pour Israël dans la cause de génocide dont la Cour internationale de justice (CIJ) a été saisie, comme l’ont fait les États-Unis et l’Allemagne, le gouvernement Trudeau insiste sur le fait qu’il n’appuie pas pour autant la démarche de l’Afrique du Sud.

« Le soutien indéfectible du Canada au droit international et à la Cour internationale de justice ne signifie pas que nous acceptons les prémisses de l’affaire portée devant la Cour par l’Afrique du Sud », a déclaré par voie de communiqué la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, vendredi.

Signe du scepticisme d’Ottawa face à la démarche de Pretoria, la cheffe de la diplomatie canadienne souligne que pour atteindre le « seuil élevé » de la définition du crime de génocide prévue à la Convention sur le génocide des Nations unies de 1948, il « faut des preuves irréfutables ».

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly

Ajoutant que le Canada suivrait « de très près » l’évolution du dossier à la CJI, la ministre Joly a argué qu’il faudrait « veiller à ce que les étapes de la procédure dans cette affaire ne soient pas utilisées pour encourager l’antisémitisme et le ciblage des quartiers, des entreprises et des individus juifs ».

Cela faisait plusieurs jours que le flou persistait concernant la position du gouvernement libéral au sujet de la procédure intentée par le gouvernement sud-africain. En milieu de journée, vendredi, Justin Trudeau laissait entendre qu’Ottawa attendait d’entendre les plaidoyers des deux parties avant de se prononcer.

Dans cette cause judiciaire au caractère historique, les États-Unis et l’Allemagne ont serré les rangs derrière Israël. Le gouvernement allemand voit dans cette démarche le risque d’une « instrumentalisation politique » du droit international.

Le génocide est défini par les Nations unies comme un crime « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », selon la Convention sur le génocide adoptée en 1948.

Les conservateurs derrière Israël

Au Parti conservateur, on s’est résolument rangé du côté de l’État hébreu, tel que l’ont signifié la cheffe adjointe Melissa Lantsman et le député Michael Chong en signant une lettre ouverte dans le National Post. « La cause de l’Afrique du Sud est pire que sans fondement », y tranchent les deux élus.

« Les faits réels vont dans la direction opposée : c’est le Hamas dont la charte énonce clairement son intention génocidaire de rayer Israël de la carte, et dont la sauvagerie du 7 octobre montre que, s’il en a l’occasion, il est prêt à agir en conséquence », y martèlent-ils aussi.

Leur chef, Pierre Poilievre, a envoyé le même son de cloche en point de presse à Winnipeg, au Manitoba, vendredi. Il a également argué que le mutisme prolongé du gouvernement Trudeau relevait d’un stratagème politique cynique.

Début des procédures

L’Afrique du Sud accuse Israël de génocide devant la Cour internationale de Justice (CIJ). D’après Pretoria, les frappes israéliennes sur Gaza ainsi que le siège des Palestiniens qui y vivent revêtent un caractère « génocidaire ».

Le tribunal établi à La Haye, aux Pays-Bas, a entendu jeudi les arguments du camp sud-africain. L’avocate de l’Afrique du Sud, Adila Hassim, a plaidé que la campagne de bombardements menée par Israël visait « la destruction de la vie des Palestiniens » et poussait ceux-ci « au bord de la famine ».

La réplique de l’État hébreu est venue vendredi. Israël a déclaré qu’il ne cherchait pas à détruire le peuple palestinien à Gaza, en se défendant d’une accusation de génocide « dénaturée » et « malveillante » portée contre lui devant l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations unies (ONU).

D’après le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas, 23 708 personnes ont été tuées et plus de 60 000 autres ont été blessées depuis le début de la riposte israélienne aux attentats perpétrés le 7 octobre dernier par le Hamas. Les attaques ont a fait environ 1140 morts, et environ 250 otages.

Avec l’Agence France-Presse