(Québec et Montréal) Gabriel Nadeau-Dubois l’avoue : sa relation avec l’ex-députée Catherine Dorion n’a pas été « la plus facile ». Selon le chef parlementaire de Québec solidaire, la vision qu’a son ancienne collègue du système politique réduit le travail des élus « à une note de bas de page ».

« Catherine et moi n’avons pas eu la relation la plus facile. Ça ne surprendra personne. N’en reste pas moins que malgré nos différences et nos différends, le récit qu’elle fait de son passage en politique est bouleversant. Personne, jamais, ne devrait ressortir aussi blessé par son engagement politique. Nulle part et surtout pas à Québec solidaire », a écrit lundi le chef parlementaire de Québec solidaire, sur sa page Facebook.

Il répliquait ainsi à son tour à la publication du livre de Mme Dorion, Les têtes brûlées, carnets d’espoir punk, où l’ex-élue évoque certaines tensions qu’elle avait avec la direction du parti, et en particulier avec son co-porte-parole.

Selon Gabriel Nadeau-Dubois, il était rapidement devenu clair que certains désaccords existeraient avec la députée de Taschereau. « Si nous sommes souvent d’accord sur les défauts du Parlement, nous ne nous entendons pas sur ce qu’on devrait faire là », relate-t-il au présent.

« J’estime que la gauche doit participer et chercher à faire des gains concrets, même si notre cadre législatif est très imparfait. […] Pour Catherine, le système actuel condamne le politicien à jouer un rôle de “tribun zombie, effacé, scripté, impropre à faire l’histoire”. Je ne reconnais pas mes collègues dans cette description-là et je ne peux pas être d’accord avec une version de l’histoire qui réduit leur travail à une note de bas de page », poursuit le député de Gouin.

Il a au passage livré un message aux membres de Québec solidaire.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

Vous n’avez pas à choisir un camp, parce qu’il n’y a pas de camp à choisir. Notre famille politique a besoin de tout le monde. Les punks et les moins punks, les Manon et les Alejandra, les Amir et les Françoise. Les Catherine et les Gabriel.

Gabriel Nadeau-Dubois, sur Facebook

Déjà, en soirée, des élus solidaires semblaient se rallier derrière le point de vue de leur chef parlementaire. « Merci pour ce beau message qui nous incite à nous rassembler malgré nos différences », a par exemple réagi la députée Ruba Ghazal, l’une des trois candidates en lice pour succéder à Manon Massé. D’autres élus comme Alejandra Zaga Mendez et Alexandre Leduc abondaient aussi en ce sens.

« Puéril et enfantin »

Le tout survient alors qu’un ex-collaborateur de Mme Dorion a décrit l’ex-députée comme étant centrée sur elle-même et peu intéressée par le travail parlementaire, dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux.

« Elle reproche à Gabriel [Nadeau-Dubois] d’être égoïste et d’utiliser sa position pour faire sa promotion personnelle. Je crois que ce qui la dérange autant c’est qu’elle se reconnaît dans ce personnage imaginaire », écrit Louis-Philippe Boulianne, qui travaille désormais pour l’aile parlementaire de QS.

M. Boulianne raconte le parcours qu’il a emprunté avec celle qui a été députée de Taschereau de 2018 à 2022, de l’admiration au désenchantement. « J’ai eu l’opportunité de lire le livre de Catherine Dorion. Je ressors de cette lecture avec une grande tristesse », a-t-il déploré.

Lorsque M. Boulianne est arrivé au parlement du Québec en 2018, il partageait avec Mme Dorion « un mépris profond de l’institution et de ce qui s’y passe », mais il considère aujourd’hui que ce point de vue était « puéril et enfantin ».

Au départ, il approuvait les sorties de Mme Dorion. « Les gens de l’équipe, des attachées de presse, des militants de Taschereau ou des organisateurs du parti, m’appelaient, exaspérés et en colère des nouvelles aventures médiatiques de Catherine. Systématiquement, j’ai défendu et protégé Catherine. J’avais la conviction profonde que nous avions raison, que l’institution […] avait besoin d’une bonne dose d’élan créatif qui était incompatible avec le travail parlementaire ennuyant et aride », explique-t-il.

« C’est ça la job »

Au fil de son travail à l’Assemblée nationale, M. Boulianne souligne toutefois avoir mieux compris le travail « ingrat » des députés de l’opposition. « C’est vrai qu’il est souvent très ennuyeux, MAIS C’EST ÇA LA JOB », écrit-il, en citant le travail d’autres élus de Québec solidaire qui ont travaillé « des milliers d’heures en commission, loin des kodaks, à débattre d’amendements arides ».

Il affirme avoir perdu du respect pour la députée Catherine Dorion « au fur et à mesure qu’elle se réfugiait, d’abord dans le présentéisme, puis finalement tout bonnement dans l’absentéisme ».

PHOTO TIRÉE DE X

Louis-Philippe Boulianne, de l’aile parlementaire de Québec solidaire

Après 5 ans, je suis enfin prêt à le dire : Catherine n’a pas tiré notre mouvement vers le haut. Au contraire, elle s’est appuyée sur les épaules de notre parti pour se hisser elle-même plus haut.

Louis-Philippe Boulianne, de l’aile parlementaire de Québec solidaire

M. Boulianne affirme qu’il est faux d’attribuer uniquement à Gabriel Nadeau-Dubois les « critiques internes » sur les mésaventures médiatiques de Catherine Dorion. « La frustration et la colère envers Catherine ne venaient pas uniquement du sommet de la pyramide comme elle l’affirme. J’irais jusqu’à dire qu’une bonne majorité des employés, peu importe le rôle et la position, en avait franchement marre », dit-il.

Il reproche également à Mme Dorion de n’avoir « jamais porté le moindre intérêt » aux instances de Québec solidaire, « incluant le comité de coordination de son propre comté ».

Peu de commentaires

Plusieurs députés ont quant à eux indiqué qu’ils n’avaient pas eu le temps de lire le livre de Mme Dorion et qu’ils prendraient le temps de le faire dans les prochains jours. C’est le cas des trois candidates à la succession de Manon Massé comme porte-parole féminine du parti. « Christine [Labrie] va prendre le temps de lire le livre aujourd’hui », a indiqué son attachée de presse, Camila Rodriguez-Cea. Du côté de Ruba Ghazal, sa porte-parole, Shophika Vaithyanathasarma, a indiqué que la députée « va sans aucun doute préférer le lire avant de commenter la situation ». Même son de cloche du côté de l’équipe d’Émilise Lessard-Therrien. « Émilise souhaite prendre le temps de lire le livre de Catherine avant de réagir », a affirmé Élisabeth Labelle.