(Québec) Le premier ministre François Legault a dit s’attendre à une « grosse grève le 31 octobre », mais le front commun nie avoir l’intention de faire un débrayage le jour de l’Halloween. En novembre, par contre…

« Ce n’est pas dans les plans pour le 31, et je ne sais pas d’où ça vient, a affirmé le président de la CSQ, Éric Gingras. Maintenant, est-ce que je peux dire qu’il n’y en aura pas de grève en novembre ? Moi, je n’embarquerai pas là-dedans. On va analyser la conjoncture. »

Le front commun a annoncé mardi que son mandat de grève a reçu un appui « historique » de 95 % de la part de ses membres. « Oui, le taux de participation, il fluctue. Il y a des endroits où c’est 15 à 20 %, d’autres à 70 %. Mais peu importe le taux de participation, [le vote en faveur d’un mandat de grève] est partout au-delà de 90 % », a précisé Éric Gingras.

Ce mandat prévoit le recours ultime à une grève générale illimitée. Ce serait précédé de journées de débrayage isolées ou regroupées. Le front commun représente 420 000 travailleurs, des réseaux de la santé et de l’éducation notamment. Il regroupe la CSN, la FTQ, la CSQ et l’APTS.

La force du mandat de grève met de la pression sur le gouvernement pour revoir son offre, selon Éric Gingras. Mais elle en met également sur les leaders syndicaux. « Les attentes sont grandes. Les membres nous ont dit : n’arrivez pas avec n’importe quoi » comme entente de principe, a-t-il signalé.

Lors d’un point de presse au parlement mardi, François Legault a évoqué un débrayage possible à l’Halloween, causant la surprise dans les rangs syndicaux.

« Ce qu’on entend, on est encore dans des rumeurs, c’est qu’il va y avoir une grosse grève le 31 octobre », a-t-il affirmé.

Il a laissé entendre que le gouvernement ne ferait pas un mouvement supplémentaire significatif aux tables de négociation avant ce débrayage. « Évidemment, les syndicats croient toujours qu’ils doivent tenir une grève pour s’assurer qu’ils obtiennent tout ce qu’ils peuvent avoir, alors on va attendre la grève le 31 octobre », a-t-il dit.

Quelques instants plus tard, le front commun a signalé à La Presse qu’il n’est pas question de faire la grève ce jour-là.

Le premier ministre a réitéré que son offre faite aux employés de l’État est « raisonnable » et « respecte la capacité de payer des Québécois ».

Québec a mis sur la table des hausses salariales de 9 % en cinq ans, un versement forfaitaire de 1000 $ et des bonifications de 2,5 % pour certaines catégories de travailleurs.

Le front commun syndical demande environ 20 % en trois ans.

Demandes du front commun

  • Indice des prix à la consommation (IPC) + 2 % d’augmentation pour 2023
  • IPC + 3 % pour 2024
  • IPC + 4 % pour 2025

Note : les demandes syndicales représentent des hausses salariales totales d’environ 21 % si l’on tient compte de l’IPC enregistré en 2022 et des prévisions inscrites dans le budget du gouvernement Legault pour 2023 et 2024.

De son côté, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a déploré que le front commun n’ait pas encore élagué son cahier de demandes, contrairement à la FIQ et à la FAE. Elle avait demandé aux syndicats de présenter avant la mi-octobre un plan de match se concentrant sur environ cinq demandes.

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Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor

« Je me questionne sur la volonté [du front commun] ou sa capacité de procéder rapidement et d’avoir une entente d’ici la fin de l’année », a-t-elle affirmé. Elle dit avoir elle-même réduit ses demandes patronales pour accélérer les négociations.

Sonia LeBel a ajouté que le gouvernement devra déterminer bientôt si, en l’absence de mouvement de la part du front commun aux tables de négociation, le gouvernement suspendra le versement de diverses primes à leurs membres, primes qui ont été prolongées jusqu’ici même si elles devaient prendre fin à l’échéance des conventions collectives le 31 mars.

Selon Éric Gingras, le front commun présentera des demandes élaguées « dans les prochains jours, voire les prochaines semaines », aux tables de négociation. « Est-ce que les syndicats vont présenter cinq demandes partout ? Je peux d’ores et déjà dire que ce ne sera pas le cas. Mais oui, il y aura du mouvement, du travail qui va être fait. Parce qu’effectivement, on est rendu là, à choisir ce qui est le plus important. »

Appelés à réagir au mandat de grève obtenu par le front commun, les partis de l’opposition ont soutenu que le gouvernement doit bonifier son offre.

« Si l’offre est refusée, c’est au gouvernement à la bonifier », a déclaré en point de presse le chef intérimaire du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Tanguay.

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Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

Pour Québec solidaire (QS), il s’agit là d’un vote de grève « historique », un message clair au gouvernement. « On ne devrait pas s’appauvrir en travaillant dans nos services publics », a martelé le chef parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois.

De son côté, le Parti québécois (PQ) soutient que le gouvernement Legault n’est pas en position de force.

« Le gouvernement a plutôt un genou à terre dans la mesure où les services se dégradent, a affirmé le porte-parole du PQ en santé, Joël Arseneau. On est au bord de l’effondrement tant en santé qu’en éducation, qu’en services de garde. Or, le gouvernement, je pense, aurait la population derrière lui s’il décidait résolument de mettre en place des moyens pour améliorer les conditions de travail, pour améliorer les services et donner espoir aux gens. »

Avec La Presse Canadienne