(Québec) Le ministre responsable de Chaudière-Appalaches, Bernard Drainville, essuie les larmes qu’il avait versées lors de l’abandon du troisième lien autoroutier et reprend le bâton du pèlerin alors que le premier ministre ressuscite le projet sous la forme d’un tunnel ou, nouveauté, d’un pont.

Ravi, son collègue dans Beauce-Nord, Luc Provençal, proposera d’ailleurs une nouvelle version du projet qui permettrait le passage des poids lourds.

François Legault a causé toute une surprise dans son caucus, mardi, au lendemain de la défaite cuisante dans Jean-Talon. Une surprise aussi grande qu’au moment du recul sur la promesse de troisième lien ; les députés avaient été placés devant le fait accompli là encore.

Le premier ministre a décidé de lancer des consultations auprès de ses députés et de la population de la grande région de Québec et de tout mettre sur la table. Il a rouvert la porte à un tunnel autoroutier. Le recul sur sa promesse phare dans la région de la capitale est à l’origine de la perte de confiance des électeurs envers la Coalition avenir Québec, estime-t-il.

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François Legault a décidé de lancer des consultations auprès de ses députés et de la population de la grande région de Québec.

Le premier ministre a réitéré ses intentions mercredi. « Je pense que c’est important de ne pas être dogmatique. C’est important de consulter la population et ne pas exclure la possibilité d’avoir un troisième lien. Soit un pont, un tunnel, pour les camions. Regarder toutes les possibilités », a-t-il soutenu alors que les chefs des partis de l’opposition le mitraillaient de questions et de critiques au Salon bleu.

Quelques instants auparavant, des élus caquistes de la Rive-Sud se réjouissaient de ce revirement de situation, qui est interprété plus largement comme un virage à 180 degrés dans le caucus.

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Martine Biron, députée de Chutes-de-la-Chaudière

« L’idée, c’est de rester calme, avoir une conversation, et je suis contente que le premier ministre ait ouvert cette porte-là et qu’il n’y ait pas de sujets tabous sur la table », a affirmé la ministre Martine Biron, députée de Chutes-de-la-Chaudière. « J’ai fait quelques téléphones, des partenaires dans ma circonscription. J’ai notamment parlé avec la présidente de la Chambre de commerce du Grand Lévis. Elle est emballée à cette idée-là. »

Même enthousiasme chez Bernard Drainville. « Le premier ministre dit : on a mangé une claque et il faut écouter les citoyens. Je ne peux pas faire autrement que d’être d’accord avec lui. On a mangé une claque, et il faut accepter de se remettre en question. Alors on va écouter les citoyens », a dit le député de Lévis lors d’une mêlée de presse.

Le printemps dernier, il avait présenté, en larmes, ses excuses à ses citoyens « en colère » après la décision du premier ministre d’enterrer le troisième lien autoroutier.

L’espoir renaît aujourd’hui. « J’ai toujours cru à un nouveau lien. Toujours. Je crois toujours en un nouveau lien. Maintenant, je ne veux pas qu’on fasse des promesses en l’air. On va écouter les gens et on va voir ce qu’ils ont à nous proposer. » L’appui au tunnel autoroutier est massif sur la Rive-Sud.

« Ce que je dis à mes commettants, c’est que je suis là pour vous représenter ! a lancé le ministre. Je vais représenter fièrement les citoyens de Lévis et de Chaudière-Appalaches. »

« Toutes les options sont sur la table, y compris possiblement, il n’y a pas d’engagement, il y a une volonté d’écouter et si on écoute, ça peut vouloir dire qu’effectivement, il y a l’option du troisième lien routier. C’est certainement une des options qui pourraient être mises sur la table quand on va discuter avec les citoyens. »

Le député Luc Provençal dit avoir eu un son de cloche enthousiaste de la part des maires de sa circonscription de Beauce-Nord après l’annonce du premier ministre, mardi. « J’ai eu quelques appels et effectivement, ils sont très contents de voir qu’on va rouvrir ce dossier-là », a-t-il dit.

Il entend proposer sa propre version de troisième lien. « J’ai continué de consulter les gens de mon milieu et on travaille sur un projet », a-t-il révélé. Il a laissé entendre que ce lien, contrairement à la dernière mouture du tunnel, permettrait le passage des camions. « Il faut plus penser au trafic lourd », a-t-il insisté, un argument qui a trouvé écho auprès du premier ministre, de toute évidence.

Députée de Bellechasse, Stéphanie Lachance affirme que ses électeurs veulent être entendus par le gouvernement et réclament ardemment un troisième lien routier. « Dans Bellechasse, il n’y a pas de moyen de transport collectif. Donc, les gens, forcément, sont obligés de se déplacer en voiture. Pour eux, c’est un besoin », a-t-elle plaidé.

L’opposition réagit

Plutôt que de promettre n’importe quoi, plutôt que de nous relancer dans ce projet-là, il devrait déposer un plan pour la mobilité, améliorer la mobilité dans la grande région de Québec. […] Là, il essaie de retrouver son sex appeal électoraliste dans la grande région de Québec.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

Quel manque de respect pour les gens de la région de Québec. Quel manque de respect pour les Québécois et les Québécoises. Le premier ministre a roulé pendant deux élections avec une promesse qui ne tenait pas la route. […]. Il suffit d’une élection partielle pour qu’il retourne dans son cul-de-sac.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

En ramenant la possibilité du troisième lien, le premier ministre fait à nouveau la démonstration que ses décisions sont basées sur l’humeur du moment, sur de l’improvisation.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

L’idée d’un troisième pont ne date pas d’hier

En 2018, la Coalition avenir Québec (CAQ) promettait de mettre en chantier une nouvelle connexion entre les deux rives dans un premier mandat. Le projet est devenu en 2019 un tunnel sous-fluvial. En janvier 2022, avant que François Legault retourne aux urnes solliciter un second mandat, l’ingénieur Bruno Massicotte a publié une lettre ouverte pour prévenir le gouvernement que la plus récente mouture de son projet était « à la limite de ce qui est techniquement réalisable ». M. Massicotte, qui avait été mandaté par l’ancien gouvernement Couillard pour évaluer la faisabilité et les coûts d’un troisième lien, suggérait plutôt d’opter pour un lien centre-ville à centre-ville destiné au transport collectif et un nouveau pont pour les véhicules et les camions. Lors de la dernière campagne électorale, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, proposait d’en construire un qui traverserait l’île d’Orléans. François Legault l’accusait alors de vouloir « détruire le paysage ». Les maires de l’île étaient aussi opposés au projet.