L’histoire derrière le saut en politique de François Legault en 1998 commence dans une cour d’école.

La cour de l’Externat Mont-Jésus-Marie que fréquentent ses fils Xavier et Victor.

Deux autres petits gars usent les chaises de cette école privée d’Outremont : Alexandre et Simon Bouchard, fils de Lucien Bouchard, alors premier ministre du Québec.

Legault et Bouchard ne se connaissent pas encore. Ce sont leurs femmes qui se lient d’amitié d’abord : Isabelle Brais et Audrey Best, qu’un cancer emportera en 2011.

Elles échangent quelques mots lors du rituel quotidien des parents, au moment de récupérer les enfants à la sortie de l’école. Elles se croisent lors d’activités. Les formules de politesse font place aux confidences.

Un beau jour, Isabelle Brais raconte à Audrey Best que son mari « a vendu sa business » et « est en période de réorientation, de réflexion ».

Elle ne tâte pas le terrain pour son mari en vue d’une carrière en politique, loin de là. Elle ne se doute pas de la suite qui, bientôt, la fera pleurer.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Lucien Bouchard et sa femme Audrey Best, en 2000

Mais ces mots prononcés ce jour-là sont, pour ainsi dire, l’élément déclencheur de l’aventure politique de François Legault, raconte Lucien Bouchard en entrevue.

« Les petits gâteaux Vachon »

François Legault est en « réorientation » à la suite d’une décision subite et controversée qu’il a prise en 1997.

En brouille avec ses associés, il quitte Air Transat et vend ses parts sans avertissement.

Le natif de Sainte-Anne-de-Bellevue, issu d’un milieu modeste, atteint son objectif d’être indépendant de fortune avant 40 ans. Il en a 39. La Presse écrit à l’époque que la vente de ses actions lui aurait permis d’empocher environ 14 millions de dollars.

François Legault siège à huit conseils d’administration – dont Provigo, Culinar, Bestar et Sico –, mais il est mûr pour un nouveau défi.

« J’étais en train de regarder la possibilité, avec la Caisse de dépôt, d’acheter une entreprise québécoise », affirme François Legault lors d’une brève entrevue avec La Presse jeudi. Quelle entreprise ? « Je peux bien vous le dire aujourd’hui… C’était Culinar, donc les petits gâteaux Vachon », révèle-t-il. L’entreprise aujourd’hui centenaire est passée à des intérêts mexicains en 2014 après bien des démarches au fil des années pour en conserver la propriété québécoise.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

François Legault n’affichait pas publiquement sa foi souverainiste avant de se lancer en politique.

Mais François Legault a aussi un intérêt pour la chose publique. C’est connu. Sa foi souverainiste l’est toutefois moins à ce moment ; il en fait part en privé à certains seulement. Il la cache pendant ses années à Air Transat par respect pour ses employés, dira-t-il plus tard.

« Je n’ai pas couru après la politique, sauf qu’il était clair dans ma tête, en quittant Air Transat, que je n’allais pas jouer au golf jusqu’à la fin de ma vie », ajoutera M. Legault.

« Enrichir » l’équipe péquiste

Audrey Best rapporte à son mari ce qu’Isabelle Brais vient de lui confier. Lucien Bouchard se dit qu’« il y a peut-être là quelqu’un de disponible pour la politique ».

« Son profil était intéressant », explique l’ancien premier ministre.

« C’est un diplômé de HEC, comptable de formation qui a fait carrière en affaires avec réussite. Et il est encore jeune. Je trouvais que c’était une belle acquisition. »

Il y a alignement des astres. Lucien Bouchard cherche justement à « enrichir » son équipe en prévision des élections générales. Il veut recruter des gens d’affaires, denrée rare au Parti québécois.

L’ancien premier ministre n’a pas le souvenir du moment exact et des circonstances de la première prise de contact de son équipe avec François Legault. Mais il se rappelle qu’au même moment, « Jean-François Lisée entre en scène ».