(Québec) François Legault lance un appel au calme dans le débat entourant l’identité de genre. Surpris par le « manque de respect » et le ton parfois « violent » des personnes qui ont manifesté mercredi d’un bout à l’autre du pays, y compris à Montréal, il dit être un « rempart contre les extrêmes ». Le premier ministre n’exclut pas de modifier des lois ou des politiques concernant la communauté LGBTQ+ au terme de travaux que réalisera prochainement un comité de « sages ».

À peine rentré de New York, M. Legault a dit constater « une grande polarisation » entre les manifestants réunis par One Million March for Children, un groupe composé de militants musulmans conservateurs, de membres de la droite religieuse et de sympathisants du « convoi de la liberté », et ceux qui ont organisé des contre-manifestations pour défendre les droits des personnes trans et non binaires.

« Je fais un appel au calme des deux côtés. D’un côté, on a un devoir, comme société, de protéger des gens qui sont dans les minorités, et de l’autre côté, je peux comprendre les parents qui sont inquiets, les citoyens qui sont inquiets. Il faut être capable de faire ce débat-là sans s’insulter, sans partisanerie », a-t-il dit jeudi.

Le premier ministre a rappelé que son gouvernement mettra sur pied d’ici Noël un comité de « sages » qui aura pour mandat d’analyser tous les enjeux soulevés concernant l’identité de genre.

« Les Québécois sont modérés et on n’a pas l’habitude de voir cette polarisation d’un côté comme de l’autre. Je comprends que c’est un débat important, le débat sur l’identité de genre, mais c’est un débat qu’on doit faire sereinement. […] Essayons de rassembler plutôt que de polariser et de créer de l’animosité », a-t-il dit.

Des changements législatifs ?

À l’heure actuelle, il existe des lois et des politiques gouvernementales au Québec qui protègent les droits des personnes de la communauté LGBTQ+. En 2016, l’Assemblée nationale a par exemple adopté la Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres.

Cette loi a modifié la Charte des droits et libertés de la personne afin « d’y prévoir une protection explicite contre la discrimination fondée sur l’identité de genre ». Elle a aussi modifié le Code civil afin de prévoir « qu’un mineur de 14 ans et plus puisse faire seul une demande de changement de nom auprès du directeur de l’état civil et que, dans ce cas, la demande ne pourra être accordée, à moins d’un motif impérieux, si les deux parents du mineur, à titre de tuteurs légaux, ou le tuteur, le cas échéant, n’ont pas été avisés de la demande ou si l’un d’eux s’y oppose ».

En 2021, un guide qui aborde spécifiquement la question de l’intégration des jeunes trans et non binaires dans le réseau scolaire a également été publié par le ministère de l’Éducation, alors que le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) effectuait son premier mandat.

Questionné si des lois québécoises ou des politiques gouvernementales allaient être modifiées, une fois les travaux des « sages » achevés, François Legault a répondu jeudi que « ça vaut la peine de se poser des questions » et que le comité aura pour mandat de définir si des règles doivent être changées.

On a pris position sur un des sujets, […] très clairement, en disant qu’il n’est pas question de transformer les toilettes dans nos écoles pour faire des toilettes mixtes partout, mais il reste beaucoup de sujets à traiter, entre autres, qu’est-ce que les enfants peuvent décider, qu’est-ce que leurs parents peuvent décider.

François Legault, premier ministre du Québec

À la fin de la période des questions, jeudi, les parlementaires ont adopté à l’unanimité une motion présentée par Québec solidaire condamnant les « propos haineux et discriminatoires » tenus envers la communauté LGBTQ+ lors des manifestations de mercredi et affirmant que leurs « droits fondamentaux doivent être garantis et protégés ».

L’opposition s’inquiète des discours haineux

En mêlée de presse, jeudi, le député de l’opposition officielle de la circonscription de l’Acadie à Montréal, le libéral André Albert Morin, a affirmé que les manifestants ont le droit d’exprimer leurs opinions, « mais ça doit être fait d’une façon pacifique, puis dans le respect des gens ».

« Quelqu’un a le droit d’exprimer son opinion, mais ça dépend comment il l’exprime. Si c’est sûr qu’en s’exprimant, il attaque et il dénigre un groupe dans la société, bien là, à ce moment-là, il faut voir s’il ne rentre pas dans un discours haineux. Si c’est le cas, bien, la liberté d’expression ne protège pas ça », a-t-il dit.

Le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, a pour sa part réclamé au premier ministre Legault de faire un appel au calme, rappelant que les jeunes enfants trans qui fréquentent les écoles du Québec sont bien réels et qu’ils souffrent lorsque les débats s’enflamment.

Les jeunes, les enfants trans, les enfants non binaires au Québec, ils existent. Ils ne sont pas arrivés des États-Unis, c’est des petits Québécois, des petites Québécoises, puis ils veulent grandir dans un Québec qui les respecte. Puis, moi, j’espère que, quand on débat de ça, on pense à ces enfants-là.

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

La semaine dernière, le Parti québécois (PQ) a pour sa part réclamé la tenue d’une commission parlementaire sur l’identité de genre. Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a affirmé que des idéologies en provenance de la « gauche radicale », notamment sur l’identité de genre, s’imposent dans les écoles. Il a depuis publié une lettre ouverte dans les médias de Québecor pour étayer sa pensée.

« L’apparition de la question de la théorie du genre ne peut être dissociée de l’explosion de nouvelles théories et phénomènes qui ont vu le jour au cours des dernières années et de la novlangue qui l’accompagne : racisme systémique, annulation d’œuvres et de personnes, endroits réservés exclusivement aux membres d’une communauté, microagressions, abolition effective des frontières, définancement de la police, privilège blanc, appropriation culturelle, etc. », a-t-il énuméré.

« Ces concepts ne sauraient s’imposer à nos enfants sans qu’il y ait de débat démocratique au préalable sur la pertinence de les aborder d’abord, et ensuite, sur la manière de le faire », a écrit M. St-Pierre Plamondon.