(Saguenay) Le premier ministre François Legault s’inquiète du déclenchement possible de grèves dans les réseaux de la santé et de l’éducation à partir de la fin du mois.

Le gouvernement n’a « pas la capacité de payer » les demandes salariales des syndicats, qui doivent renoncer à « la Labatt bleue pour tout le monde », la même augmentation pour tous les corps d’emploi, a-t-il prévenu vendredi.

Au terme de la réunion de son caucus pour préparer la rentrée de l’Assemblée nationale du 12 septembre, le premier ministre a signalé que les négociations pour le renouvellement des conventions collectives des 600 000 employés de l’État seront un dossier chaud cet automne.

Il a dit craindre une intensification des moyens de pression des syndicats, déplorant les « menaces de grève » faites par des chefs syndicaux qu’il n’a pas nommés.

J’ai quand même certaines inquiétudes sur les perturbations annoncées par certains syndicats qui vont avoir le droit de grève à la fin du mois.

François Legault, premier ministre du Québec

M. Legault veut que les négociations « se règlent le plus rapidement possible », « de façon harmonieuse, sans affecter les services à la population ».

Le front commun syndical (FTQ, CSN, CSQ et APTS) organise une « manifestation nationale » le 23 septembre à Montréal. Il a déjà obtenu de ses membres le mandat de préparer le recours stratégique à la grève. Le processus de médiation est terminé et les rapports concluent sans surprise à une impasse. Une autre étape préalable au recours à la grève sera franchie sous peu alors que le Tribunal administratif du travail (TAT) est appelé à déterminer les services essentiels qui devront être maintenus lors d’un débrayage.

De son côté, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) est encore plus avancée vers l’exercice d’un droit de grève alors qu’elle a obtenu en juillet un jugement du TAT sur les services essentiels. La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui vient d’élaguer certaines demandes, consulte pour sa part ses membres pour obtenir un mandat de grève générale illimitée. Elle fera part de ses intentions à la fin du mois.

« Il faut être raisonnable », dit Legault

Le premier ministre a plaidé que son offre salariale permet de couvrir l’inflation prévue pour les cinq prochaines années, c’est-à-dire 11,5 %.

Québec a mis sur la table des hausses salariales de 9 % en cinq ans, un versement forfaitaire de 1000 $ et des bonifications de 2,5 % pour certaines catégories de travailleurs.

Le front commun syndical demande environ 20 % en trois ans.

Demandes du front commun

  • Indice des prix à la consommation (IPC) + 2 % d’augmentation pour 2023
  • IPC + 3 % pour 2024
  • IPC + 4 % pour 2025

Note : les demandes syndicales représentent des hausses salariales totales d’environ 21 % si l’on tient compte de l’IPC enregistré lors de la dernière année et des prévisions inscrites dans le budget du gouvernement pour 2023 et 2024.

« À un moment donné, il faut être raisonnable », a-t-il affirmé en disant que la FIQ lui demande de son côté des augmentations salariales de 24 %. « On n’a pas cette capacité-là de payer. » La FIQ n’a pas contesté la hauteur de ses demandes telle que chiffrée par le premier ministre.

L’État québécois « en déficit »

François Legault n’a pas dit que son offre est finale. Mais il a signalé que le gouvernement n’a pas les moyens de répondre aux demandes syndicales. Il a rappelé que l’État québécois est « en déficit » et qu’« il n’est pas question d’augmenter les impôts ou les taxes des Québécois ».

« Un point de plus [d’augmentation salariale], c’est 600 millions par année. Il faudrait qu’ils me disent où je le prends », a-t-il insisté.

Il faut que les chefs syndicaux se rappellent qu’on travaille avec l’argent des Québécois qui est durement gagné par les contribuables.

François Legault, premier ministre du Québec

Or le gouvernement Legault a accordé aux policiers de la Sûreté du Québec des augmentations salariales qui dépassent le cadre financier fixé pour ses autres travailleurs : un total de 21 % en cinq ans. Les autres syndicats en ont pris bonne note, ce qui risque d’augmenter la pression aux tables de négociation.

Pour François Legault, « le plus grand défi » de la présente ronde de pourparlers est d’augmenter le nombre d’infirmières qui travaillent à temps plein, le soir ou encore la fin de semaine. Certaines catégories de travailleurs doivent obtenir davantage que les autres pour répondre à des pénuries, comme les psychologues. « Ce n’est pas simple pour les syndicats » d’accepter ces hausses différenciées, a-t-il signalé.

« Les syndicats comme la FIQ veulent la Labatt bleue pour tout le monde, le mur à mur, la même augmentation. Mais le mercredi en plein milieu de la journée, parfois on a trop d’infirmières dans certains endroits », a-t-il relevé pour justifier l’attribution de primes spéciales pour les quarts défavorables.

Construction : un « chantier costaud »

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Québec lancera une opération de séduction pour recruter massivement des travailleurs de la construction, un secteur en surchauffe avec tous les projets d’infrastructure en cours et à venir. Le gouvernement envisage d’offrir des formations accélérées et de payer les élèves pendant leurs études, un peu comme il l’a fait pendant la pandémie avec les préposés aux bénéficiaires. Cela se fera avec l’accord de la Commission de la construction du Québec (CCQ). « Ceux qui sont peut-être en réflexion pour un choix de carrière ou une réorientation, préparez-vous ! On va arriver avec un chantier costaud cet hiver pour convaincre les gens de venir se former en construction », a promis le premier ministre.

Loi 40 : Québec porte le jugement en appel

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François Legault a confirmé que le gouvernement fera appel du jugement de la Cour supérieure du Québec, qui a donné gain de cause aux commissions scolaires anglophones dans leur contestation judiciaire de la loi 40 sur la création des centres de services scolaires. La Cour a statué en août dernier qu’abolir les commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires enfreindrait les droits des anglophones.

La prime de 125 $ abolie

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La prime quotidienne de 125 $ versée aux députés qui doivent siéger en commission en dehors du calendrier parlementaire sera abolie, a indiqué François Legault. Après l’avoir d’abord défendue, M. Legault s’est rallié à l’opposition, qui a réclamé le retrait de la prime après la publication d’un texte du Devoir, jeudi. Le premier ministre a demandé vendredi au whip en chef du gouvernement de présenter une résolution en ce sens au Bureau de l’Assemblée nationale.

Hydro-Québec : des besoins encore plus importants

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Pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, le Québec aura finalement besoin de plus de 100 térawattheures additionnels d’énergie (l’équivalent d’un demi-Hydro-Québec). François Legault a signalé que le nouveau patron de la société d’État, Michael Sabia, fera une « mise à jour » des prévisions qui avaient été présentées par sa prédécesseure. « C’est encore plus que ce qui a été estimé par Sophie Brochu », a confirmé M. Legault, qui avait lui-même évoqué jusqu’à 150 TWh. Le gouvernement envisage toujours de modifier les tarifs résidentiels d’Hydro-Québec. « Est-ce qu’on peut réduire les tarifs la nuit pour brancher notre auto ou notre lave-vaisselle ? Ça fait partie des choses qu’on va regarder. »