Québec lance une vaste consultation pour « moderniser » le régime de protection du territoire agricole. Le gouvernement promet d’écouter tant les acteurs de l’agriculture que ceux du monde municipal, dans un exercice délicat pour ménager la chèvre et le chou alors que les pressions s’accentuent sur le « garde-manger » des Québécois.

Le ministre de l’Agriculture a promis mercredi une « discussion nationale » et « rassembleuse » qui sera « respectueuse des acquis au Québec ». « Perte de superficies cultivées, augmentation des développements résidentiels, augmentation des terres en friche », a énuméré le ministre André Lamontagne, citant les menaces qui planent sur les terres agricoles.

La consultation, intitulée Agir pour nourrir le Québec de demain, survient alors qu’on soulignera en novembre prochain le 45anniversaire de l’adoption de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles.

Si des débats sont à prévoir, l’annonce de mercredi a permis de déceler un sujet sur lequel tant les agriculteurs que les élus semblent s’entendre : la mise en place d’une surtaxe sur les terres en friche.

« À Varennes je le vis, avec un propriétaire terrien qui n’est pas [agriculteur], qui a un objectif de développement », a raconté le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Martin Damphousse.

« Il a décidé l’année passée de ne pas louer la terre à l’agriculteur qui la cultivait depuis des années en la laissant en friche en rêvant que ce soit dézoné et la réponse est non. »

L’État calcule qu’entre 2006 et 2021 ce sont 63 000 hectares qui ont cessé d’être cultivés. Dans plusieurs cas, il s’agit d’opérations spéculatives, déplore l’Union des producteurs agricoles (UPA).

« En 2022, 50 % des acquisitions par des entreprises en zone agricole ont été faites par des non-agriculteurs, contrairement à 12 % en 2012 », prévient le président de l’UPA, Martin Caron.

Selon des chiffres de l’UPA, le prix des terres agricoles était de 31 000 $ l’hectare en 2022, contre 12 000 $ en 2012. « Il faut mettre un frein à ça si on veut que nos relèves puissent vivre de l’agriculture », a averti M. Caron lors de l’annonce de mercredi.

Des pressions « colossales »

Si l’idée d’une surtaxe pour les terres en friche semble susciter un intérêt de plusieurs partenaires, d’autres devraient nourrir le débat. Le président de l’UMQ a critiqué « certaines rigidités » de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), dans des secteurs « agricoles rocailleux, où même un pissenlit hésiterait à venir pousser ».

« Quand je vous entends parler de souplesse et modernisation, vous pourrez compter sur l’UMQ comme alliée, car le terme souplesse démontre la nécessité de cette modernisation », a-t-il dit.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le président de l’UPA Martin Caron

L’UPA martèle quant à elle que « le but de ces consultations doit être d’élever la protection de notre garde-manger au rang de véritable priorité nationale ».

La présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec croit elle aussi que « réduire la superficie » des terres protégées « serait une erreur ». « Plus on va réduire la superficie cultivable, plus ça va accentuer l’effet de rareté », prévient Julie Bissonnette.

Seuls 4,7 % du vaste territoire québécois sont en zone agricole, et de ce fait protégés. Mais seuls 2 % du territoire sont vraiment cultivés. Dans les dernières années, les pressions sur le territoire agricole ont surtout été ressenties dans la vallée du Saint-Laurent, où se trouvent les terres les plus productives.

L’Institut Jean-Garon a salué mercredi la mise en place de cette consultation, dans un contexte de crise du logement et de croissance démographique. « Les pressions sur le territoire agricole vont être colossales au cours des prochaines années et il faudra une volonté politique inébranlable pour les neutraliser », prévient l’organisme.