(Québec) Les députés de l’Assemblée nationale ont adopté mardi la loi augmentant leur salaire de 30 %, soit 30 000 $ et plus. Un dossier réglé à toute vapeur, à la dernière semaine de la session parlementaire avant la pause estivale.

Au Salon bleu, caquistes et libéraux présents ont appuyé l’adoption du projet de loi 24, alors que les élus du Parti québécois et de Québec solidaire s’y sont opposés (68 votes pour ; 15 votes contre). Le parrain du projet de loi, Simon Jolin-Barrette, brillait par son absence au moment du vote. Il a dû quitter le parlement pour des raisons familiales, soutient son cabinet.

Contrairement aux autres projets de loi, ce texte législatif n’a fait l’objet d’aucune consultation en commission parlementaire. Le processus d’adoption s’est déroulé à la vitesse grand V.

L’indemnité de base des députés passe, dès la sanction de la loi, de 101 561 $ à 131 766 $, une hausse de 30 % ou 30 000 $.

Ce n’est pas tout : des milliers de dollars supplémentaires s’ajoutent pour plusieurs. C’est que la grande majorité des députés (115 sur 125, dont tous les caquistes) touchent également une indemnité additionnelle parce qu’ils occupent une fonction parlementaire – président de séance (15 000 $), président de commission (25 000 $), adjoint parlementaire (20 000 $), ministre (76 000 $) ou premier ministre (106 000 $), par exemple. Cette indemnité additionnelle est également revue à la hausse de 30 % puisque, en vertu des règles, elle correspond à un pourcentage de l’indemnité annuelle de base.

Rappelons qu’aux indemnités s’ajoute une allocation de dépenses équivalant à 38 184 $ par député.

La hausse salariale de 30 % représente une facture de plus de 5 millions de dollars par année.

La loi prévoit une nouvelle formule d’indexation du salaire des députés. Cette formule sera plus avantageuse, si l’on se fie à l’expérience récente.

Les mieux payés au Canada

Dans les 10 dernières années, le salaire des députés a augmenté de 15 % en raison d’une indexation annuelle basée sur la majoration des échelles de traitement de cadres de la fonction publique (1,5 % par année en moyenne). En vertu de la loi, il sera désormais indexé de façon équivalente à toute hausse de la rémunération d’une catégorie de premiers dirigeants d’organismes du gouvernement. La rémunération de ce groupe a grimpé de 25 % dans la dernière décennie (2,5 % par année en moyenne).

Les députés québécois bénéficiaient déjà de la rémunération la plus élevée au Canada, à l’exception des Communes. L’écart sera maintenant plus important.

Au cours des derniers jours, François Legault a fait valoir différents arguments pour justifier l’augmentation salariale :

  • « C’est un rattrapage qui était dû » pour que « les salaires soient compétitifs » ;
  • « C’est important d’attirer les meilleurs, d’attirer des gens compétents » en politique ;
  • « Il faut valoriser le rôle de député » ;
  • Un jeune politicien « a le droit d’aller gagner le plus d’argent possible pour donner le plus possible à ses enfants » ;
  • « N’oublions pas que le Québec est une nation, qu’on a à gérer des pouvoirs identitaires que d’autres provinces n’ont pas à gérer », ce qui justifie un salaire plus élevé.

La loi adoptée mardi met en œuvre les recommandations d’un comité indépendant composé des ex-députés Lise Thériault (PLQ) et Martin Ouellet (PQ), de même que d’un spécialiste des ressources humaines, Jérôme Côté. Ce comité avait été formé à la mi-février à la demande du Bureau de l’Assemblée nationale (BAN) – le conseil d’administration du Parlement formé d’élus de tous les partis et où le gouvernement est majoritaire. Il n’a eu que deux mois pour soumettre son rapport.

Or, de l’aveu même du président du comité, Jérôme Côté, le mandat confié par le BAN était « restreint ». Il devait se limiter à l’indemnité de base et au mécanisme d’indexation. Il ne pouvait pas faire de recommandations sur l’allocation de dépenses, les indemnités additionnelles, les assurances collectives et, surtout, le régime de retraite doré des députés.

Trop avantageux ?

En 2013, un autre comité indépendant s’était penché sur la rémunération globale des députés. Il était présidé par la juge à la retraite Claire L’Heureux-Dubé. Il recommandait de hausser le salaire des députés, mais, en contrepartie, d’éliminer certaines indemnités, de faire le ménage dans d’autres et, surtout, d’imposer une cure minceur au régime de retraite qualifié de « Ferrari ». Ce régime n’a aucun équivalent ailleurs.

Le rapport expliquait que les élus québécois paient des cotisations représentant seulement 21 % des coûts de leur régime de retraite ; le reste, 79 %, est assumé par l’État. Le fonds de retraite des élus est en déficit de plus de 200 millions de dollars aujourd’hui. L’État assume, à même le fonds consolidé du revenu, le paiement des rentes.

La loi votée mardi aura pour effet de rendre ce régime de retraite encore plus généreux et de creuser le déficit à terme.

À l’automne 2014, le chef caquiste François Legault avait fait adopter à l’Assemblée nationale une motion pour que les députés « contribuent à 50 % de leur régime de retraite », comme ce que l’on imposait alors aux employés municipaux. Cet engagement a disparu depuis qu’il est premier ministre.

Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a promis de donner toute son augmentation de salaire à des organismes communautaires, pour ensuite préciser que ses collègues ne sont pas tenus de faire de même. Ils remettront leur augmentation en tout ou en partie à des organismes, selon le cas. Ils promettent de divulguer le montant.

Les députés du Parti québécois ont annoncé qu’ils trouveront une formule pour s’assurer de limiter leur augmentation à celle qui sera consentie aux 600 000 employés de l’État. Le gouvernement Legault leur offre 9 % en cinq ans.