(Ottawa) La Chambre des communes s’apprête à demander formellement au rapporteur spécial David Johnston, nommé en mars par Justin Trudeau pour examiner l’ampleur de l’ingérence étrangère au pays, de quitter ses fonctions.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a déposé une motion en ce sens qui sera débattue à la Chambre des communes dès mardi, a indiqué le chef du NPD, Jagmeet Singh. Cette motion pourrait être adoptée par une majorité des élus si les trois partis de l’opposition unissent leurs efforts. Un vote sur cette motion pourrait avoir lieu plus tard cette semaine.

Le mois dernier, le Parti conservateur, le Bloc québécois et le NPD ont déjà uni leurs forces afin d’adopter une motion aux Communes exigeant la tenue d’une enquête publique sur les allégations d’ingérence étrangère lors des deux dernières élections fédérales. Les libéraux de Justin Trudeau avaient voté contre la motion parrainée par le député néo-démocrate Peter Julian.

« Compte tenu de la crainte manifeste de partialité, nous allons demander à M. Johnston de se retirer en tant que rapporteur spécial », a indiqué le chef du NPD avant la période des questions.

M. Singh a expliqué que les révélations selon lesquelles l’avocate Sheila Block, la conseillère juridique de M. Johnston durant les travaux qu’il a menés au cours des trois derniers mois, a contribué pour 7593,38 $ à la caisse du Parti libéral du Canada entre 2003 et 2022 soulèvent de nombreuses questions.

L’organisme Democracy Watch a dénoncé cette situation la semaine dernière en publiant des informations au sujet de ces dons et il a annoncé son intention de déposer une plainte au Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique du Canada.

Durant la période des questions, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a aussi réclamé que David Johnston « soit congédié » et que le gouvernement Trudeau lance immédiatement une enquête publique.

Le Bloc québécois maintient pour sa part que M. Johnston n’a pas l’indépendance et l’impartialité requises pour tenir des audiences publiques sur l’ingérence étrangère, comme il propose de le faire au cours des prochains mois.

« Allons droit au but : le rapport de David Johnston sur l’ingérence chinoise est une farce. Personne ne l’accepte sauf le premier ministre et la Chine, qui est morte de rire. Il n’est pas question de laisser le premier ministre se défiler sans enquête publique », a lancé le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien.

Après avoir épluché des rapports de renseignements et avoir rencontré des dirigeants des agences de sécurité, le premier ministre, certains de ses ministres ainsi que des hauts fonctionnaires, M. Johnston a conclu qu’une enquête publique serait un exercice peu utile compte tenu de la nature délicate des renseignements qui ne pourraient pas être rendus publics.

Au moment où ces lignes étaient écrites, le bureau du rapporteur spécial n’avait pas réagi à la motion proposée par le NPD.

Également lundi, la députée du NPD Jenny Kwan est devenue la troisième députée à obtenir la confirmation de la part du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qu’elle est la cible de manœuvres d’ingérence étrangère de la part de la Chine. Les deux autres élus sont les conservateurs Michael Chong et Erin O’Toole. Ce dernier était chef du Parti conservateur durant les dernières élections fédérales et préconisait la ligne dure envers la Chine.

« Vendredi dernier, le SCRS m’a informée de l’ingérence étrangère dont j’ai fait l’objet de la part du Parti communiste chinois. Afin de protéger la sécurité nationale du Canada, je ne suis pas en mesure de divulguer les détails, car il s’agit de renseignements classifiés. Le SCRS confirme que je suis la cible d’ingérences étrangères et que je continuerai de l’être », a indiqué la députée Jenny Kwan dans un communiqué de presse.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

La députée Jenny Kwan et le chef du NPD, Jagmeet Singh

« Pour les personnes qui, comme moi, dénoncent ouvertement les violations des droits de la personne, le génocide des Ouïghours, l’érosion des droits à Hong Kong garantis dans la Loi fondamentale et l’imposition de la loi controversée sur la sécurité nationale, nous devons être vigilants face aux tentatives d’influence étrangère visant à nous forcer la main, à nous contrôler, à nous infléchir, à nous neutraliser, voire à nous faire taire », a-t-elle ajouté.

Selon Mme Kwan, les mesures prises par le gouvernement Trudeau pour contrer l’ingérence étrangère sont insuffisantes. Elle a tenu à souligner que David Johnston « ne jouit pas de la pleine confiance de la Chambre des communes » dans sa déclaration. « La seule voie à suivre pour rétablir la confiance de la population canadienne dans nos institutions démocratiques est une enquête publique indépendante sur l’ingérence étrangère au Canada. »