(Victoriaville) Des nationalistes qui manquent d’air au Parti libéral du Québec (PLQ) et qui pressent leur formation politique de retrouver sa « québécitude » ont vu leur message balayé samedi par des militants qui ont plutôt livré un plaidoyer en faveur d’un fédéralisme décomplexé et opposé aux politiques identitaires du gouvernement Legault.

« Être nationaliste au PLQ, c’est comme être un péquiste dans [la circonscription] D’Arcy-McGee. » Cette image, qui frappe l’imaginaire, est celle de Maxime Binette, un jeune militant de 24 ans de la région de Vaudreuil, qui était présent samedi lors de l’ouverture du conseil général du parti à Victoriaville.

M. Binette s’est dit inspiré par le texte d’opinion de Jérôme Turcotte publié vendredi dans La Presse. Selon cet ancien président de la commission politique du parti et ex-directeur des politiques de l’ancienne cheffe Dominique Anglade, le PLQ ressemble à une succursale provinciale des libéraux fédéraux.

Lisez le texte de Jérôme Turcotte « Au revoir, PLQ »

Maxime Binette soupire lorsqu’il entend les ténors du parti affirmer que les militants doivent se reconnecter aux « valeurs libérales », énumérant chaque fois le développement économique, la protection de l’environnement ou la justice sociale, par exemple.

« Les valeurs libérales, ce sont des valeurs qui sont universelles ! Personne n’est contre. […] Maintenant, il y a une valeur sur laquelle le PLQ peut miser et c’est celle où on s’identifie au Québec. Où on défend le Québec. Où on défend les valeurs du Québec. Malheureusement, c’est celle dont on parle le moins », a-t-il dit.

Brasser la cage

À quelques mètres de lui, Jérôme Turcotte – qui s’est présenté à Victoriaville pour expliquer aux militants pourquoi il remise sa carte de membre – a prié pour qu’ils évitent « le piège du confort ».

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Jérôme Turcotte, militant libéral

« Il faut qu’ils prennent les positions les plus inconfortables qui soient pour aller vers […] l’électorat francophone nationaliste libéral », a-t-il affirmé.

M. Turcotte a dit qu’il reste aujourd’hui 15 000 membres au parti. Or, dans toutes les régions du Québec, des milliers de membres qui ne s’y reconnaissent plus attendent. Il est temps, leur a-t-il dit, de se rassembler.

Pendant sa mêlée de presse, qui a surpris (ou dérangé), le député Frédéric Beauchemin – qui ne cache pas sa possible intention de se lancer dans la course à la direction – l’a interrompu. Il lui a demandé s’il n’était pas tanné et s’il voulait prendre un café. « Ça va, Fred, fais-toi-z-en pas », a répondu M. Turcotte avant de répondre aux autres questions.

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Le député libéral de Marguerite-Bourgeoys, Frédéric Beauchemin

Quel nationalisme ?

M. Turcotte ne s’intéresse pas à la prochaine course à la direction du parti. Il a assuré qu’il n’avait pas l’intention de s’y présenter.

Je ne crois pas au sauveur. Le messie est venu il y a 2000 ans et il ne reviendra pas. Il faudra qu’on s’organise et qu’on se définisse.

Jérôme Turcotte, militant libéral

Selon lui, il existe deux types de nationalisme au Québec : le nationalisme d’émancipation, qu’il souhaite voir incarner par le Parti libéral, et le nationalisme de repli, même « clérical », que représente la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault.

Pendant un débat sur l’affirmation nationale du Québec, les membres du Parti libéral qui ont pris la parole, en français et en anglais, ont renouvelé leurs vœux envers le Canada, précisant que leur appartenance était à la fois envers leur pays et leur province.

« Il n’y a rien de plus québécois que le Parti libéral du Québec », a plus tard dit Marc Tanguay dans son discours de clôture, poursuivant avec quelques mots en anglais. Le chef par intérim a également lancé des flèches sans contexte au commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, l’associant aux déclarations chocs de l’ex-premier ministre Jacques Parizeau sur les « votes ethniques » du référendum de 1995.

« Un moment charnière »

Antoine Dionne Charest, qui est membre de la commission politique et du comité sur la relance coprésidé par l’ex-sénateur André Pratte et la députée Madwa-Nika Cadet, estime que son parti est à un « moment charnière » de son histoire.

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Antoine Dionne Charest, membre de la commission politique du Parti libéral du Québec et du comité sur la relance du parti

« On est inquiets. Le parti est dans une situation qui est assez sérieuse. Le parti est à un moment charnière de son histoire. On a raison d’être inquiets et on a raison de se rassembler aujourd’hui », a-t-il déclaré.

M. Dionne Charest voit d’un bon œil le fait que Jérôme Turcotte soit présent à Victoriaville, malgré sa sortie récente. Le temps est aux débats, a-t-il dit, afin de définir clairement ce qu’est le Parti libéral du Québec.

Depuis l’élection de la CAQ, s’il y a une chose qui est claire, c’est qu’il faut une alternative crédible [à ce gouvernement]. Le PLQ ne pourra être cette alternative que s’il s’assume.

Antoine Dionne Charest, membre de la commission politique du PLQ

Alors que le mot « nationaliste » était sur toutes les lèvres, les libéraux ont reporté l’annonce des règles qui encadreront la prochaine course à la direction. Le président du parti, Rafael P. Ferraro, assure qu’elles seront dévoilées sous peu, probablement à l’automne. D’ici là, le PLQ poursuit ses travaux de relance.

« Il n’y a pas de panique, il n’y a pas de chicane, il n’y a pas de déchirures au sein du parti », a assuré André Pratte.