(Ottawa) Seule la moitié des dossiers d’inconduites sexuelles des Forces armées canadiennes (FAC) ont été transférés au civil depuis novembre 2021, moment où la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, a promis de l’action en ce sens.

« C’est maintenant 50-50 », a-t-elle dit jeudi, dans le foyer de la Chambre des communes, en francisant l’expression anglaise.

Environ un an et demi s’est écoulé depuis que Mme Anand a annoncé que les dossiers judiciaires d’inconduites sexuelles qui étaient jusqu’ici gérés à l’interne seraient retirés des mains de l’armée.

« Le progrès est là, mais nous devons continuer de faire ce travail important », a-t-elle résumé jeudi.

Questionnée sur la lenteur du transfert de dossiers, la ministre a plaidé qu’il est primordial de bien faire les choses. « Nous continuons ce travail avec un processus parce que nous avons maintenant un système avec les provinces et le gouvernement fédéral pour nous assurer qu’il y a une méthodologie pour le transfert de ces cas », a-t-elle dit.

Le solliciteur général de l’Ontario a envoyé une lettre à Mme Anand pour se plaindre du poids que font peser les nouveaux dossiers sur les ressources en place. En juillet dernier, il a aussi indiqué publiquement que les autorités policières ont refusé d’accepter 23 cas.

Des ententes sont en place avec la Gendarmerie royale du Canada, la Sûreté du Québec et la Police provinciale de l’Ontario pour le transfert d’enquêtes pour des cas d’inconduite sexuelle.

De hauts fonctionnaires ont refusé de préciser, au cours d’une séance d’information technique, combien de dossiers avaient été référés et combien rejetés, le cas échéant.

Appelé à réagir à la lenteur dans le transfert de dossiers, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a qualifié les délais observés d’« inacceptables ». « Ça ne fait pas seulement (plus d’un) an depuis la promesse de la ministre, mais plusieurs années qu’une (ex-)juge de la Cour suprême a donné des recommandations claires et le gouvernement n’a pas agi », a-t-il critiqué en faisant référence au rapport accablant déposé par Marie Deschamps en 2015.

Lorsqu’elle a été nommée responsable du ministère de la Défense nationale, Mme Anand a promis que le changement de culture nécessaire dans les FAC pour mettre fin aux inconduites sexuelles serait sa priorité.

Elle assure aujourd’hui que cela demeure le cas malgré les dossiers majeurs dans lesquels elle a aussi dû s’impliquer, comme la réponse du Canada face à l’invasion russe de l’Ukraine.

« J’encourage toujours mon équipe à se rappeler que peu importe quelle crise survient dans le monde, la première priorité est de bâtir une équipe militaire forte qui peut passer le test du temps, ce qui veut dire de moderniser nos pensées pour s’assurer que la discrimination, le harcèlement sexuel et l’inégalité n’ont pas leur place au sein des (FAC) », a soutenu la ministre.

Après le rapport de Marie Deschamps, une autre ancienne juge de la Cour suprême, Louise Arbour, a plus récemment fait 48 recommandations sur la question. Il y a près d’un an, elle a déposé un rapport cinglant après avoir mené un examen approfondi du traitement par l’armée des agressions sexuelles, du harcèlement et d’autres inconduites.

Le gouvernement de Justin Trudeau a indiqué qu’il acceptait l’entièreté des recommandations de l’ex-juge. Or, Mme Arbour a signalé en décembre qu’elle décelait des signes clairs que les chefs militaires résistaient à la mise en œuvre de plusieurs d’entre elles.

Mme Anand maintient que les 48 recommandations de Mme Arbour sont acceptées par Ottawa et elle a fourni, jeudi, une mise à jour sur le travail en cours.

Un programme d’assistance juridique a été lancé par l’entremise du Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle (CSRIS). Cette première phase d’implantation permettra le remboursement de frais de justice encourus à partir d’avril 2019, a précisé la ministre.

Le programme d’assistance sera accessible aux militaires et à toute personne qui allègue avoir été victime d’une inconduite sexuelle commise par un membre des FAC.

Ottawa a aussi annoncé que le CSRIS élargira la portée de ses services pour également répondre aux besoins des cadets, des membres juniors des rangers et de tout employé de la Défense nationale qui est âgé d’au moins 16 ans.

Avec des informations de Sarah Ritchie