(Québec) Des députés d’opposition expriment leur malaise face à la hausse de rémunération d’au moins 30 000 $ que le gouvernement de François Legault proposera jeudi aux élus dans un projet de loi. Le whip en chef du gouvernement, Éric Lefebvre, affirme que des personnes ont décliné l’invitation de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour être candidat, lors de la dernière élection, en raison du salaire qu’ils jugeaient insuffisant.

« Assurément que d’avoir un salaire qui est concurrentiel permet de recruter des candidats de qualité. Je dois vous avouer qu’au cours de la dernière campagne électorale, il y a des candidats qu’on avait approchés qui ont décliné l’invitation dû au salaire qui était offert », a-t-il dit. Si le projet de loi qui sera déposé jeudi est adopté, M. Lefebvre recevra une augmentation salariale de 41 000 $.

Le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, affirme que Québec envoie un « message de déconnexion » en augmentant la rémunération de base des élus sans confier cet épineux sujet – débattu depuis plus d’une décennie – à un comité indépendant dont les recommandations seraient exécutoires.

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Gabriel Nadeau-Dubois

« Ce n’est pas respectueux de la population québécoise de procéder comme ça, puis de mettre les députés dans une situation où ils sont juges et parties sur leur propre rémunération. […] Ce n’est pas raisonnable de procéder comme ça », a-t-il dit.

Le député Pascal Bérubé, du Parti québécois (PQ), a même révélé que des élus de la Coalition avenir Québec (CAQ) courtisent sa formation politique pour qu’elle appuie les hausses salariales.

« Je me sens bousculé dans ce débat-là par la CAQ, qui tient absolument à ce qu’on adopte ça. […] Au caucus de la CAQ, c’est bien important pour eux autres. Ils font beaucoup de pression pour qu’on appuie ça », a-t-il affirmé.

Le PQ n’a pas encore tranché s’il va appuyer ou non le principe du projet de loi, qui sera déposé jeudi. M. Bérubé exprime toutefois son malaise. Selon lui, cette hausse – et la volonté qu’elle soit rétroactive et adoptée dès ce printemps – prouve que le gouvernement veut faire plaisir à ses députés d’arrière-ban qui ne sont pas ministres.

Les libéraux appuient le principe

Autre son de cloche : au Parti libéral du Québec (PLQ), le chef par intérim, Marc Tanguay, a affirmé mercredi qu’il était d’accord avec le principe d’une hausse salariale.

« On parle d’un rattrapage salarial qui n’a pas eu lieu depuis plus de 20 ans », a-t-il dit.

À ce jour, les députés québécois sont les élus les mieux rémunérés des assemblées législatives provinciales au pays. Il existe toutefois une différence importante entre le salaire des députés à Québec et ceux du Parlement fédéral, à Ottawa.

Dans un communiqué, mercredi, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), qui négocie actuellement le renouvellement des conventions collectives, a dénoncé « la politique de deux poids deux mesures », alors que le gouvernement « souhaite limiter à 9 % sur cinq ans la hausse salariale pour le personnel qui offre des services à la population ».

Un débat « légitime », dit la CAQ 

Les députés de la CAQ sont pour la plupart restés muets, mercredi, lorsqu’ils étaient questionnés sur la hausse de la rémunération proposée par le gouvernement.

Sur le parquet entre le Salon rouge (où ils tiennent leur caucus) et le Salon bleu, au moment de traverser vers la période des questions, la plupart ont affiché un sourire face aux questions posées, refusant toutefois de se prononcer.

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Suzanne Roy

Est-ce qu’une telle hausse ferait une différence ? La ministre de la Famille, Suzanne Roy, a répondu : « Je ne vais pas parler de mon budget ici ».

Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a concédé que la hausse ne ferait pas, pour sa part, une grande différence. « Mais je ne suis pas un cas normal », a-t-il précisé.

Éric Lefebvre a quant à lui défendu que la proposition gouvernementale répond aux recommandations proposées le mois dernier par le comité formé sur ce sujet par les ex-élus Lise Thériault et Martin Ouellet, ainsi que le spécialiste des ressources humaines Jérôme Côté.

Que dit le rapport ?

Dans son rapport, le comité a recommandé une hausse de 30 % de l’indemnité de base annuelle des députés, qui passerait de 101 561 $ à 131 766 $. À cela s’ajoute toutefois une allocation de dépenses de 38 184 $, ce qui ferait passer le salaire de base à 169 950 $. En plus de l’indemnité de base et de l’allocation de dépenses, la grande majorité des députés (115 sur 125) touchent une indemnité additionnelle parce qu’ils occupent une fonction parlementaire – président de séance (15 000 $), président de commission (25 000 $), adjoint parlementaire (20 000 $), ministre (76 000 $) ou premier ministre (106 000 $), par exemple. Cette indemnité additionnelle sera également revue à la hausse de 30 %.

Sur les 125 élus de l’Assemblée nationale, seulement 10 députés touchent à l’indemnité de base, a rappelé mercredi Pascal Bérubé. En plus de lui-même, cette situation s’applique à son collègue péquiste Joël Arseneau, ainsi qu’à Guillaume Cliche-Rivard, Andrés Fontecilla, Étienne Grandmont, Vincent Marissal, Alejandra Zaga Mendez et Sol Zanetti de Québec solidaire (QS), de même qu’à la députée indépendante Marie-Claude Nichols.

Le rapport Thériault-Ouellet n’a par ailleurs recommandé aucune modification au régime des retraites des élus, généreux, et qui n’a pas d’équivalent ailleurs au Canada.

Avec Tommy Chouinard et Charles Lecavalier