(Québec) Le Québec dit non à l’Initiative du siècle, ce plan d’un influent groupe de pression qui veut augmenter la population du Canada à 100 millions d’habitants d’ici à 2100.

Le premier ministre François Legault a en effet fait savoir mardi qu’il s’opposait à ce projet, qui semble avoir l’oreille du gouvernement fédéral. Une motion a également été adoptée à l’unanimité en ce sens.

Le gouvernement caquiste a ainsi profité de cet enjeu pour prendre une posture ferme en matière d’immigration, le jour où l’opposition l’accusait d’un « grand mensonge caquiste » et de tricher avec les chiffres et les seuils d’immigration.

« C’est au Québec qu’on décide du nombre d’immigrants au Québec, et pour être très clair, il n’est pas question de suivre l’approche [de l’Initiative du siècle] concernant la croissance de l’immigration », a-t-il tranché à la période de questions.

Il répondait à une question du chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, qui juge que le Québec doit devenir indépendant s’il veut échapper à son effacement dans le Canada.

« Soit on choisit de hausser nos seuils d’immigration entre 120 000 et 150 000 par année pour essayer de maintenir la proportion du Québec [de l’immigration au Canada], ce qui veut dire le déclin du français et une crise du logement aiguë, […] ou soit on choisit des seuils en fonction de notre capacité d’accueil, ce qui signifie une baisse importante du poids politique du Québec dans le Canada, possiblement sous la barre des 15 % », a dit le chef péquiste.

En mêlée de presse, M. Legault a laissé entendre qu’il s’inquiétait de l’Initiative du siècle en raison de la menace qu’elle fait peser au fait français et au poids démographique du Québec dans la fédération.

En outre, cela poserait d’« énormes défis » dans le reste du pays en matière de logement et aussi en ce qui concerne les services de santé et d’éducation.

Une motion du PQ a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale pour dire non à l’Initiative du siècle, pour demander au gouvernement du Québec d’exprimer son opposition et réclamer un véritable débat démocratique sur l’enjeu.

M. Legault a indiqué que son gouvernement ferait bientôt une annonce sur les seuils annuels d’immigration – le seuil d’immigration permanente est actuellement fixé à 50 000 par an.

Or il en est autrement de l’immigration temporaire, ce que dénoncent les partis d’opposition.

Au 1er janvier, le Québec accueillait déjà 346 000 personnes non résidentes permanentes, selon les données de Statistique Canada. L’opposition officielle libérale a même parlé du « grand mensonge caquiste » mardi concernant les engagements du gouvernement Legault en immigration.

Le gouvernement amorcera par ailleurs dans les prochaines semaines ses consultations sur la planification pluriannuelle de l’immigration 2024-2027.

Le premier ministre a fait savoir que son gouvernement allait exiger la connaissance du français pour la catégorie de l’immigration économique.

La CAQ a déjà évoqué la tenue d’un sommet sur l’immigration et préconisé un référendum sectoriel pour rapatrier tous les pouvoirs en matière d’immigration, mais cela ne figure plus à l’ordre du jour.

Une proposition soumise au Conseil général de la CAQ qui a lieu la fin de semaine prochaine réclame le rapatriement du Programme de travailleurs étrangers temporaires géré par Ottawa.

M. Legault a affirmé mardi qu’il veut « toujours avoir tous les pouvoirs à Ottawa », mais qu’il « faut agir graduellement ».

PLQ

Toujours en matière d’immigration, le Parti libéral du Québec (PLQ) va réviser sa cible de 70 000 immigrants permanents par an qu’il avait défendue en campagne électorale, mais refuse de dire si ce sera à la hausse ou à la baisse.

Le chef intérimaire libéral Marc Tanguay a laissé entendre mardi en mêlée de presse au parlement que cette cible ne tient plus.

« Il est clair que les chiffres [sur le seuil d’immigration permanente] doivent être révisés à la lumière de la nouvelle réalité, a déclaré M. Tanguay. Est-ce que c’est 70 000 ? Est-ce que c’est plus ? Est-ce que c’est moins ? »

C’est d’abord son collègue à ses côtés, le député Monsef Derraji, qui avait ouvert la porte pour ravoir cette discussion avec les membres du parti.

« Oui, avec nos membres, on va avoir cette discussion », avait-il suggéré, en assurant que pendant la campagne électorale, son parti ne savait pas que l’immigration temporaire représentait un bassin aussi élevé, « pas autant ».

Dès lors, le débat sur le seuil annuel d’immigration permanente n’est « plus pertinent », à ses yeux.

C’est « un grand mensonge caquiste » que de faire une fixation sur un seuil d’immigration permanente à 50 000 – comme le prône le gouvernement Legault – sans tenir compte de l’immigration temporaire qui explose bien au-delà de la capacité d’accueil du Québec, a fait valoir M. Derraji.