(Ottawa) Le Canada chasse un diplomate chinois du consulat de Toronto, Zhao Wei, en raison de la campagne de menaces qu’il a orchestrée contre le député Michael Chong et sa famille à Hong Kong. L’envoyé de Pékin devra quitter le pays au plus tard dans cinq jours. Les représailles de la Chine, quant à elles, ne devraient pas tarder.

Ce qu’il faut savoir

  • La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, annonce l’expulsion du diplomate chinois Zhao Wei.
  • « Ça n’aurait pas dû prendre autant de temps », a réagi le député conservateur Michael Chong, dont la famille a fait l’objet d’une campagne d’intimidation exécutée par le diplomate.
  • L’ambassade de Chine à Ottawa accuse le Canada de contrevenir au droit international et a averti, sur son site web, que des mesures de représailles suivraient.

« Le Canada a décidé de déclarer M. Zhao Wei persona non grata », a finalement tranché, lundi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, sur qui la pression se faisait de plus en plus forte pour qu’elle adopte une posture ferme envers Pékin.

« J’ai été très claire : nous ne tolérerons aucune forme d’ingérence étrangère dans nos affaires internes. Les diplomates au Canada ont été avertis que s’ils adoptent ce type de comportement, ils seront renvoyés chez eux », a ajouté la cheffe de la diplomatie dans une déclaration écrite.

L’expulsion du diplomate chinois survient une semaine après la publication d’informations dans le Globe and Mail selon lesquelles Zhao Wei aurait manœuvré pour intimider l’élu conservateur Michael Chong et des membres de sa famille à Hong Kong.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député conservateur Michael Chong

Le principal intéressé s’est présenté au micro du foyer de la Chambre des communes pour réagir à l’annonce de la ministre Joly.

Ça n’aurait pas dû prendre autant de temps. Ça n’aurait pas dû prendre deux ans pour que le gouvernement prenne la décision à partir du moment où il a été informé.

Le député conservateur Michael Chong

Même son de cloche du côté de Margaret McCuaig-Johnston, de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. « C’est la bonne décision, mais elle arrive une semaine trop tard. En fait, elle arrive des mois trop tard. On aurait dû l’expulser en 2021 », a-t-elle tranché.

Les chances de représailles « à 100 % »

L’ambassade de Chine à Ottawa n’a pas tardé à manifester son irritation suprême sur son site web, avertissant que des mesures de représailles allaient suivre et accusant le Canada de contrevenir au droit international en faisant ce geste.

« Nous conseillons à la partie canadienne de prendre du recul et de ne pas s’engager encore davantage dans la mauvaise voie. Si la partie canadienne veut agir de manière gratuite et arbitraire, la Chine y réagira de façon ferme et déterminée », a prévenu un porte-parole de la mission diplomatique.

La question n’est pas tant de savoir si, mais bien comment le régime chinois ripostera, a argué en entrevue l’ancien représentant du Québec en Chine, Jean-François Lépine. « Je pense que les chances de représailles sont de 100 % », a-t-il lancé.

Maintenant, comment ? C’est un pays qui est extrêmement imprévisible. On pourrait décider d’expulser un ou deux diplomates de l’ambassade du Canada à Pékin, ou du consulat général du Canada à Shanghai, ou ailleurs. Mais ça pourrait peut-être être plus grave.

L’ancien représentant du Québec en Chine, Jean-François Lépine

Mais chose certaine, « le Canada n’avait pas le choix », car les cas d’ingérence chinoise devenaient si connus du grand public qu’il devait faire « ce geste important », a argué l’ancien grand reporter, non sans « espérer que les informations que l’on détient [le] justifient, parce que pour l’instant, ce sont des évocations ».

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

L’ancien reporter et ancien représentant du Québec en Chine, Jean-Francois Lépine

Le diplomate chinois devra faire ses valises et quitter le pays au plus tard dans cinq jours, selon ce qu’a affirmé une source gouvernementale canadienne qui a requis l’anonymat, car elle n’était pas autorisée à discuter ouvertement de l’enjeu.

Il s’agirait de la première fois qu’un représentant de l’empire du Milieu en poste au Canada se fait montrer la porte au moins depuis les années 1970, d’après les informations qui ont été fournies par Affaires mondiales Canada, lundi.

Les plus récentes expulsions en 2018

Les dernières expulsions de diplomates étrangers par Ottawa remontent à 2018.

Le Canada avait alors montré la porte à quatre représentants russes dans le cadre d’une action concertée « par solidarité avec le Royaume-Uni », afin de protester contre l’empoisonnement au gaz innervant de l’ex-agent russe Sergueï Skripal sur le sol britannique.

Le Congrès des Ukrainiens canadiens, qui réclame l’expulsion des diplomates russes, a pris bonne note de la punition diplomatique infligée à la Chine. « Les représentants d’un régime génocidaire n’ont pas leur place au Canada », a-t-on déclaré par voie de communiqué.

ILS ONT DIT

Il était temps que le Canada puisse prendre ses responsabilités envers la population et les députés canadiens et agisse en conséquence. Tolérer davantage la présence de ce diplomate chinois était une honte à la démocratie et à la protection des députés.

René Villemure, député du Bloc québécois

On sait très bien que le régime va répondre. Il n’y a aucun doute là-dessus, mais il faut envoyer un message qui est très clair, que notre démocratie nous est précieuse et qu’on n’accepte pas l’ingérence, on n’accepte pas l’intimidation d’un député, peu importe le parti.

Peter Julian, député du NPD

Je pense que les États étrangers comprennent, dans des situations comme celle-là, qu’il y a une ligne à ne pas franchir, et quand cette ligne est franchie, il doit y avoir des actions qui sont prises, et c’est ce qu’on a fait.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, et anciennement ministre des Affaires étrangères