(Ottawa) Les libéraux misent sur la culture pour marquer des points au Québec au prochain scrutin. Ils font le pari que les menaces de Pierre Poilievre contre CBC/Radio-Canada et le doute qu’il entretient au sujet des mesures libérales visant à préserver la spécificité culturelle irriteront l’électorat québécois.

La ministre Mélanie Joly a livré cette analyse lors d’une séance de stratégie qui se déroulait vendredi au congrès biennal libéral, en réponse à la question d’une candidate défaite en 2019, Linda Lapointe. Celle-ci plaidait que la prochaine proposition électorale libérale devait être plus « nationaliste » pour être concurrentielle.

« La question de Radio-Canada sera probablement aussi importante qu’en 2015 [où les libéraux avaient promis un réinvestissement massif de 675 millions] », a dit la codirectrice de la campagne nationale de 2021. Et la proposition de Pierre Poilievre de couper les vivres à CBC et d’épargner Radio-Canada, « ça ne marche pas », a-t-elle ajouté.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly

Autres chevaux potentiellement gagnants, selon la députée montréalaise : la « loi C-11 » sur la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion, ainsi que le projet de loi C-18, qui vise à mettre au pas les géants du web. « Nous avons travaillé avec le milieu culturel sur [ces] projets de loi », a expliqué la ministre Mélanie Joly, sans les nommer.

Dans le cas de C-11, des acteurs de premier plan de l’industrie culturelle du Québec comme l’ADISQ et la SOCAN ont applaudi son adoption, fin avril. Quant à C-18, il laisse augurer un bras de fer avec Facebook que le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, s’est dit plus que prêt à engager.

Le Parti conservateur signifie d’ores et déjà son intention d’abroger C-11. Une pétition a été lancée en ligne afin de dénoncer ses dispositions, de protéger le droit des Canadiens d’être « à l’abri des griffes des censeurs gouvernementaux » et de s’élever contre la tentative de « policer et contrôler la parole », entre autres.

« Pierre Poilievre a importé au Canada le modèle américain. Il va parler de gatekeepers, d’élites mondialistes, de liberté d’expression. Notre rôle sera d’établir un contraste net, de l’associer [au modus operandi des républicains aux États-Unis] et faire comprendre aux gens que nous, on est les progressistes », a exposé Mme Joly.

Retour vers 2021

Dans l’ensemble, le panel intitulé « Réflexions sur la campagne de 2021 » a été – comme son nom l’indique – plus rétrospectif que prospectif.

Les deux débats des chefs ont été des tournants.

À l’issue de la joute oratoire en anglais, les appuis du Bloc québécois ont bondi de quatre points de pourcentage, selon Geneviève Hinse, cheffe de cabinet du lieutenant politique de Justin Trudeau au Québec, Pablo Rodriguez.

L’exercice a été marqué par une intervention de la modératrice Shachi Kurl, qui a établi un parallèle entre la Loi sur la laïcité de l’État et le racisme dans une question posée au chef bloquiste Yves-François Blanchet.

Le vent a tourné en faveur du Bloc québécois, ce qui a pu coûter huit sièges, dont « cinq réalistement », aux libéraux de Justin Trudeau au Québec, a noté Mme Hinse.

Le Face-à-Face de TVA, lui, a profité aux libéraux, a soutenu Mélanie Joly.

En cafouillant sur son programme de contrôle des armes à feu, Erin O’Toole a fourni aux libéraux une occasion d’imposer leur ordre du jour. Coincé entre ruralité et urbanité, le leader conservateur a fini par faire volte-face.

Mais le mal était fait, et les libéraux en ont récolté les fruits dans des circonscriptions clés de Montréal et de Toronto, a indiqué Dan Arnold, le sondeur de la formation politique.

La conversion du chef O’Toole n’avait pas convaincu PolySeSouvient. Cette fois, c’est le projet de loi C-21 qui ne convainc pas, édulcoré en raison des pressions néo-démocrates. Et l’aile québécoise se demande si les assouplissements nuiront au prochain scrutin.