(Ottawa) Le gouvernement fédéral travaille avec une association nationale de l’industrie des armes à feu pour déterminer comment indemniser les détaillants qui possèdent des armes qui figurent sur une liste d’armes prohibées – première phase du programme fédéral de rachat d’armes promis depuis longtemps par les libéraux.

En conférence de presse à Ottawa mercredi matin, le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a déclaré que le gouvernement avait signé un contrat de 707 000 $ avec l’Association canadienne des armes et munitions sportives, afin de travailler avec les entreprises et les détaillants jusqu’en 2024.

Le cabinet libéral avait décidé d’interdire environ 1500 modèles d’armes à feu en mai 2020, deux semaines après la tuerie en Nouvelle-Écosse, qui a été la plus meurtrière de l’histoire canadienne moderne. Le gouvernement a toujours plaidé depuis que les armes figurant sur cette liste ne convenaient pas à la chasse.

Le même mois, les libéraux ont également promis d’élaborer un programme de rachat qui obligerait les propriétaires à vendre les armes à feu au gouvernement ou à les rendre inutilisables, aux frais d’Ottawa. Ce programme n’a toujours pas été annoncé.

« Ce sont des armes conçues pour la guerre. Elles n’ont aucun but récréatif légitime », a rappelé M. Mendicino mercredi.

Le ministre a soutenu mercredi qu’il y avait actuellement dans les stocks des magasins au Canada 11 000 armes à feu interdites et leurs pièces – bien que l’association approchée pour aider le gouvernement dans ce dossier soutienne ne pas savoir d’où sort ce chiffre.

Le président de l’Association canadienne des armes et munitions sportives, Wes Winkel, a écrit sur Twitter que son organisme voulait s’assurer que les détaillants d’armes à feu « soient informés de leurs options et reçoivent leur pleine compensation ».

Les publications sur le compte Twitter de l’association insistent sur le fait que l’organisme ne participe pas au programme de rachat proprement dit : il participe seulement à la négociation pour garantir aux marchands d’armes une compensation équitable et un mécanisme simple. L’association demeure en fait sceptique quant au fonctionnement du programme de rachat, car il n’y a pas de budget dédié pour le financer ni de processus clair pour le mettre en œuvre.

En entrevue plus tard mercredi, M. Winkel a déclaré que son association était toujours opposée à l’interdiction des armes à feu en premier lieu et qu’elle souhaitait que cette politique soit abandonnée. Il a soutenu que l’association avait été entraînée à collaborer avec Ottawa « à son corps défendant ».

M. Winkel estime que cela pourrait prendre des années avant qu’un programme de rachat pour les détaillants ne soit pleinement opérationnel.

« Sous la contrainte » ?

En réponse à ces préoccupations, le ministre Mendicinio a affirmé mercredi qu’il savait que le débat sur les armes à feu était difficile, mais le fait que l’association soit disposée à s’impliquer constitue un « développement très positif », selon lui. « Il y a beaucoup de toxicité lorsqu’il s’agit de débattre d’une politique sensée sur les armes. »

Raquel Dancho, porte-parole des conservateurs en matière de sécurité publique, a laissé entendre mercredi que les représentants de l’industrie des armes à feu ne sont impliqués dans le programme de rachat que parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. « C’est fait sous la contrainte. »

Les conservateurs affirment que le programme libéral de contrôle des armes à feu ne s’attaque pas aux crimes violents tels que les fusillades : il cible plutôt injustement les propriétaires d’armes à feu qui respectent la loi.

Ils sont également préoccupés par le coût potentiel d’un tel programme de rachat. En 2021, le directeur parlementaire du budget a estimé que ce coût serait supérieur à 750 millions.

Le ministre a toutefois assuré mercredi que le gouvernement libéral ferait preuve de transparence quant au coût du programme, qui devrait être mis en œuvre plus tard cette année, mais il n’a pas fourni plus de détails lors de l’annonce.

« Nous nous engageons à faire avancer ce programme aussi rapidement que possible, mais nous devons également nous assurer que nous mettons en place le bon programme de rachat, a-t-il dit. C’est un programme sans précédent. Il est d’envergure nationale. Il va impliquer plusieurs partenaires. »

La deuxième phase du programme de rachat l’étendrait probablement aux individus propriétaires d’armes à feu, qui bénéficient actuellement d’une amnistie en vertu d’une ordonnance qui doit expirer en octobre.

L’année dernière, les libéraux ont tenté de s’appuyer sur le décret du Cabinet interdisant les 1500 modèles d’armes à feu en ajoutant une définition permanente d’une « arme à feu de type assaut » prohibée en tant qu’amendement au projet de loi sur le contrôle des armes à feu actuellement devant le Parlement.

Les députés conservateurs et certains défenseurs des armes à feu ont déclaré que cette définition ciblait injustement de nombreux fusils et carabines couramment utilisés. Les voix en faveur de la définition des armes à feu de type assaut dans le projet de loi ont déclaré que la désinformation avait obscurci le débat.

Les libéraux ont finalement retiré l’amendement en janvier dernier.

Et plus tôt cette semaine, le ministre Mendicino a déclaré au comité de la sécurité publique que le gouvernement abandonnerait son projet de préciser chaque marque et variété d’armes à feu interdites dans de longues listes annexées au projet de loi fédéral sur le contrôle des armes à feu.

Mais il a aussi dit que son gouvernement travaillait toujours sur une nouvelle définition des « armes à feu de type assaut ».