(Ottawa) Des experts souhaitent une révision des processus des contrôles démocratiques au Canada.

Le Pr Alex Marland, un politologue de l’Université Memorial à St. John’s, le souhaite en raison des pouvoirs accrus des membres des cabinets ministériels. Souvent, argue-t-il, ceux-ci n’informent même pas les ministres de toutes leurs activités.

« Le système n’a pas été conçu pour que des gens non élus, simplement nommés, profondément ancrés dans les activités gouvernementales et bien impliqués exercent une autorité dans les cabinets », dit cet expert en communication politique.

Il constate que le service public s’est considérablement accru et que la société a bien changé au fil des ans.

« On devrait être plus apte à exercer un plus grand contrôle sur les recommandations ministérielles afin que le service public et le système gouvernemental soient aussi efficaces que possible », lance le Pr Marland.

Les membres d’un cabinet ministériel utilisent souvent les médias sociaux pour amplifier les messages gouvernementaux. Ils sont devenus des personnages publics qui jouent un rôle sur la scène politique.

« Ils définissent les orientations du gouvernement, du moins c’est l’impression que l’on peut avoir. Et dans la vie politique, la perception, c’est souvent la réalité », souligne le Pr Marland. Si le personnel politique a un tel pouvoir, il est naturel que leurs activités soient contrôlées d’une façon ou d’une autre. Les ministres ne sont pas toujours les mieux placés pour le faire.

Il est devenu plus fréquent de voir des membres des cabinets ministériels venir témoigner devant les comités permanents de la Chambre des communes, contrairement aux usages du système parlementaire britannique. Katie Telford, la cheffe de cabinet du premier ministre Justin Trudeau, a déjà comparu, à l’instar de ses prédécesseurs de l’époque où les conservateurs Stephen Harper et Brian Mulroney dirigeaient le gouvernement.

Tout comme Mme Telford, des membres d’un cabinet ministériel peuvent être invités à une réunion du caucus gouvernemental, une pratique jadis inaccessible aux non-élus.

« Aujourd’hui, on les voit partout. » Ils prennent des notes, écoutent ce que les députés disent et contestent ce que le chef dit, signale le Pr Marland.

« Les membres du personnel politique n’étaient pas présents autrefois. C’est l’exemple parfait des choses qui ont changé. »

Des ministres gardent leur fonction, même s’ils agissent de manière inappropriée, déplore Lori Turnbull, directrice de l’école d’administration publique de l’Université de Dalhousie, en Nouvelle-Écosse. C’est aussi la preuve que la notion de responsabilité ministérielle a changé.

Elle donne l’exemple de la ministre du Commerce international Mary Ng qui a contrevenu aux règles d’éthique du gouvernement fédéral en ne se récusant pas de la décision prise par son cabinet d’embaucher la firme de relations publiques cofondée par une de ses amies.

« C’est maintenant la tendance. On se dit : “Voyons voir si on peut s’en tirer. Laissons faire et cela disparaîtra”, plutôt que d’envoyer le signal que l’erreur d’un ministre entraîne son renvoi du conseil, dit Mme Turnbull. Si le premier ministre souhaite ce ministre dans ce ministère, le ministre garde son poste. »

Mme Turnbull souhaite une enquête publique sur l’intégrité et l’état de la démocratie canadienne.

« Plus les jours passeront, plus nous serons dans la nécessité d’avoir un débat sur comment les démocraties doivent fonctionner. L’ingérence étrangère n’en est qu’un élément. »