(Ottawa) Le gouvernement Legault n’a pas réussi à faire du français la langue officielle et commune des entreprises de compétence fédérale, mais il a pu convaincre le gouvernement fédéral d’intégrer d’autres éléments de la Charte de la langue française pour que les employés puissent travailler dans la langue de Molière.

« Je vais appeler ça une magnifique solution à un problème linguistique que l’on avait », a résumé le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, en entrevue. « Je suis rassuré, et plus que ça, je suis satisfait. »

Les négociations allaient bon train entre Québec et Ottawa depuis plusieurs semaines pour tenter de trouver un terrain d’entente. M. Roberge a rencontré la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, à plusieurs reprises, tout comme les employés de leurs cabinets et leurs fonctionnaires.

« On n’était pas là il y a quelques mois. On n’était même pas là il y a un mois, en février », a-t-il confié.

C’était difficile du point de vue fédéral de trouver une solution qui était à la fois bonne pour les communautés francophones hors Québec et pour le Québec.

Jean-François Roberge, ministre de la Langue française

« Finalement, ce qu’on voit aujourd’hui, c’est beaucoup de clauses miroirs où on a élevé la Loi sur les langues officielles au même niveau que la Charte de la langue française, et ça, je pense qu’il n’y a pas grand monde qui y croyait », a ajouté le ministre.

Le député libéral Marc Serré a déposé vendredi après-midi une série d’amendements de dernière minute au projet de loi C-13 pour harmoniser la réforme de la Loi sur les langues officielles à celle de la Charte de la langue française. Ils ont tous été adoptés à l’unanimité.

« On enlève l’ambiguïté »

Ces modifications viennent généraliser l’usage du français comme langue de travail. Les hauts dirigeants devront maîtriser cette langue, les affichages de postes devront être en français, tout comme les contrats d’embauche et les communications. Les entreprises devront également justifier l’embauche d’employés qui ne parlent pas français.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député libéral Marc Serré est membre du Comité permanent des langues officielles.

« On enlève l’ambiguïté, a expliqué M. Serré. Là, maintenant, il y a une collaboration entre le Québec et le Canada pour s’assurer que les services en français vont être offerts, peu importe si l’employeur choisit [une des deux langues]. »

Le projet de loi C-13 donne toujours le choix aux employés des banques, des entreprises de télécommunications, des compagnies aériennes ou ferroviaires de travailler en anglais, mais des sources gouvernementales ont indiqué que la vaste majorité s’étaient inscrites auprès de l’Office québécois de la langue française (OQLF), comme le requiert la « loi 96 ». Cette réforme de la Charte de la langue française a été adoptée par le gouvernement Legault en mai 2022.

« Donc, le droit des francophones du Québec à parler en français et à travailler en français dans les entreprises à charte fédérale sera maintenant garanti, a expliqué M. Roberge. C’est la même chose pour les régions à forte prédominance francophone à l’extérieur du pays. »

Air Canada et le Canadien National (CN) ont fait les manchettes pour leur incapacité à faire une place suffisante au français au sein de leur conseil d’administration. Des employés du CN se plaignaient également que l’anglais avait préséance sur le français dans leur milieu de travail au Québec. Les deux entreprises ont récemment annoncé qu’elles allaient se conformer aux nouvelles dispositions de la Charte de la langue française.

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Ginette Petitpas Taylor, ministre fédérale des Langues officielles

La ministre Petitpas Taylor a réitéré le désir du gouvernement Trudeau « que les entreprises privées de compétence fédérale fassent leur juste part pour freiner le déclin du français ».

« Nous avons entre les mains un projet de loi robuste (C-13) qui nous donne les moyens de nos ambitions pour s’attaquer à ce déclin du français et soutenir nos communautés de langue officielle en situation minoritaire et nous sommes impatients que cette loi devienne réalité », a-t-elle déclaré par écrit.

L’opposition somme toute satisfaite

Cette victoire du gouvernement Legault est douce-amère pour le Bloc québécois, dont l’amendement pour faire du français la seule langue de travail dans les entreprises de compétence fédérale au Québec a été défait par les libéraux et la députée néo-démocrate Niki Ashton. Le député bloquiste Mario Beaulieu s’est tout de même dit content des progrès réalisés.

« C’est un pas dans la bonne direction, a-t-il reconnu. Ce n’est pas ce que l’immense majorité des Québécois voulait, c’est-à-dire appliquer intégralement [la Charte de la langue française]. » Il a ensuite accusé les néo-démocrates d’avoir « renié un peu leur position ».

« On veut respecter la capacité de ces deux gouvernements de gérer cet enjeu de la bonne façon et de ne pas s’insérer pour jouer à la politique », s’est justifiée Mme Ashton.

Le député conservateur Joël Godin a souligné les efforts des partis de l’opposition. « On a fait un travail extraordinaire pour mettre de la pression sur le gouvernement du Canada pour l’obliger à fléchir un peu des genoux », a-t-il déclaré lors des délibérations.

Les applaudissements ont fusé à l’issue de la réunion du comité parlementaire vendredi puisque le projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles, une promesse électorale des libéraux, vient de franchir une étape importante. Il est renvoyé à la Chambre des communes pour l’étape du rapport qui précède la troisième lecture. Ensuite viendra l’étude au Sénat. Le gouvernement espère une adoption d’ici la fin des travaux parlementaires en juin.

Avec La Presse Canadienne