Entre le moment où Air Force One se posera sur le tarmac de l’aéroport d’Ottawa, ce jeudi soir, et la réception de vendredi au Musée de l’aviation et de l’espace, Joe Biden aura passé un peu plus de 24 heures sur le sol canadien pour sa première visite officielle. On n’a pas encore annoncé le menu du dîner auquel participeront quelques centaines d’invités, mais celui des conversations entre le président et son hôte Justin Trudeau, lui, promet déjà d’être copieux. Mise en bouche.

(Ottawa) Le chemin Roxham

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Un agent de la Gendarmerie royale du Canada s’adresse à une famille de demandeurs d’asile qui emprunte le chemin Roxham, en février.

« On va peut-être avoir quelque chose à annoncer. » À la veille de l’arrivée de son invité américain, Justin Trudeau n’a pas voulu ouvrir davantage son jeu, sinon pour dire un peu plus tard que « pour les Américains, la perspective sur la protection des frontières est très différente par rapport à la frontière du sud […] versus la frontière du nord. Nous travaillons avec eux pour les rassurer, pour établir quelque chose qui pourrait marcher pour eux [et pour le Canada] ». Le premier ministre du Québec, François Legault, et le chef de l’opposition officielle à Ottawa, Pierre Poilievre, demandent le verrouillage du chemin – il y a 32 jours ce jeudi, M. Poilievre avait sommé Justin Trudeau de le « fermer » dans un délai de 30 jours.

L’ingérence étrangère

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Le parlement d’Ottawa

Sans nommer la Chine, des sources gouvernementales canadiennes ont indiqué que les « menaces à la démocratie » seraient à l’ordre du jour. D’après le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, le locataire de la Maison-Blanche aura besoin d’être rassuré par son voisin du nord, car celui-ci « a l’air d’avoir quelque chose à cacher », a-t-il accusé lors de la période des questions en Chambre, mercredi. Selon Vincent Rigby, ancien conseiller à la sécurité nationale de Justin Trudeau, les lacunes canadiennes n’ont pas échappé à M. Biden. Le premier ministre devra donc « promettre que le Canada mettra de l’ordre dans ses affaires concernant les activités des États hostiles », a-t-il écrit dans une lettre ouverte publiée mercredi dans le Globe and Mail.

Crise en Haïti

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Policiers affrontant des membres de gang à Port-au-Prince, en Haïti, le 3 mars dernier

Cela fait plusieurs mois que l’administration Biden tente de convaincre le gouvernement Trudeau de prendre les commandes d’une mission d’intervention internationale afin de mettre fin au chaos haïtien. Le Canada préconise plutôt d’« aider les Haïtiens à trouver des solutions pour eux-mêmes », a réitéré mercredi la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly. Parmi les piliers de l’approche canadienne figurent le renforcement de la Police nationale d’Haïti, de plus en plus exsangue, et l’imposition de sanctions. Dans le premier cas, Washington contribue au problème avec son programme migratoire, dont se prévalent des policiers pour quitter le pays à feu et à sang ; dans le second, les États-Unis peuvent en faire plus, chuchote-t-on en coulisses à Ottawa. Car l’argent, le nerf de la guerre des gangs, est bien plus à Miami qu’à Montréal.

Buy American

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Durant son discours sur l’état de l’Union, en février, le président Joe Biden a indiqué qu’il comptait adopter de nouvelles normes pour que les matériaux de construction utilisés dans les projets d’infrastructures fédéraux soient fabriqués aux États-Unis.

Les politiques protectionnistes de Washington continuent de provoquer de l’insomnie à Ottawa, malgré la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain durant le règne de Donald Trump. Le gouvernement Trudeau multiplie les pressions pour s’assurer que l’administration Biden n’exclue pas les entreprises canadiennes dans ses plans de relance. Durant son discours sur l’état de l’Union, en février, le président a indiqué qu’il comptait adopter de nouvelles normes pour que les matériaux de construction utilisés dans les projets d’infrastructures fédéraux soient fabriqués aux États-Unis. Aux Communes, jeudi, le chef conservateur Pierre Poilievre a accusé le premier ministre Justin Trudeau de n’avoir pas défendu adéquatement les intérêts du Canada face à une administration protectionniste. Il a rappelé que le différend du bois d’œuvre entre le Canada et les États-Unis n’est toujours pas réglé après sept ans. M. Poilievre rencontrera aussi le président lors de sa visite, ont confirmé mercredi de hauts responsables de l’administration américaine lors d’une séance d’information technique.

Changements climatiques

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L’objectif du Canada est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 45 % d’ici 2030, par rapport à 2005.

La donne a changé dans le dossier de la lutte contre les changements climatiques depuis l’accession de Joe Biden à la Maison-Blanche. La collaboration est de mise entre les deux pays afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’accélérer la transition énergétique. Les États-Unis se sont engagés à réduire les émissions de GES de 50 % à 52 % d’ici 2030, par rapport à 2005. L’objectif du Canada est de les réduire de 40 % à 45 % durant la même période. L’administration Biden a aussi annoncé des investissements colossaux de 370 milliards US dans le cadre de l’Inflation Reduction Act afin d’appuyer des projets visant à lutter contre les changements climatiques et à accélérer la transition énergétique. Le gouvernement Trudeau entend dévoiler sa réponse à ces investissements dans son prochain budget, qui sera présenté mardi prochain.

Modernisation du NORAD

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Un ballon a été abattu au large des côtes de la Caroline du Sud sous la supervision du NORAD, le 4 février dernier.

Qu’il soit démocrate ou républicain, le président des États-Unis tient à ce que le Canada fournisse sa part d’efforts en matière de défense. Joe Biden compte d’ailleurs discuter de la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) pour mieux assurer la défense du continent nord-américain durant son séjour à Ottawa. L’incident du ballon-espion chinois qui a été abattu par l’armée américaine au-dessus de l’océan Atlantique le mois dernier après avoir survolé une partie du territoire du Canada et des États-Unis rend ce dossier encore plus d’actualité. Le Canada s’est déjà engagé à investir 4,9 milliards de dollars sur six ans dans la modernisation du NORAD. Les États-Unis maintiennent toutefois la pression sur le Canada pour qu’il augmente davantage ses dépenses militaires afin d’atteindre l’objectif de 2 % de son PIB, comme le préconise l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). L’an dernier, le Canada a consacré l’équivalent de 1,27 % de son PIB à la défense, selon les calculs de l’OTAN.