Dimanche après-midi, le printemps semblait vouloir se pointer le bout du nez aux abords du canal de Lachine. Ils étaient des centaines à se promener, jogger, jaser entre amis en zigzaguant entre les flaques d’eau.

Assis sur un des seuls bancs émergés du banc de neige toujours épais, Alexandre Gilbert et sa conjointe, Milène Iwanowsky, profitaient du soleil.

Après avoir voté pour le Parti québécois aux dernières élections, cette résidante de Pointe-Saint-Charles, où le couple a emménagé après un long séjour aux États-Unis, penche maintenant pour le Parti libéral du Québec (PLQ). « Je vote souvent pour mes convictions. Je ne suis peut-être pas d’accord avec tout ce qu’ils disent […], mais je vais voter pour cette personne parce qu’elle est contre la loi 96 [sur la réforme de la Charte de la langue française] », explique-t-elle.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Alexandre Gilbert et Milène Iwanowsky

Cet enjeu revient souvent dans les conversations. Même si la majorité des résidants de Saint-Henri–Sainte-Anne parlent le plus souvent français à la maison (59 %), près du tiers d’entre eux préfèrent l’anglais (32 %), une proportion bien plus élevée que dans le reste de la province.

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Selon les données du dernier recensement, Saint-Henri–Sainte-Anne comptait plus de ménages qui gagnaient moins que le revenu moyen après impôts (40 100 $) que le reste du Québec.

De fortes disparités

« La pauvreté, l’embourgeoisement, l’itinérance », a énuméré, quelques rues plus loin, Gino, lorsqu’on lui a demandé de nommer les principaux défis auxquels Saint-Henri–Sainte-Anne est confronté.

La circonscription présente des disparités importantes entre les condos luxueux du bord du canal de Lachine et de Griffintown et les HLM de Saint-Henri ou Ville-Émard.

Selon les données du dernier recensement, Saint-Henri–Sainte-Anne comptait plus de ménages qui gagnaient moins que le revenu moyen après impôts (40 100 $) que le reste du Québec. Au-dessus de ce seuil, la seule tranche de revenu où Saint-Henri–Sainte-Anne fait meilleure figure que la moyenne québécoise : la plus riche, celle de 200 00 $ et plus.

« Les habitants traditionnels dans le quartier, je pense qu’on veut les tasser et je ne suis pas d’accord avec ça. Je crois que dans les quartiers montréalais, tout citoyen, peu importe sa classe socioéconomique, devrait avoir sa place », dénonçait Gino, résidant d’un OBNL en habitation rencontré devant le Greenspot, un haut lieu de la restauration de la rue Notre-Dame.

Le logement sur toutes les lèvres

Quelques coins de rue plus loin, on a croisé Laurence Croteau, qui partage un condo prêté par des connaissances avec son fils et son conjoint.

Comme pour bon nombre d’autres résidants de Saint-Henri–Sainte-Anne, l’enjeu du logement prend donc toute son importance pour elle. « On va devoir le tougher en attendant, parce qu’on attend de trouver la perle rare. On a fait beaucoup de demandes pour des coops d’habitation », a-t-elle affirmé.

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Laurence Croteau et sa famille

Résidant de Saint-Henri, Olivier Rosa ne s’en cache pas : il préfère élire un candidat local. C’est le cas de Guillaume Cliche-Rivard, représentant de Québec solidaire, pour qui il a révélé avoir voté.

L’enjeu du logement l’inquiète aussi, alors qu’il se promenait avec ses deux plus jeunes enfants. « Ce sont mes plus vieux que ça préoccupe. Ils regardent les logements en ce moment en se disant qu’ils ne pourront pas rester dans le quartier », a-t-il indiqué.

À noter, Saint-Henri–Sainte-Anne est la circonscription comptant le plus de HLM sur son territoire, soit 62.

Une montée du racisme ?

Ancienne membre de Québec solidaire (QS), Ariane Collin s’inquiète quant à elle de la montée du racisme au Québec, et particulier à Montréal. « Je suis fille de réfugié, je sors avec un immigré. On le ressent quand on va à l’hôpital, quand on va au magasin. La loi 96 n’a pas aidé, on le voit quand on fait des commentaires sur les réseaux », a-t-elle résumé, aux abords du marché Atwater.

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Ariane Collin et François Dansereau-Laberge

« La question du racisme, que Montréal devient plus raciste, c’est quelque chose que les gens sentent. C’est quelque chose que j’ai déjà entendu trois ou quatre fois. C’est sûr que c’est choquant, surtout pour moi qui suis un fier montréalais, mais c’est clair qu’il y a un glissement », a confirmé à ses côtés son ami François Dansereau-Laberge.

Avec 31,3 % de résidants qui s’identifient comme membres d’une minorité visible, leur proportion dans Saint-Henri–Sainte-Anne est près du double de la moyenne québécoise (16,1 %).

Reste à voir maintenant lequel de ces enjeux pèsera le plus lourd en ce jour d’élection.

En savoir plus
  • 36,15 %
    Proportion des votes obtenus par la cheffe du Parti libéral du Québec Dominque Anglade, qui l’avait emporté devant ses adversaires de Québec solidaire (27,72 %), de la Coalition avenir Québec (17,73 %) et du Parti québécois (8,27 %).
    SOURCE : élections québec
  • 57,82 %
    Taux de participation dans Saint-Henri–Sainte-Anne aux dernières élections générales provinciales du 3 octobre 2022.
    SOURCE : élections québec