(Québec) La commissaire à l’éthique et à la déontologie blanchit le ministre Pierre Fitzgibbon après enquête sur un investissement de 24 millions fait par Investissement Québec dans l’entreprise LMPG, société mère du fabricant de produits d’éclairage Lumenpulse, en novembre 2021.

Selon la commissaire Ariane Mignolet, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie n’a pas commis de manquement aux articles 15 et 16 du Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale. Le rapport de Mme Mignolet sur cette affaire a été rendu public jeudi.

Lors d’une mêlée de presse, Pierre Fitzgibbon a affirmé jeudi qu’il n’est « pas surpris » des conclusions de la commissaire puisqu’il n’y avait « jamais eu matière » à enquête à ses yeux.

Il a accusé au passage le Journal de Montréal, qui avait fait des articles sur le sujet, et l’opposition de ne pas comprendre ce qu’est un conflit d’intérêts. « Lumenpulse, il n’y a eu zéro, zéro reproche », a-t-il affirmé. « Un moment donné, il va falloir arrêter. »

« Il n’y a eu aucune, aucune malversation qui a été faite par le ministre de l’Économie depuis quatre ans, et il n’y en aura pas d’autres non plus », a-t-il plaidé.

Le ministre fait toujours l’objet d’une sixième enquête de la commissaire à l’éthique au sujet d’une partie de chasse au faisan à laquelle il a participé sur une île appartenant à des hommes d’affaires. Il a refusé une fois de plus jeudi de dire qui avait payé pour ce voyage.

« Ça ne vous regarde pas, c’est-tu clair ? C’est privé. On va attendre le rapport de la commissaire. On en reparlera après. »

Le rapport rendu public jeudi faisait suite à une demande d’enquête formulée par le député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, en octobre dernier. Selon le député péquiste, le ministre Fitzgibbon aurait autorisé la transaction « alors que l’un des actionnaires et administrateurs (de LMPG), Michel Ringuet, entretenait une relation contractuelle avec le ministre, agissant comme mandataire de sa fiducie sans droit de regard ».

La demande mentionnait également que le ministre « a lui-même été administrateur de l’entreprise entre 2013 et 2017 ». La commissaire avait alors choisi de mener une enquête.

« Il ressort de l’analyse que le ministre n’avait pas d’intérêt personnel dans le cadre du processus d’autorisation de l’investissement dans l’entreprise. En effet, le ministre ne détient aucun intérêt pécuniaire dans l’entreprise depuis juin 2017, moment où il a également cessé d’exercer sa fonction d’administrateur indépendant au sein de l’entreprise », écrit Ariane Mignolet dans son rapport.

« L’exercice passé d’une telle fonction qui, en l’espèce, remonte à plus de quatre ans au moment des faits ne constitue pas en soi un intérêt personnel au sens du Code », ajoute-t-elle.

La demande devait aussi « déterminer si les actions et interventions du ministre dans ce dossier ont eu ou pourraient avoir pour effet de favoriser les intérêts [de son mandataire] et si les fonctions passées du ministre au sein de l’entreprise ont pu nuire à sa capacité de prendre cette décision ».

Or, le rapport conclut que « la preuve recueillie démontre qu’il n’existe pas de lien de proximité entre le ministre et son mandataire au moment des faits ni entre le ministre et l’entreprise », peut-on lire.

« Le ministre a autorisé le projet d’investissement sur recommandation de son ministère, après avoir obtenu l’avis favorable du ministre des Finances : il n’a pas été impliqué dans l’analyse du dossier de l’entreprise », écrit la commissaire Mignolet.

Pas une première enquête

Le ministre Pierre Fitzgibbon n’en est pas à ses premiers démêlés avec la commissaire à l’éthique. En décembre, après les révélations sur sa partie de chasse au faisan, le principal intéressé avait déclaré qu’il se réjouissait que Mme Mignolet fasse à nouveau enquête. Il avait même fait une déclaration étonnante en prévenant qu’il y aurait « d’autres » enquêtes à son sujet dans l’avenir.

« Il n’y a pas de conflit [d’intérêt], il n’y a jamais eu de conflit et il n’y en aura pas. Le jour où il y aura un conflit, je vais m’en aller », avait lancé le ministre, sans aucune hésitation.

En juin 2021, Pierre Fitzgibbon avait démissionné de ses fonctions ministérielles après avoir été éclaboussé par un autre rapport embarrassant de la commissaire en raison de ses intérêts dans White Star Capital et dans ImmerVision, deux entreprises non cotées en Bourse. Après un purgatoire de quelques semaines, il a pu réintégrer le conseil des ministres, une fois ses intérêts litigieux vendus.

En novembre 2020, Pierre Fitzgibbon a également été blâmé par ses pairs pour avoir enfreint le code de déontologie de l’Assemblée nationale, un fait rarissime, à la suite d’une enquête de la commissaire qui avait conclu que le ministre s’est placé « dans une situation où son intérêt personnel pouvait influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de sa charge, en raison de ses liens étroits » avec son ami lobbyiste Luc Laperrière.

Avec La Presse Canadienne