(Ottawa) Les provinces réclamaient une hausse des transferts en santé de 28 milliards de dollars par année pour s’attaquer aux maux qui affligent les réseaux de la santé à travers le pays. Le gouvernement Trudeau leur a offert un tout autre remède : une hausse moyenne de 4,6 milliards par année.

Le premier ministre Justin Trudeau a dévoilé les détails de l’offre fédérale durant une rencontre de deux heures en compagnie de ses homologues des provinces et des territoires. En tout, le gouvernement Trudeau prévoit augmenter les transferts aux provinces de 46,2 milliards au cours de la prochaine décennie. De cette enveloppe, le Québec obtiendrait quelque 9 milliards de plus si l’entente proposée est acceptée, selon les calculs des fonctionnaires fédéraux.

Dans l’immédiat, le gouvernement Trudeau propose d’offrir un paiement forfaitaire de 2 milliards cette année afin d’aider les provinces à répondre aux pressions immédiates, notamment dans les hôpitaux pédiatriques et les salles d’urgence et pour réduire les longs délais d’attente pour les opérations chirurgicales.

Le seul véritable gain des provinces touche la hausse annuelle des transferts en santé. Elle serait fixée à 5 % pour une période de cinq ans, comme les provinces le souhaitaient, à compter de 2024-2025. Mais par la suite, la formule actuelle – soit un minimum de 3 % ou un taux équivalent à l’inflation si celle-ci dépasse le seuil de 3 % – serait de nouveau en vigueur.

Pour obtenir leur part du gâteau, les provinces devraient s’engager à améliorer la façon dont les renseignements sur la santé sont recueillis, partagés, utilisés et communiqués à la population canadienne.

« Le rattrapage qu’on demandait n’est pas au rendez-vous. Donc, ça ne règle pas le problème fondamental du financement des soins de santé au Canada », a déclaré le premier ministre du Québec, François Legault, durant une conférence de presse en compagnie de ses homologues des provinces et territoires.

Présidant le Conseil de la fédération cette année, la première ministre du Manitoba, Heather Stefanson, a indiqué que les premiers ministres souhaitaient prendre quelques jours pour « digérer » l’offre du gouvernement fédéral. Elle entend convoquer une réunion du Conseil de la fédération d’ici quelques jours pour faire le point.

Mais les provinces et territoires ont peu d’espoir de forcer la main au gouvernement fédéral pour qu’il revoie sa proposition à la hausse.

« Ce que j’ai compris de M. Trudeau, c’est que c’était une offre pas mal finale », a dit François Legault. « Évidemment, peu importe le montant, même s’il est petit, c’est bienvenu. Mais effectivement, c’est très loin de ce dont on a besoin à long terme pour financer les soins de santé. C’est sûr que pour les prochaines années, si je parle pour le Québec, on va investir les montants nécessaires pour redresser le réseau de la santé. […] Mais il reste que ce n’est pas tenable à long terme. Donc, il va falloir avoir d’autres discussions avec les gouvernements fédéraux qui seront là », a-t-il ajouté.

Pour sa part, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a soutenu que la proposition fédérale est bien en deçà des attentes des provinces, et qu’elle devrait constituer, selon lui, un point de départ pour de nouvelles discussions.

En vertu de la proposition fédérale, Ottawa inclut dans le nouveau financement une somme de 25 milliards sur 10 ans pour les provinces et territoires qui concluront des accords bilatéraux avec Ottawa.

Voulant exposer sa version, Justin Trudeau s’est rendu dans un hôpital d’Ottawa en soirée mardi pour défendre sa proposition. Il a fait valoir que l’effort financier d’Ottawa sera considérable : en tout, ce sont 198,6 milliards qui seront versés aux provinces pour la santé au cours des 10 prochaines années, dont 46,2 milliards en nouveau financement. Il a confirmé que l’offre était essentiellement finale.

« Il s’agit d’un investissement massif dans les soins de santé », a argué M. Trudeau en évoquant la somme de 198 milliards et en soulignant que plusieurs provinces affichent des surplus budgétaires, contrairement au gouvernement fédéral.

Les baisses d’impôt promises par Québec ne devraient pas avoir d’incidence, dit Legault

Avant de prendre connaissance de l’offre du gouvernement fédéral, M. Legault avait défendu son intention de réduire les impôts des contribuables dès le prochain budget. Selon lui, cela ne devrait avoir aucune incidence sur les pourparlers qu’ont les provinces et territoires avec Ottawa sur la hausse des transferts en santé.

M. Legault a fait valoir que les contribuables québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord et qu’ils vont le demeurer même après la réduction du fardeau fiscal que son gouvernement entend annoncer dans le prochain budget.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault a fait valoir que les contribuables québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord et qu’ils vont le demeurer même après la réduction du fardeau fiscal que son gouvernement entend annoncer dans le prochain budget.

« Il est important de rappeler que les taux d’imposition au Québec sont plus élevés qu’ailleurs dans le reste du Canada et aux États-Unis. Vous savez, mon obsession, c’est d’éliminer notre écart de richesse avec le reste du Canada. Pour ça, il faut avoir des incitatifs. Actuellement, les taux d’imposition très élevés au Québec n’aident pas à éliminer cet écart de richesse avec le reste du Canada », a-t-il affirmé.

« Je pense que cela n’a rien à voir. On va continuer, malgré les baisses d’impôt promises, d’avoir des impôts très élevés au Québec », a-t-il ajouté.

Au cours des deux dernières années, les provinces et territoires ont fait front commun pour réclamer une hausse substantielle des transferts en santé de 28 milliards de dollars par année. Selon leurs calculs, cela permettrait de faire en sorte qu’Ottawa paie 35 % des coûts des soins de santé au pays, comparativement à 22 % aujourd’hui.

Le gouvernement Trudeau avait déjà fait savoir qu’il n’avait pas l’intention d’accéder à cette demande, allant jusqu’à souligner que les provinces ont, dans l’immédiat, une capacité financière suffisante à court terme pour investir davantage dans le système de santé si elles le souhaitent.

Le gouvernement fédéral conteste d’ailleurs la méthode de calcul et soutient qu’il paie déjà 35 % des coûts si l’on tient compte des points d’impôt transférés aux provinces dans les années 1970.

CE QU’ILS ONT DIT

L’offre d’Ottawa quant aux transferts en santé est clairement insuffisante. Les Québécoises et Québécois méritent plus. Nous sommes très loin du rattrapage financier dont nous avons besoin en santé.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

Ça fait cinq ans que François Legault fait de gros yeux à Justin Trudeau. On voit le résultat aujourd’hui. On pourrait en rire s’il n’était pas question de l’avenir du système de santé. On a besoin d’un [premier ministre] plus combatif et moins résigné devant les pinottes de Justin Trudeau.

Vincent Marissal, porte-parole de Québec solidaire en matière de santé

François Legault avait tout ce qu’il demandait pour faire fonctionner le fédéralisme : son mandat fort et un front commun des provinces. Comme d’habitude, le fédéral s’en moque. [L’offre fédérale], c’est six fois moins que la demande légitime du Québec.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

La vérité est qu’Ottawa n’offre que très peu de choses. Une moyenne de 4,6 milliards de dollars par année, partagés entre toutes les provinces et tous les territoires, n’est pas même la part qui aurait dû revenir au Québec seul pour une première année.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

Après avoir passé les deux dernières années et demie à bloquer tout progrès en vue d’améliorer les soins de santé, le premier ministre Justin Trudeau a présenté le strict minimum – une entente qui ne fera pas assez pour recruter, maintenir en poste et respecter les travailleuses et travailleurs de première ligne.

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique