(Québec) Québec solidaire (QS) n’a plus un caucus paritaire au Parlement et la place accordée aux candidatures féminines lors des dernières élections nourrit un important débat au sein du parti. Les membres doivent-ils mettre en place des moyens pour que les personnes candidates dans les « circonscriptions réalistement prenables » soient des femmes ?

La question risque d’être au cœur des débats qui occuperont les délégués solidaires présents ce week-end au Conseil national de QS à Montréal. L’objectif de cette instance est de faire le point sur la dernière campagne électorale, au terme de laquelle le parti a perdu des votes comparativement à 2018, même s’il compte sur un député de plus à l’Assemblée nationale.

Dans le cahier synthèse des propositions qui seront soumises au vote, que La Presse a obtenu, le secrétaire général du parti, Nicolas Chatel-Launay, rappelle que ce « débat important » devra être tranché en deux temps. Lors du Conseil national, du 10 au 12 février, les membres décideront s’ils se fixent l’objectif d’avoir des candidates féminines dans des circonscriptions où ils pensent avoir des chances de l’emporter, en 2026. Mais sur la manière très précise d’y parvenir, la « mécanique à adopter » sera votée dans une autre instance.

Dans une entrevue sollicitée par La Presse, le chef parlementaire du parti, Gabriel Nadeau-Dubois, a reconnu qu’il s’agissait d’une préoccupation largement exprimée par des instances de QS.

Manon [Massé] et moi, la direction du parti, on ne peut pas imposer des candidatures. Donc pour l’atteinte de la parité au caucus, ça représente un défi supplémentaire. [Mais] c’est un défi qu’on est capables de relever.

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois

Pour l’instant, si son parti remporte l’élection partielle dans la circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne à Montréal, laissée vacante par le départ de l’ex-cheffe libérale Dominique Anglade, le déficit paritaire se creusera encore plus au caucus solidaire. Leur candidat, l’avocat Guillaume Cliche-Rivard, a été démocratiquement désigné par les membres de sa circonscription, défend M. Nadeau-Dubois.

Parler aux régions et de souveraineté

Les membres de Québec solidaire sont également mécontents du peu de place accordé par l’équipe électorale du parti à la question de l’indépendance. Un amendement qui sera proposé ce week-end « déplore l’absence de mise en valeur du projet d’indépendance », alors qu’il est aussi proposé de mettre en place un plan de communication « sur la scène nationale » pour réitérer que le parti est souverainiste.

Pour l’instant, la feuille de route de Québec solidaire propose d’établir une « assemblée constituante » paritaire, « composée de personnes élues au suffrage universel » et qui aurait pour mandat de rédiger une Constitution.

Celle-ci serait finalement soumise à la population par voie de référendum.

En entrevue avec La Presse, Gabriel Nadeau-Dubois a noté que des propositions de la plateforme électorale de son parti étaient souvent complexes et difficiles à expliquer. Ce constat pourrait aussi s’appliquer au mécanisme proposé pour faire l’indépendance.

« Plus une proposition politique est complexe, plus elle est facile à attaquer. On l’a constaté lors de la dernière élection et je pense que ça vaut pour l’ensemble de notre projet de société. Comment on le rend simple et accessible pour tout le monde, y compris les électeurs qui ne sont pas des passionnés de politiques publiques », a-t-il dit.

Une tournée des régions

Parmi les propositions qui seront soumises au vote ce week-end, Québec solidaire proposera à ses membres d’entamer une tournée des régions. Dans son bilan des dernières élections, le parti fait le constat qu’il ne parvient pas à rejoindre les électeurs qui habitent dans les milieux ruraux.

L’objectif de ce conseil national, c’est vraiment qu’on se mette comme parti en mode écoute et qu’on aille à la rencontre des Québécois et des Québécoises qui ont hésité à nous appuyer la dernière fois, […] particulièrement ceux et celles qui résident en dehors des centres urbains.

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois

Le parti fait aussi le bilan que « beaucoup de [leurs] propositions sont apparues comme étant très complexes » dans leur dernière plateforme électorale. Le fait que celle-ci a été adoptée plusieurs mois avant les élections « a fait en sorte qu’elle n’était pas adaptée au changement de conjoncture économique lié à l’inflation ».

« Tant à l’interne qu’à l’externe, des gens ont souligné le caractère cérébral de notre campagne », dit QS. « Le bonus-malus sur l’achat de véhicules polluants a été utilisé comme épouvantail », alors que la proposition d’impôt sur les grandes fortunes « est probablement celle qui a retenu le plus d’attention ».

« Le caractère complexe de la proposition (plusieurs personnes ne savent pas comment calculer leur valeur nette) nous a forcés à nous mettre en mode pédagogique et explicatif et moins en mode offensif et politique. Cette proposition a été très déstabilisatrice », note le parti dans le bilan de la campagne.

Et si QS a réussi à se distinguer avec ses propositions en matière d’environnement, ce qui lui aurait permis de faire le plein de cet électorat, dit-il, « nos résultats démontrent bien que ce n’est pas suffisant pour aspirer à gouverner ».