(Québec) Québec solidaire (QS) change son fusil d’épaule et votera finalement pour la nomination de Benoît Dubreuil à titre de tout premier commissaire à la langue française. Le candidat du premier ministre François Legault sera nommé officiellement la semaine prochaine.

Le 9 décembre, dernier jour de la session d’automne, M. Legault voulait proposer à l’Assemblée nationale la nomination de M. Dubreuil, mais il y avait renoncé après que QS avait annoncé son intention de voter contre et que le Parti libéral du Québec (PLQ) avait retiré son appui le jour du vote.

Le chef parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, affirmait que son parti s’opposait à cette candidature parce qu’elle n’était pas « rassembleuse ». « Cette candidature-là a, par le passé, exprimé des positions qui ne nous rejoignent pas », ajoutait-il, sans donner de détails. Il évoquait, sans le nommer, l’essai Le remède imaginaire – Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec (Boréal, 2011), que Benoît Dubreuil a coécrit avec le démographe Guillaume Marois.

QS avait pris position sans rencontrer M. Dubreuil. À la suite d’une offre du gouvernement, le parti a accepté d’avoir un entretien avec le candidat, une rencontre qui a eu lieu vendredi dernier. Le caucus a pris position mercredi.

« On a eu une discussion qui était franche et cordiale. On est revenus sur des écrits passés de M. Dubreuil qui, selon nous, ne reflètent pas notre vision de l’immigration et de l’avenir du Québec. On ressort de cette rencontre-là avec l’impression que c’est un homme compétent qui est capable d’occuper ces fonctions-là », a affirmé Gabriel Nadeau-Dubois lors d’un point de presse, jeudi.

« Ça n’aurait peut-être pas été notre choix à nous, mais on est prêts à laisser la chance au coureur. On va le surveiller de près. On ne signe pas un chèque en blanc. Mais il semble avoir les compétences nécessaires pour occuper cette fonction-là. On va voter pour sa nomination. »

Selon M. Nadeau-Dubois, QS fait ainsi « la preuve que rencontrer les gens avant de fixer son jugement sur la personne, parfois, souvent, ça nous permet d’avancer ». Il s’agit d’une allusion à la décision de son parti de ne pas réclamer la démission d’Amira Elghawaby, nouvelle représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, et de la rencontrer d’abord. Les « réticences » de Québec solidaire à l’égard de M. Dubreuil « ne sont pas du même acabit » que celles liées aux « propos inacceptables de Mme Elghawaby », a-t-il nuancé. Mais « avant de dire que quelqu’un est bon ou mauvais pour la job, le rencontrer, c’est important ».

À la suite de la décision de QS, le gouvernement Legault entend proposer la semaine prochaine à l’Assemblée nationale de nommer M. Dubreuil au poste de commissaire à la langue française, un nouveau chien de garde créé en vertu de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (loi 96), adoptée l’an dernier.

Cette nomination nécessite l’appui des deux tiers des députés. La Coalition avenir Québec compte déjà plus de 66 % des députés, mais le gouvernement cherche généralement l’unanimité, ou du moins un large appui, pour faire ce genre de nomination. Le Parti québécois appuie déjà la candidature de M. Dubreuil.

De son côté, le PLQ a rencontré à son tour le candidat jeudi. Sa députée Madwa-Nika Cadet fera un compte rendu de son entretien avec Benoît Dubreuil au caucus, qui prendra position par la suite.

En décembre, le PLQ avait laissé entendre au gouvernement que la candidature de Benoît Dubreuil ne posait pas problème pour lui, avant de faire volte-face le jour prévu du vote. Le gouvernement espère maintenant obtenir son appui, mais il entend aller de l’avant avec la nomination quoi qu’il arrive, a-t-on confirmé à La Presse.

Docteur en philosophie, Benoît Dubreuil a obtenu différents postes au sein de l’appareil fédéral. Il est en ce moment directeur général par intérim des opérations régionales pour l’est du pays à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. De 2016 à 2019, il était à Services aux Autochtones Canada.

Il a travaillé auparavant à la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, de même qu’au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, entre autres.

Selon la loi 96, « la personne proposée par le premier ministre » au poste de commissaire à la langue française « doit avoir une sensibilité ainsi qu’un intérêt marqués en matière de protection de la langue française ». Le mandat est de sept ans et ne peut être renouvelé.

Le commissaire est chargé de « surveiller l’évolution de la situation linguistique au Québec ». Il doit notamment « faire le suivi de la connaissance, de l’apprentissage et de l’utilisation du français par les personnes immigrantes ».

Il a pour fonction de « surveiller le respect des droits fondamentaux » conférés par la Charte de la langue française et « l’exécution des obligations » que celle-ci impose aux entreprises et à l’administration publique.

Il détient des pouvoirs d’enquête et peut intervenir en justice pour la défense du français. Il a le pouvoir de formuler des avis et des recommandations au ministre de la Langue française, au gouvernement et à l’Assemblée nationale.