(Québec) Le Parti libéral du Québec (PLQ) votera contre le candidat du premier ministre François Legault au poste de commissaire à la langue française en raison « d’importantes divergences de visions ». Le gouvernement procédera malgré tout à la nomination de Benoît Dubreuil la semaine prochaine, avec l’appui de Québec solidaire (QS) et du Parti québécois (PQ).

Le caucus libéral a pris sa décision vendredi, au lendemain d’une rencontre entre sa députée Madwa-Nika Cadet et M. Dubreuil.

« Malgré une rencontre cordiale qui nous a permis d’échanger sur les défis auxquels est confrontée la langue française au Québec, des divergences philosophiques majeures demeurent », soutient Mme Cadet.

Pour le chef intérimaire Marc Tanguay, « le gouvernement caquiste, en tout respect pour M. Dubreuil, ne propose pas de nommer la bonne personne à ce poste ». Il réclame « une candidature qui saura faire les analyses et les nuances nécessaires afin que toutes les Québécoises et tous les Québécois puissent se sentir partie prenante de cet important objectif collectif qu’est l’épanouissement du français au Québec ».

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Benoît Dubreuil (à droite) et Guillaume Marois (à gauche) ont coécrit l’essai Le remède imaginaire — Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec publié en 2011.

Pour justifier sa décision, le PLQ s’appuie en particulier sur passages de l’essai Le remède imaginaire — Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec (Boréal, 2011), que Benoît Dubreuil a coécrit avec le démographe Guillaume Marois.

« Le manque de nuances dans les écrits passés de M. Dubreuil et son biais de jugement concernant le sentiment d’appartenance d’une personne immigrante inquiètent l’équipe libérale », estime le PLQ.

Dans cet essai, soutient-il, Benoît Dubreuil « considère que l’utilisation d’une autre langue que le français à la maison par une majorité des immigrants peut être considérée comme un signe de fragilisation de notre langue officielle ».

Or, pour les libéraux, « c’est la langue parlée dans la sphère publique qui doit servir d’indicateur de référence. L’État ne doit pas s’ingérer autour de la table à dîner des gens et laisser les Québécois parler la langue de leur choix à la maison ».

Les libéraux accusent également M. Dubreuil de remettre en cause « le sentiment d’appartenance à la société québécoise des personnes immigrantes » et de contester leur « comportement politique et démocratique » dans son ouvrage. Cela les a « heurtés ». Le PLQ cite des extraits du livre dans son communiqué pour étayer ses dires.

Enfin, le PLQ « aurait espéré une candidature dont le parcours professionnel est plus intimement lié aux questions linguistiques ». « La candidature de M. Dubreuil comporte des compétences pertinentes en matière d’évaluation de programmes, mais les enjeux linguistiques semblent s’inscrire de façon périphérique à son parcours », plaide-t-il.

Jeudi, quelques jours après une rencontre avec Benoît Dubreuil, QS a changé son fusil d’épaule et a annoncé son appui à la candidature de Benoît Dubreuil.

Le gouvernement Legault proposera la semaine prochaine à l’Assemblée nationale de nommer M. Dubreuil au poste de commissaire à la langue française, un nouveau chien de garde créé en vertu de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (loi 96), adoptée l’an dernier.

Cette nomination nécessite l’appui des deux tiers des députés. La Coalition avenir Québec compte déjà plus de 66 % des députés, mais le gouvernement cherche généralement l’unanimité, ou du moins un large appui, pour faire ce genre de nomination. Il estime avoir un appui suffisant avec QS et le PQ.

Le 9 décembre, dernier jour de la session d’automne, M. Legault voulait proposer à l’Assemblée nationale la nomination de M. Dubreuil, mais il y avait renoncé après que QS avait annoncé son intention de voter contre et que le Parti libéral du Québec (PLQ) avait retiré son appui le jour du vote. Les deux partis avaient plus tard accepté de rencontrer le candidat et de reconsidérer leur position.

Lisez l’article « Commissaire à la langue française : Volte-face de QS, feu vert au candidat de Legault »