(Ottawa) Le ministre fédéral de la Justice accuse les conservateurs de Pierre Poilievre d’utiliser des tragédies comme le meurtre d’un jeune agent de la Police provinciale de l’Ontario « pour tenter de marquer des points politiques », tout en affirmant que son gouvernement explore néanmoins des options pour gérer les cas de récidivistes.

David Lametti a formulé ce commentaire jeudi à la Chambre des communes, alors qu’il débattait d’une motion, présentée par les conservateurs, qui appelait les députés à pousser Ottawa à revoir les règles entourant les libérations sous caution.

« Le Canada a un système de justice pénale solide et efficace, y compris ses lois sur la libération sous caution, mais nous savons tous que les choses peuvent toujours être améliorées », a-t-il déclaré.

Raquel Dancho, porte-parole du parti en matière de sécurité publique, affirme que le gouvernement de Justin Trudeau n’a pas agi face à la violence commise par des délinquants alors qu’ils jouissaient d’une libération sous caution.

La députée manitobaine a souligné le fait que l’une des deux personnes accusées du meurtre au premier degré du policier Greg Pierzchala, à la fin de décembre en Ontario, n’avait pas pu d’abord obtenir sa libération sous caution pour une accusation distincte d’agression et d’armes.

L’homme a finalement obtenu cette libération sous caution, après un réexamen de son cas, mais il ne s’est pas ensuite présenté à une audience avec les autorités, comme l’exigeaient ces conditions de libération. Un mandat d’arrestation avait alors été lancé contre lui.

Mme Dancho a déclaré que les premiers ministres des provinces et les chefs de police exigent des gestes concrets de la part du gouvernement fédéral, et la motion du parti soutient qu’Ottawa doit s’assurer que le système judiciaire « fait passer les droits des Canadiens respectueux des lois avant les droits des récidivistes violents ».

« Le système de libération sous caution est brisé dans ce pays », a-t-elle déclaré.

Le ministre Lametti a déclaré en Chambre qu’il examinait les préoccupations exprimées par les premiers ministres. Mais il a aussi défendu le système judiciaire canadien, affirmant que la loi stipule déjà que les personnes considérées comme une menace importante pour la société ne devraient pas obtenir une libération sous caution.

« Je suis déçu que l’opposition officielle utilise des tragédies pour tenter de marquer des points politiques, a-t-il déclaré en Chambre. Les Canadiens savent que ce sont des problèmes graves et complexes, et qu’il n’y a pas de solutions rapides ou faciles. »

Le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois ont tous deux déclaré jeudi qu’ils n’appuieraient pas les pressions des conservateurs pour demander au gouvernement de durcir sa position en matière de libération sous caution, même si leurs députés ont convenu que la récente vague de violence observée dans le pays est désolante et que des solutions sont nécessaires.

Pour leur part, les députés conservateurs ont rejeté l’accusation selon laquelle ils faisaient de la politique partisane avec la tragédie. Ils ont souligné que le chef de la police de Toronto a récemment déclaré que 24 des 44 personnes tuées par balle dans la ville au cours de la dernière année l’avaient été par une personne accusée en liberté sous caution.

M. Lametti a déclaré jeudi que le traitement des récidivistes nécessite une « approche globale » qui comprend le travail des gouvernements provinciaux et territoriaux, pas seulement d’Ottawa.

« Des travaux sont en cours pour élaborer des options législatives et non législatives afin de relever les défis particuliers des récidivistes violents », a-t-il affirmé.

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a ajouté qu’une rencontre avec ses homologues provinciaux était en préparation.

Parmi les changements que les premiers ministres demandent au gouvernement fédéral d’envisager, il y a la création d’un « renversement du fardeau de la preuve » en matière de libération sous caution pour l’infraction de possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée.

Dans une lettre au début de janvier, les responsables provinciaux ont déclaré qu’ils souhaitaient qu’une personne accusée de ce crime démontre pourquoi elle ne devrait pas être détenue pour des raisons de sécurité publique.

M. Lametti a déclaré jeudi qu’il examinait leur proposition « sérieusement ».

Des criminologues et autres experts de la libération sous caution disent que s’ils comprennent le désir de certains de prendre des mesures plus sévères, rien ne prouve que le fait de garder certains délinquants derrière les barreaux réduira la criminalité.

Ils disent plutôt qu’une telle approche risque d’augmenter le nombre de cas de détentions d’innocents en prison avant qu’ils n’aient eu droit à un procès équitable.