(Ottawa) Les grandes entreprises du numérique qui offrent des services de diffusion en ligne pourraient bientôt être tenues de contribuer au contenu canadien alors qu’un projet de loi libéral controversé se rapproche un peu plus de sa mise en œuvre.

Le Sénat a adopté la loi sur la diffusion en ligne connue sous le nom de projet de loi C-11 avec une dizaine d’amendements, après avoir été longuement étudiée par des sénateurs.

Le projet de loi mettrait à jour les règles de diffusion du Canada pour refléter la présence sur le marché des géants de la diffusion en ligne tels que YouTube, Netflix et Spotify. La loi les obligerait à contribuer au contenu canadien et à le rendre accessible aux utilisateurs au pays — sous peine de lourdes sanctions.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez

Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a déclaré qu’il espère que la Chambre des communes adoptera le projet de loi la semaine prochaine après avoir examiné les changements du Sénat.

Les sénateurs ont apporté des modifications visant à protéger le contenu généré par les utilisateurs et à promouvoir des langues autochtones et des créateurs de contenu noirs.

Ils ont également inclus un amendement qui interdirait à Radio-Canada/CBC de produire du contenu commandité. Un autre changement viendrait obliger les entreprises à vérifier l’âge des utilisateurs avant qu’ils n’accèdent à du matériel sexuellement explicite.

Le gouvernement libéral n’entend pas accepter toutes les recommandations du Sénat, a indiqué M. Rodriguez, jeudi, mais sans préciser celles avec lesquelles il était en désaccord.

« Nous verrons quand le projet de loi reviendra. Il y a des amendements qui n’ont aucun impact sur le projet de loi, et d’autres, oui. Ceux-là, nous ne les accepterons pas », a soutenu le ministre lors d’un panel de l’Association canadienne des producteurs de médias.

Le Sénat a également retiré une clause du projet de loi que la sénatrice Paula Simons a décrite comme donnant « de nouveaux pouvoirs extraordinaires au gouvernement pour prendre des décisions politiques » sur certains aspects.

Ian Scott, l’ancien président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, avait affirmé à un comité sénatorial que certaines dispositions du projet de loi rapprocheraient le point d’équilibre « un peu plus vers une diminution de l’indépendance » de l’organisme de réglementation — bien qu’il ait insisté sur le fait qu’il resterait indépendant.

Le CRTC, maintenant sous la direction de Vicky Eatrides, sera chargé de faire appliquer les dispositions du projet de loi.

Si l’Association de professionnels de l’édition musicale (APEM) salue l’avancement du projet de loi, elle appelle aussi la Chambre des communes à rejeter quelques amendements du Sénat, dont celui à propos des médias sociaux.

Selon l’organisme qui représente les éditeurs musicaux francophones au Canada, « l’amendement à l’article 4 n’était pas nécessaire et est rédigé de manière problématique ».

« Le texte crée une échappatoire qui profiterait à des multinationales lorsqu’elles diffusent des vidéoclips. Cela est hautement problématique et aurait des répercussions sur l’ensemble des entreprises du système canadien de radiodiffusion. Il faut revenir au texte que la Chambre des communes avait adopté en juin dernier, il avait été longuement débattu et réfléchi », a déclaré le directeur général de l’APEM, Jérôme Payette, dans un communiqué transmis jeudi soir.

Celui-ci demande « une adoption rapide du projet de loi ».

Le Sénat a donné son approbation un an après dépôt du projet de loi à la Chambre des communes.

Dans les procédures à la Chambre des communes et au Sénat, il y a eu environ 218 témoins, 43 réunions, 119 mémoires et 73 amendements proposés, a mentionné M. Rodriguez.

Le projet de loi a fait l’objet d’un examen approfondi au milieu des accusations d’entreprises et de détracteurs qui ont déclaré que la pièce législative laissait trop de place au contrôle du gouvernement sur le contenu généré par les utilisateurs et les algorithmes des médias sociaux.

Selon M. Rodriguez, les géants du numérique peuvent faire preuve de créativité en faisant la promotion du contenu canadien, comme les panneaux d’affichage, la publicité ou, s’ils le souhaitent, en modifiant leurs algorithmes.

Le projet de loi a également attiré l’attention des États-Unis. Son ambassade à Ottawa a récemment déclaré qu’elle tenait des consultations avec des entreprises américaines qui, selon elle, pourraient faire l’objet de discrimination si le projet de loi était adopté.

La semaine dernière, deux sénateurs américains ont appelé à une répression commerciale contre le Canada au sujet du projet de loi C-11, affirmant que la future réglementation bafoue les accords commerciaux.

« Je ne suis pas inquiet, car nous pensons que cela est conforme aux obligations commerciales », a déclaré le ministre Rodriguez.