(Ottawa) Des M777 howitzer plutôt que des fioles de Pfizer. Des balles de munitions au lieu des flacons de Moderna. Des gilets pare-balles et des tubes d’obusiers à la place de blouses blanches et de seringues.

Les armes et l’ennemi ont changé, mais la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, considère qu’elle est en guerre comme elle l’était dans son ancien portefeuille, celui de l’Approvisionnement, au temps de la pandémie.

« Il y avait la COVID-19, et nous avions besoin d’armes, qui étaient les vaccins, pour mener cette guerre […]. Maintenant, on a la guerre, la vraie, parce que la Russie a envahi l’Ukraine, et les Ukrainiens ont besoin d’équipement militaire », image-t-elle.

« Cette fois, il faut sauver des vies ukrainiennes », enchaîne la ministre Anand dans une entrevue de fin d’année accordée à La Presse.

En rafale, depuis le début de l’invasion russe, le 24 février dernier, le Canada a livré des armes antichars, des obusiers tractés M777, des caméras pour drones et des munitions. Le pays s’est aussi engagé à acheter jusqu’à 39 véhicules blindés.

Mais il manque à l’arsenal des Forces armées canadiennes (FAC) les fameux systèmes de défense antiaérienne que l’Ukraine réclame, surtout alors que l’hiver s’installe et que les troupes russes poursuivent leur offensive contre les infrastructures énergétiques.

De passage à Ottawa en décembre, une élue du Parlement ukrainien, Ivanna Klympush-Tsintsadze, a insisté sur l’importance de maintenir la pression sur Moscou. « Il ne faut pas laisser la Russie profiter de l’hiver pour s’incruster », a-t-elle plaidé.

« La Russie est un monstre. C’est un démon qui doit être vaincu. C’est noir ou blanc », a-t-elle martelé devant une poignée de parlementaires et d’ambassadeurs réunis pour un dîner-conférence au chic Rideau Club.

Les leaders du G7 ont déclaré par voie de communiqué à la mi-décembre qu’ils allaient s’employer à « immédiatement à fournir à l’Ukraine des systèmes et des capacités de défense aérienne ».

La ministre Anand n’écarte pas la possibilité qu’Ottawa opte pour un achat groupé. « On est ouverts à beaucoup d’idées […]. Nous travaillons en équipe et nous évaluons toutes les possibilités pour fournir l’aide militaire aérienne à l’Ukraine », signale-t-elle.

Un autre combat

L’année 2022 se conclura avec une tournée à l’étranger pour l’ancienne professeure de droit ; elle ira à la rencontre de membres des FAC stationnés outre-mer. Ces kilomètres avalés s’ajoutent à ceux accumulés à son compteur sur le sol canadien au fil de l’année.

D’une base militaire canadienne à l’autre, elle dit avoir entendu que le combat contre un autre mal, celui de l’inconduite sexuelle, était pris au sérieux – avant l’invasion russe, il s’agissait d’ailleurs de l’un de ses principaux chantiers, selon sa lettre de mandat.

Ainsi a-t-elle déposé en décembre un document dans lequel elle s’engage à suivre les 48 recommandations formulées dans le rapport (un autre sur le même sujet) de l’ancienne juge de la Cour suprême du Canada, Louise Arbour.

Pas de budget associé, aucun échéancier et des fuites vers l’avant. « Il y a beaucoup d’enjeux très complexes. Mais nous sommes déterminés à les régler », jure la ministre Anand dans un très bon français.

Rumeurs sur la direction

Elle parle français, elle a un CV solide, et depuis son arrivée à Ottawa en 2019, elle a impressionné par son efficacité à s’acquitter des tâches qui lui ont été confiées. Son nom circule comme potentielle successeure à Justin Trudeau.

Anita Anand ne veut pas dire, pour le moment, si l’aventure l’intéresse. Elle passe à l’anglais pendant un moment : « À l’heure actuelle, je suis concentrée à 100 % sur mon travail. »

Mais encore ? « J’ai aussi quatre enfants. Je pense à leur avenir et à comment je peux être la meilleure des mères pour eux. […] Ils sont âgés de 21 à 26 ans et je réalise qu’ils ont encore besoin de moi », enchaîne la députée d’Oakville, en Ontario.

Résidents permanents à la rescousse

En manque de bras, les FAC ont décidé plus tôt cette année de tendre la main aux résidents permanents. « C’est très important de continuer à augmenter les effectifs et ils représentent un réservoir important de main-d’œuvre, expose la ministre Anand. Il faut aussi s’assurer que nous ayons une force plus diversifiée, plus inclusive, donc cela permet d’accomplir deux choses en même temps. » Et les militaires devraient continuer à être là pour pousser à la roue lors de crises nationales comme la COVID-19 ou les catastrophes naturelles, juge-t-elle : « Nous devons être là pour les Canadiens. Nous pouvons le faire. La question, c’est comment nous pouvons reconstituer les FAC. »