(Québec) Le premier ministre François Legault renonce pour le moment à procéder à la nomination de Benoît Dubreuil comme tout premier commissaire à la langue française, une candidature à laquelle s’oppose Québec solidaire.

Le Parti libéral du Québec ne prend pas position clairement sur le sujet. Au gouvernement, on soutient que, plus tôt cette semaine, les libéraux avaient donné en privé leur accord pour procéder à la nomination, mais qu’ils ont reculé à la dernière minute vendredi matin.

De son côté, le Parti québécois appuie la candidature de M. Dubreuil. Mais comme les députés péquistes sont absents du Salon bleu pour le moment, ils ne peuvent pas voter.

Dans ce contexte, le plan du gouvernement était compromis. François Legault a donc décidé de ne pas aller de l’avant vendredi, dernier jour de la courte session parlementaire. Il pourrait revenir à la charge en février avec la candidature de M. Dubreuil, compte tenu de l’appui du PQ. La question n’est pas tranchée, dit-on au gouvernement.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Benoît Dubreuil (à gauche) et Guillaume Marois, auteurs du livre Le remède imaginaire : pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec, en 2011.

Comme La Presse l’a révélé, François Legault avait l’intention de proposer vendredi la candidature du philosophe et haut fonctionnaire au fédéral Benoît Dubreuil, coauteur de l’essai Le remède imaginaire : pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec. On soulignait que sa nomination comme commissaire à la langue française ne ferait pas l’unanimité à l’Assemblée nationale.

En vertu de la loi 96 adoptée le printemps dernier, les deux tiers de la Chambre doivent approuver la nomination du commissaire à la langue française – comme c’est le cas pour d’autres officiers importants tel le vérificateur général. Même si la Coalition avenir Québec (CAQ) a déjà plus de 66 % des députés à l’Assemblée nationale, le gouvernement cherche à obtenir l’appui unanime de l’opposition ou un large consensus dans le pire des cas, comme le veut la tradition.

QS s’oppose

Lors d’une mêlée de presse vendredi matin, le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a répondu que son parti s’opposait à la candidature de Benoît Dubreuil et qu’il voterait contre si M. Legault allait de l’avant.

« C’est un poste important, commissaire de la langue française. Il faut que ce soit une personne consensuelle, […] rassembleuse qui, sur des enjeux aussi sensibles que la langue, l’immigration et les liens entre les deux, traverse les lignes partisanes. Nous, on juge que la candidature de M. Dubreuil, et ce n’est rien contre la personne, ne remplit pas ces critères-là, c’est ce qu’on a exprimé au gouvernement dans les dernières minutes », a-t-il expliqué.

Il a évoqué les positions exprimées par M. Dubreuil dans son essai publié en 2011 et dont La Presse a publié des extraits.

Lisez l’article « Commissaire à la langue française : suspense autour d’une nomination »

« Cette candidature-là a, par le passé, exprimé des positions qui ne nous rejoignent pas », a affirmé M. Nadeau-Dubois sans entrer dans les détails.

On espère que le gouvernement nous soumette une candidature plus rassembleuse et plus consensuelle que celle-là.

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

De son côté, le PLQ est demeuré flou sur sa position. « C’est une discussion au caucus, et vous allez être au courant de notre décision au moment opportun », a répondu le leader parlementaire, Monsef Derraji. Il a dit à la fois que le caucus libéral « va voter en fonction de [ses] valeurs et de [ses] convictions » et qu’il est « content, peu importe la nomination ».

De son côté, le chef du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon a soutenu que Benoît Dubreuil est « une bonne candidature ». « On pense, c’est quelqu’un qui est parfaitement qualifié et qui va remplir les objectifs, là, de la mission », a-t-il ajouté.

Le député Pascal Bérubé a souligné que le gouvernement avait proposé à l’opposition le nom de Benoît Dubreuil à la fin de la précédente session en juin, que son parti avait donné son accord, mais que le gouvernement avait décidé d’attendre avant de procéder. Québec solidaire a signalé qu’il avait exprimé son opposition en privé au gouvernement en juin.

L’opposition veut être entendue

Les trois partis de l’opposition craignent que le gouvernement utilise un jour sa « supermajorité » pour imposer ses candidats afin de pourvoir les postes d’officiers indépendants dont la nomination requiert l’appui des deux tiers de la Chambre. Ils tiennent à ce que les candidatures soumises par le gouvernement recueillent un large appui dans l’opposition ou celui d’au moins un autre parti.

Le commissaire à la langue française est un nouveau chien de garde indépendant créé en vertu de la loi 96, la réforme de la loi 101 du gouvernement Legault adoptée le printemps dernier.

Comme prévu, François Legault a proposé à l’Assemblée nationale la nomination de Jean-François Blanchet comme nouveau directeur général des élections du Québec, une candidature qui a été appuyée à l’unanimité au Salon bleu. M. Blanchet, qui était jusqu’ici l’adjoint de l’actuel DGEQ Pierre Reid, entrera en fonction en janvier.

Avec la collaboration de Fanny Lévesque et d’Hugo Pilon-Larose, La Presse