(Ottawa) La sortie de Carey Price a fait des vagues sur la colline d’Ottawa, où le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a plaidé que l’arme avec laquelle le gardien du Canadien a été photographié demeurerait légale. Le premier ministre Justin Trudeau s’est pour sa part montré ouvert à réviser la liste des armes que le projet de loi C-21 prohiberait.

« D’après notre analyse, l’arme que Carey Price tient est légale et continuerait de l’être même après l’adoption du projet de loi C-21 », a soutenu le ministre en mêlée de presse dans le foyer de la Chambre des communes avant une période des questions où l’enjeu du contrôle des armes à feu a donné lieu à des échanges houleux.

L’objectif de la mesure législative, a-t-il martelé, n’est pas de s’en prendre aux chasseurs respectueux des lois, mais bien aux propriétaires d’armes de style AR-15 comme celles utilisées dans des drames comme celui de Polytechnique.

« Nous devons aux familles, aux victimes, à tous les Canadiens, un débat fondé sur les faits, pas la peur », a ajouté le ministre, sans s’aventurer à commenter le fait que Carey Price n’était apparemment pas au courant que 14 femmes avaient été tuées parce qu’elles étaient des femmes le 6 décembre 1989.

Selon l’analyse de la photo réalisée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), il s’agirait d’une arme de calibre 12 de marque Benelli avec un chargeur non détachable. Il n’est toutefois pas possible de l’identifier avec davantage de précision, car le gardien de but masque la section de la gâchette, a-t-on indiqué.

La publication qui a rebondi au Parlement remonte à samedi dernier. « J’aime ma famille, j’aime mon pays, et je me soucie de mon prochain. Je ne suis pas un criminel ni une menace pour la société. Ce que Justin Trudeau tente de faire est injuste », a écrit l’athlète sur Instagram.

Des excuses demandées à la CCDAF

Dans son message, où il apparaît en tenue de camouflage, arme de chasse à la main, le gardien de but donne aussi son soutien à la Coalition canadienne pour les droits aux armes à feu (CCDAF).

Le groupe de lobbying a fait grincer des dents récemment, après avoir utilisé le code promotionnel « Poly » pour l’achat de marchandises sur son site web à l’approche du 33anniversaire du féminicide de masse.

La vice-présidente des relations publiques de la CCDAF, Tracey Wilson, a assuré que la promotion n’était « en aucun cas » une référence à la tragédie, et que « toute suggestion contraire [était] carrément fausse ».

Le ministre Mendicino a mis au défi l’opposition officielle de se distancier de ses « amis » proarmes.

« Les conservateurs se lèveront-ils pour condamner la CCDAF et exiger des excuses ? », a-t-il lancé à la Chambre des communes.

Trudeau ouvert à des changements

Le torchon brûle (encore plus) depuis que les libéraux ont déposé en comité, sans crier gare, des amendements à C-21, en vertu desquels la définition d’armes prohibées serait élargie. Par conséquent, des armes s’ajoutent à la liste actuelle, qui tient sur 309 pages.

Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas fermé la porte à une révision de la liste, lundi.

« Nous savons qu’il y a beaucoup de préoccupations des chasseurs. […] Nous voulons nous assurer de ne pas inclure des fusils qui sont principalement des armes pour la chasse », a-t-il affirmé en marge d’une annonce en Ontario.

Il était déjà en quelque sorte acquis que les conservateurs, farouchement opposés à C-21, voteraient contre celui-ci. À cette opposition quasi de facto sont venus s’ajouter les doutes du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique, ce qui nuirait aux chances des libéraux minoritaires de faire progresser le projet de loi.

« Je ne me vois pas voter pour cet amendement-là à l’heure actuelle », a affirmé la bloquiste Kristina Michaud, en entrevue. Le principal problème, selon elle, est que le gouvernement a décidé de « procéder par modèle », y compris les fusils de type SKS, une arme de style militaire populaire auprès des chasseurs.

Pour le néo-démocrate Alistair McGregor, le gouvernement a commis un « abus de procédure » en déposant ces amendements à la dernière minute, après que tous les témoins eurent déjà été entendus en comité. « Il nous faut plus de temps pour bien évaluer l’impact », a-t-il affirmé en mêlée de presse, lundi.

Le débat se poursuivra alors que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale se réunira afin de poursuivre ses travaux sur C-21, mardi, jour du 33anniversaire du féminicide de masse à Polytechnique. Le premier ministre Trudeau sera à Montréal pour la cérémonie de commémoration de la tragédie.