(Ottawa) Une « partie de pêche » et des fondements « purement spéculatifs ». Le juge Paul Rouleau a rejeté une requête tardive de l’avocat des organisateurs du « convoi de la liberté » pour obtenir le nom du propriétaire d’un camion portant un drapeau confédéré lors de la manifestation l’hiver dernier. MBrendan Miller soutient qu’il appartient à un agent provocateur.

Cet agent provocateur serait Brian Fox, le président d’Enterprise Canada, une firme de relations publiques que MMiller croit être liée au Parti libéral du Canada. Il l’accuse également d’avoir brandi un drapeau nazi pour que les manifestants soient ensuite dépeints comme des extrémistes dans les médias. Il a également demandé à la Commission sur l’état d’urgence de citer M. Fox à comparaître.

La requête avait été appuyée par l’avocat des résidants et des entreprises du centre-ville d’Ottawa vu la nature de ces affirmations qui « doivent être soit confirmées, soit réfutées ».

« Freedom Corp. a soulevé des allégations sérieuses concernant Enterprise Canada en fournissant peu de preuves », écrit le juge dans sa décision rendue mercredi matin. Il avait partiellement rejeté une autre requête la veille pour enlever le caviardage de documents fournis par le gouvernement du Canada.

L’avocat d’Entreprise Canada et de Brian Fox a fait parvenir mardi une mise en demeure à MBrendan Miller pour qu’il cesse de les diffamer durant les audiences de la Commission. Il a noté au passage que M. Fox n’est pas allé à Ottawa depuis 2019, qu’il n’a aucun lien avec le Parti libéral du Canada et qu’il est plutôt membre de longue date du Parti conservateur du Canada, et qu’il a appuyé Pierre Poilievre lors de la dernière course à la direction de la formation politique.

Depuis lundi, l’avocat de Freedom Corp., qui représente les organisateurs du « convoi de la liberté », multiplie les coups d’éclat pour mettre de l’avant cette théorie. MMiller a questionné le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), David Vigneault, à ce sujet, dépassant largement le temps qui lui était imparti. Il a ensuite questionné le ministre de la Protection civile, Bill Blair, sans obtenir les réponses qu’il cherchait. Il a de nouveau testé la patience du juge mardi après-midi en utilisant cette même théorie pour questionner la Sécurité publique, Marco Mendicino.

PHOTO BLAIR GABLE, REUTERS

Le juge Paul Rouleau

« Posez une question, s’est impatienté le juge Rouleau. Vous essayez de faire toutes sortes d’affirmations qui ne sont d’aucune utilité à la Commission ou à ce témoin. »

Quelques heures plus tôt, le juge avait expulsé l’avocat de la salle d’audience après que MMiller eut remis son autorité en question au retour de la pause de l’avant-midi. C’était à la suite d’une prise de bec entre les deux hommes juste avant la pause. L’avocat a présenté une requête orale pour faire témoigner l’attaché de presse du ministre Mendicino, Alex Cohen, tout de suite après son patron parce qu’il était dans la salle. La procédure est de transmettre ce type de requête par écrit à la Commission. Les autres parties représentées ont alors un délai pour donner leur avis avant que le juge tranche.

Tom Marazzo, l’un des manifestants qui a témoigné lors de la troisième semaine de travaux, s’est empressé de discréditer les travaux de la Commission peu de temps après sur Twitter, en écrivant que le commissaire et les procureurs de cette enquête publique « ne respectent pas les règles du jeu » et que « le commissaire a perdu le contrôle du processus et de la salle ». « La procédure n’est pas plus importante que la VÉRITÉ », conclut-il.

Dans sa décision rendue mercredi avant-midi, le juge Rouleau explique qu’« aussi troublantes que soient les allégations de Freedom Corp., même si elles avaient été soutenues par des preuves convaincantes, le fait est qu’elles n’auraient que peu ou pas de pertinence par rapport aux questions clés que la Commission doit trancher ».

La Commission Rouleau doit déterminer si le recours historique à la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement fédéral était justifié pour mettre fin au « convoi de la liberté » à Ottawa et aux blocages de postes frontaliers ailleurs au pays. Elle doit également se prononcer sur la pertinence et l’efficacité des pouvoirs extraordinaires accordés aux autorités en vertu de cette législation, comme le gel des comptes bancaires et le pouvoir de réquisitionner des remorqueuses. Elle examinera également s’il y a lieu de modifier cette loi qui a remplacé la Loi sur les mesures de guerre en 1988.

Elle doit entendre le ministre de la Justice, David Lametti, la ministre de la Défense, Anita Anand, et le ministre des Transports, Omar Alghabra, mercredi. Ses audiences publiques culmineront avec le témoignage de Justin Trudeau vendredi.