Ottawa ne fera pas d’exceptions pour Québec : la date limite pour utiliser les fonds d’un programme pour des projets d’infrastructures y sera bel et bien devancée de deux ans. Le ministre fédéral Jean-Yves Duclos appelle plutôt le gouvernement Legault à « accélérer les choses », en imitant les autres provinces.

« Je suis sûr qu’à Québec, on ne va pas laisser traîner de l’argent du gouvernement canadien. […] Le Québec est en retard, pas partout, mais certainement en matière de transport collectif. Il faut accélérer les choses », a plaidé M. Duclos lors d’une mêlée de presse jeudi dans la capitale.

Il réagissait ainsi à une sortie du ministre québécois des Infrastructures, Jonatan Julien, qui presse le gouvernement Trudeau de revenir sur sa décision « unilatérale » de devancer de deux ans la date limite pour utiliser les fonds du Programme d’infrastructure Investir dans le Canada (PIIC).

Au départ, le PIIC, doté d’un budget de 33,5 milliards de dollars, devait prendre fin le 31 mars 2025. Mais Ottawa a avisé l’ensemble des provinces dans son plus récent budget, déposé en avril, qu’il devançait l’échéancier au 31 mars 2023. S’il n’identifie pas les besoins d’ici mars 2023, Québec pourrait donc perdre 2,7 milliards qui se trouvent encore dans l’enveloppe qui lui revient, soit l’équivalent de 37 % des sommes promises par le gouvernement fédéral.

En clair désaccord

Une source au gouvernement québécois a fait valoir mardi à La Presse qu’« on était correct avec l’échéancier initial », mais que « cet été, le gouvernement fédéral a décidé de mettre cela en 2023 d’une façon unilatérale ». Mais M. Duclos rejette cette vision des choses. « Près de 40 % des fonds n’ont pas encore été identifiés par le gouvernement québécois. […] En Ontario, c’est environ 4 %. Toutes les autres provinces, ou bien elles sont déjà arrivées, ou bien elles vont y arriver prochainement », a-t-il fait valoir.

« Je suis confiant que le gouvernement du Québec va pouvoir trouver des usages pour le 2,7 milliards qui reste. […] Des besoins, il y en a énormément », a encore insisté M. Duclos, en se disant convaincu de parvenir à dénouer l’impasse, pour l’avenir du projet de tramway notamment.

Quant au troisième lien, M. Duclos ferme la porte : aucun fonds fédéral ne sera selon lui dédié au projet, même dans la deuxième vague d’investissements que compte lancer Ottawa après 2023. « Je ne sens aucun appétit au sein du gouvernement canadien et au sein du cabinet d’investir dans de nouvelles autoroutes, de nouvelles infrastructures routières, surtout dans des cadres urbains aussi sensibles que ma circonscription. Je serais étonné que cette politique change au cours des prochains mois et des prochaines années », a dit celui qui est aussi député fédéral de Québec.

Selon lui, ce comté « est très fragile au point de vue social et environnemental ». « Dans la basse-ville, les gens vivent déjà la pollution et la congestion, l’espérance de vie est considérablement plus faible, la qualité de l’air est moins bonne. Une autoroute en plein centre-ville, en plein cœur de la capitale, dans ma circonscription, ça ne passe pas », a conclu le ministre du gouvernement Trudeau.

Avec Joël-Denis Bellavance, La Presse