(Nusa Dua) Le premier ministre Justin Trudeau prolonge la mission canadienne visant à former des soldats ukrainiens jusqu’en décembre 2023, au moment où la communauté internationale s’inquiétait de la frappe d’un missile qui a tué deux personnes en Pologne.

« Nous appelons à du calme et à regarder exactement ce qui s’est passé avant de sauter à des conclusions », a déclaré M. Trudeau mercredi, en marge du G20, en Indonésie.

« Mais c’est certain qu’on ne serait pas dans cette situation si la Russie n’avait pas lancé sa guerre. »

Les médias polonais ont relaté que deux personnes sont mortes mardi après-midi après qu’un projectile eut frappé une zone où le grain séchait, à Przewodów, un village près de la frontière avec l’Ukraine.

Trois responsables américains ont indiqué que des évaluations préliminaires suggéraient que le missile avait été tiré par les forces ukrainiennes sur un missile russe qui entrait lors d’une salve contre l’infrastructure électrique ukrainienne. Les responsables ont parlé sous le couvert de l’anonymat, car ils n’étaient pas autorisés à discuter publiquement de la question.

Le président américain Joe Biden a déclaré qu’il était « peu probable » que la Russie ait tiré le missile et a promis de « s’assurer que nous découvrirons exactement ce qui s’est passé ».

Le président polonais Andrzej Duda est allé plus loin, affirmant qu’il n’y avait aucun signe indiquant que l’explosion était une attaque délibérée.

Le premier ministre Trudeau a dit aux journalistes qu’il devrait y avoir une enquête sur ce qui s’est passé, mais il a tout de même montré du doigt la Russie pour avoir amorcé le conflit. Il était aux côtés de son homologue britannique, Rishi Sunak, qui abondait dans le même sens que M. Trudeau.

« Je pense que la bonne chose à faire, maintenant, est que tout le monde vérifie calmement exactement ce qui s’est passé, rassemble les faits, a-t-il soutenu. Jusqu’à ce que nous ayons une réponse définitive, il est approprié que tout le monde reste calme. »

MM. Trudeau et Sunak se sont également entretenus mercredi avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

« Nous avons souligné l’importance d’une enquête complète sur ce qui s’est passé en Pologne et nous avons clairement indiqué que l’invasion de l’Ukraine par Poutine est en fin de compte responsable de cette violence », a déclaré M. Trudeau lors d’une conférence de presse.

Le premier ministre a annoncé mercredi qu’une mission visant à former des soldats ukrainiens au Royaume-Uni dans le cadre de ce qu’on appelle l’opération Unifier, qui se poursuit depuis 2015, sera prolongée jusqu’à la fin de 2023. L’annonce intervient quelques jours seulement après que le Canada eut promis 500 millions supplémentaires pour soutenir l’armée ukrainienne.

La Russie critiquée de toutes parts

Plus tôt mercredi, M. Trudeau avait participé à une réunion avec tous les autres dirigeants du G7 ainsi que les Pays-Bas et l’Espagne qui sont membres de l’alliance militaire de l’OTAN.

Dans une déclaration commune, les dirigeants ont affirmé qu’ils « condamnaient les attaques de missiles barbares que la Russie a perpétrées sur les villes et les infrastructures civiles ukrainiennes ».

Les dirigeants ont réaffirmé leur soutien à l’Ukraine et au peuple ukrainien face à l’agression russe en cours, « ainsi que notre volonté continue de tenir la Russie responsable de ses attaques effrontées contre les communautés ukrainiennes ».

Le gouvernement polonais a confirmé que son ministre des Affaires étrangères avait convoqué mardi l’ambassadeur de Russie et « exigé des explications immédiates », dans un communiqué peu après que M. Zelensky eut qualifié la frappe de missile « d’escalade très importante ».

Le président polonais Andrzej Duda a nuancé la déclaration de ses responsables, déclarant plus tard aux journalistes que le missile était « très probablement » de fabrication russe, mais que l’information est toujours en cours de vérification et que les responsables ne savent pas avec certitude qui l’a tiré.

L’Ukraine, un ancien pays du bloc soviétique, conserve des stocks d’armes de fabrication soviétique et russe, dont des missiles de défense aérienne, et a également saisi de nombreuses autres armes russes tout en repoussant les forces d’invasion du Kremlin.

L’Associated Press avait rapporté, mardi, selon deux sources dont un responsable du renseignement américain, que des missiles russes avaient traversé le territoire polonais lors d’un barrage massif qui a frappé le réseau électrique ukrainien et coupé l’électricité d’une grande partie de la Moldavie.

Les défenses aériennes ukrainiennes ont travaillé avec acharnement contre l’assaut russe, y compris dans la région occidentale de l’Ukraine qui borde la Pologne. L’armée ukrainienne a déclaré que 77 des plus de 90 missiles tirés avaient été abattus, ainsi que 11 drones.

Le rôle de l’OTAN

À Bruxelles, les pays de l’OTAN se réunissaient mercredi pour des pourparlers d’urgence. Il n’y avait aucune preuve immédiate que l’explosion de mardi était une attaque délibérée et hostile contre la Pologne. Le pays étant membre de l’OTAN, cela pourrait mettre en œuvre les dispositions de l’alliance pour une réponse militaire collective.

L’alliance de l’OTAN a été formée après la Seconde Guerre mondiale comme un contrôle contre l’Union soviétique et compte actuellement 30 membres répartis en Amérique du Nord et en Europe.

La clé de voûte de son traité fondateur, l’article 5, stipule que toute « attaque armée » contre un membre constitue une attaque contre tous, et peut déclencher une réponse d’autodéfense de la part des alliés en bloc.

On ne savait pas si les évènements de mardi relèveraient de cette catégorie ou s’ils pourraient relever de l’article 4, qui stipule que les États membres peuvent convoquer une consultation avec d’autres membres s’ils estiment que leur sécurité ou leur indépendance sont menacées.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a affirmé mardi dans un communiqué qu’il avait parlé avec M. Duda de « l’explosion » en Pologne.

Mercredi, le Kremlin a dénoncé la réaction de la Pologne et d’autres pays à l’incident, la qualifiant « d’hystérique » et, dans de rares éloges pour un dirigeant américain, il a salué la réaction « retenue et beaucoup plus professionnelle » des États-Unis.

« Nous avons assisté à une autre réaction hystérique, frénétique et russophobe qui n’était basée sur aucune donnée réelle », a regretté le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il a ajouté « qu’immédiatement, tous les experts ont réalisé qu’il ne pouvait pas s’agir d’un missile lié aux forces armées russes ».