(Québec) Alors que la fin des mesures d’exception liées à la pandémie approche, le gouvernement Legault prévoit déposer des règlements pour maintenir à l’emploi les milliers de travailleurs venus prêter main-forte au réseau de la santé pour la vaccination et le dépistage.

S’il n’adopte pas de règlements, Québec pourrait se priver de milliers de travailleurs de la santé qui ont été exceptionnellement embauchés par l’entremise de la plateforme « Je contribue », déployée alors que la crise sanitaire faisait rage pour amener des renforts dans le réseau. C’est que ces travailleurs, souvent des retraités qui ont accepté de revenir aider leurs collègues, sont maintenant des employés en vertu d’un arrêté ministériel.

Les quelques arrêtés ministériels toujours en vigueur arrivent à échéance le 31 décembre, en même temps que la Loi visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire tout en prévoyant le maintien de mesures transitoires nécessaires pour protéger la santé de la population (« loi 28 »). Adoptée en juin, malgré la grogne des partis de l’opposition, la loi 28 donne des pouvoirs d’exception au gouvernement jusqu’à la fin de l’année.

La loi 28 maintient aussi des centaines d’autorisations spéciales d’exercice qui ont été attribuées par les ordres professionnels pour permettre à d’anciens membres ou à des étudiants de réaliser certains actes liés à la vaccination et au dépistage. Ces deux activités ont aussi été ouvertes à plusieurs autres professionnels, comme des vétérinaires et des denturologistes, pour organiser les campagnes de vaccination de masse.

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Une travailleuse de la santé au centre de vaccination du Stade olympique de Montréal, en décembre 2021

« L’objectif est de retenir le plus possible le personnel qui a maintenant de l’expérience avec nous », a fait valoir le ministre de la Santé, Christian Dubé, en marge d’une conférence de presse sur la situation dans les urgences, il y a deux semaines. Il ouvrait alors la porte au dépôt de règlements et même « au besoin » de projets de loi à la reprise des travaux à l’Assemblée nationale, le 29 novembre.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) confirme que des règlements seront déposés prochainement pour régler « ce problème », soulignant que les besoins de main-d’œuvre dans le réseau « sont grands », pandémie ou pas. Au printemps dernier, Christian Dubé affirmait que de 13 000 à 15 000 travailleurs étaient employés du MSSS grâce à « Je contribue ».

M. Dubé invoquait d’ailleurs l’importance d’avoir une loi de transition afin, justement, de maintenir le lien d’emploi de ces travailleurs. « D’ici l’automne, au plus tard le 31 décembre, on se sera entendu avec les ordres professionnels pour que ces gens-là, lorsque l’arrêté sera terminé […], puissent vacciner de façon permanente », expliquait-il en commission parlementaire sur l’étude du projet de loi 28.

Négociations avec les ordres

Le MSSS négocie toujours avec les ordres professionnels les modalités d’un futur règlement qui viendrait encadrer la pratique de ces employés. « On est au stade des discussions », explique la directrice générale et secrétaire de l’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec, Josée Prud’Homme. « Il y a une volonté que les personnes qui vaccinent ou font du dépistage puissent continuer à le faire », ajoute-t-elle.

« En ce qui nous concerne, c’est certain que si les autorisations spéciales prennent fin le 31 décembre pour nos anciens membres […], on peut probablement accorder des permis limités, donc venir limiter l’exercice, mais pour les étudiants, on n’a pas vraiment de levier », illustre Mme Prud’Homme. La voie explorée est d’apporter des modifications réglementaires pour que les étudiants puissent rester en poste.

L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), qui n’a pas voulu nous accorder d’entrevue à ce stade, explique de son côté « développer des stratégies » pour que les bénéficiaires d’une autorisation spéciale puissent continuer d’exercer la profession jusqu’à la prochaine inscription au Tableau, le 1er avril 2023.

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Longue file d’attente devant le centre de dépistage de l’Hôtel-Dieu de Montréal, en décembre 2021

Québec cherche aussi à garder en vigueur les autorisations qui permettent à plusieurs autres corps professionnels de vacciner et dépister, ce qui s’inscrit dans la vision du ministre Christian Dubé de décloisonner les professions.

La loi 28 sonnera aussi la fin des mesures encadrant le recours aux agences de placement de main-d’œuvre. À ce sujet, le MSSS a brièvement indiqué qu’il menait « des travaux en la matière », sans autres précisions. Les contrats d’entreposage et de transport de biens liés à la pandémie, conclus de gré à gré en vertu de l’urgence sanitaire, ont aussi pu être reconduits pour une durée maximale de cinq ans avec la loi 28.

Les partis de l’opposition avaient tous voté contre l’adoption du projet de loi 28 en raison des pouvoirs exceptionnels que conserverait le gouvernement Legault jusqu’au 31 décembre. Québec justifiait l’importance d’avoir des mesures de transition pour organiser, par exemple, une campagne de vaccination de masse en cas de recrudescence des cas de COVID-19.

Québec a mis fin à l’urgence sanitaire, qui était en vigueur depuis mars 2020, le 1er juin 2022.