(Ottawa) Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a vainement réclamé, mercredi, la tenue d’un débat d’urgence aux Communes sur l’utilisation de la disposition de dérogation par Doug Ford.

Le gouvernement ontarien a invoqué la disposition, aussi appelée « clause nonobstant », pour imposer une sortie expéditive au conflit de travail qui l’oppose à 55 000 travailleurs du secteur de l’éducation. Ces syndiqués menacent de débrayer vendredi et le gouvernement ontarien tente de faire adopter une loi spéciale qui fixerait les conditions de travail pour quatre ans — et interdirait aussi tout recours à la grève.

Le chef néo-démocrate fédéral, Jagmeet Singh, a soutenu mercredi, en mêlée de presse, que le premier ministre Justin Trudeau, s’il s’est dit préoccupé par la situation, ne s’était pas engagé à poser des gestes concrets.

On a entendu les libéraux qui ont dit que c’est un problème, mais ce n’est pas suffisant de seulement souligner le problème : c’est une attaque contre les travailleurs.

Jagmeet Singh, chef du NPD

Il a fait valoir qu’Ottawa pourrait décider d’utiliser d’autres lois pour protéger les droits des travailleurs, sans toutefois préciser lesquelles. Il a aussi affirmé qu’il était en faveur de soumettre un renvoi à la Cour suprême du Canada afin qu’elle clarifie dans quelles circonstances la disposition de dérogation pouvait être utilisée.

« Ce qu’on veut voir, c’est le fait que le gouvernement prend au sérieux cette question et s’engage à trouver des solutions, a ajouté M. Singh. Si c’est une question de projet de loi, on est prêt à appuyer un projet de loi. »

« Inacceptable », dit Trudeau

Quelques minutes avant de prendre part à la période des questions, M. Trudeau a réitéré aux journalistes que son gouvernement évaluait ses options. « C’est inacceptable qu’un gouvernement utilise la clause nonobstant de façon préventive parce que ça empêche les (tribunaux) de même pouvoir regarder si c’est constitutionnel ou non, a-t-il soutenu. Ça enlève les conséquences politiques de l’utilisation de la clause dérogatoire. On est en train de suspendre les droits fondamentaux des Canadiens sans avoir de conséquence. »

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau

Appelé à préciser quelles lois le NPD a en tête pour contrer le recours, par le gouvernement Ford, à la disposition de dérogation, le chef adjoint du parti, Alexandre Boulerice, est demeuré vague.

« Il y a différentes avenues. Il existe une législation qui a très rarement été utilisée — on est prudents là-dessus — sur le désaveu, mais je pense que c’est au […] premier ministre lui-même de regarder à explorer tout ce qui est possible d’utiliser (et) peut-être on doit encadrer l’utilisation de la clause dérogatoire dans le futur », a-t-il répondu.

Le NPD dit aussi craindre que la dérogation du gouvernement Ford à la Charte encourage d’autres provinces à recourir de plus en plus souvent à cet outil constitutionnel.

Interrogé plus tôt mercredi sur les options que pourrait envisager Ottawa, le ministre de la Justice, David Lametti, n’a pas voulu s’avancer. Il a toutefois rappelé sa position déjà connue : l’utilisation préventive de la disposition de dérogation est « très grave », « antidémocratique », et « sape la démocratie canadienne ».

« Cela revient à dire que la Charte n’existe pas », a-t-il estimé.

Une motion non débattue

Aux Communes, mercredi, le député néo-démocrate Matthew Green a vainement demandé à la Chambre de tenir un débat d’urgence sur la question. Dans une lettre au président des Communes, M. Green soutenait que le projet de loi visant à imposer une nouvelle convention collective aux travailleurs de l’éducation ontariens portait atteinte à leurs droits et imposait des mesures punitives « disproportionnées ».

Le député Green ajoutait que le recours à la disposition de dérogation pour contourner la Charte des droits et libertés faisait partie d’une « tendance inquiétante » des provinces qui cherchent à bafouer les libertés constitutionnelles.

« Ce cas particulier pourrait créer un précédent pour les gouvernements provinciaux de tout le pays qui pourraient chercher à s’en servir pour saper davantage les droits des travailleurs inscrits à la convention collective », a-t-il déclaré aux journalistes.

M. Green souhaitait que la Chambre condamne à l’unanimité cette décision mercredi après-midi, mais certains députés conservateurs ont rejeté le dépôt de sa motion. M. Trudeau et d’autres députés ont demandé aux conservateurs fédéraux de se prononcer, mais ceux qui se rendaient à une réunion du caucus mercredi matin ont refusé.