(Québec) Le gouvernement Legault s’engage à déposer « rapidement » un projet de loi rendant optionnel le serment d’allégeance au roi pour les élus, un geste « important » souligné par Québec solidaire, qui n’exclut pas de prêter allégeance au souverain pour la dernière fois. De son côté, le Parti québécois maintient la ligne dure.

« Je pense que le Parti québécois doit accepter la main tendue qu’on lui offre. On ne souhaite pas prêter serment au roi, et on peut changer ça en adoptant un projet de loi à l’Assemblée nationale. Par contre, il faut siéger […] On est prêts à déposer un projet de loi rapidement pour faire en sorte de mettre fin au serment d’allégeance au roi », a affirmé le ministre de la Justice et leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette.

Il a fait cette déclaration en marge d’une rencontre de négociation entre les partis pour décider de la reconnaissance ou non de Québec solidaire (QS) et du Parti québécois (PQ) comme groupes parlementaires. Mais ces discussions importantes – elles détermineront les budgets de recherche et la capacité de ces partis à procéder à des embauches de personnel politique, notamment – se sont retrouvées dans l’ombre d’un autre débat, celui sur le serment d’allégeance au roi Charles III.

Plus tôt cet automne, le PQ et QS ont refusé de prêter serment d’allégeance au souverain. Ils tentaient de négocier une voie de passage pour éviter ce rituel jugé désuet. Mardi, le président de l’Assemblée nationale, François Paradis, a coupé court au débat : tant que le serment ne sera pas prononcé, ils ne pourront pas siéger au Salon bleu ni en commission parlementaire, et pourraient en être expulsés. Il a également statué qu’il n’était pas possible de remédier à la situation par une simple motion parlementaire comme le veut le PQ, qu’il fallait le faire au moyen d’une loi, puisque l’obligation découle de la Loi constitutionnelle de 1867.

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Mais pour voter une loi, il faut siéger au Salon bleu, et donc… prêter serment d’allégeance à Charles III, pour la dernière fois. Les élus de QS devront peser le pour et le contre en caucus. « Il y a deux éléments nouveaux qui sont arrivés [mardi] et [mercredi] : la décision du président et l’engagement du leader parlementaire de déposer rapidement un projet de loi pour rendre le serment facultatif. Ce sont deux éléments importants que je dois rapporter au caucus », a expliqué le leader parlementaire solidaire, Alexandre Leduc.

Au Parti québécois toutefois, tant la décision de M. Paradis que la proposition de la Coalition avenir Québec (CAQ) sont rejetées. Le chef Paul St-Pierre Plamondon maintient la ligne dure. « Mentir et me parjurer comme premier geste comme élu, ça me répugne sincèrement. Prêter allégeance au représentant de l’Église anglicane, ça me répugne sincèrement. Et non, je n’ai pas l’intention de prêter serment », a-t-il lancé en mêlée de presse.

Il affirme que plusieurs options sont sur la table : par exemple, demander à Pascal Bérubé ou à Joël Arseneau – les deux autres élus du PQ – de prêter serment pour siéger, ou tout simplement de rester sur la ligne de côté.

Manque de volonté

Mais il maintient qu’une motion parlementaire est la meilleure option, et que la CAQ manque de « volonté politique ». « La loi est une solution beaucoup moins solide, car elle sera soumise à l’examen de l’application de la Constitution par les tribunaux. Les chances que cette loi finisse en un échec sont beaucoup plus élevées que [dans le cas de] la motion, qui est une question de régie interne de l’Assemblée », a-t-il dit.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

« Mentir et me parjurer comme premier geste comme élu, ça me répugne sincèrement. Prêter allégeance au représentant de l’Église anglicane, ça me répugne sincèrement », a dit le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.

Il s’est directement attaqué à la crédibilité du président de l’Assemblée nationale et aux fondements juridiques de sa décision. M. Paradis n’est plus député, et sera remplacé dès la rentrée parlementaire. C’est un président « très sortant » qui a reçu une « commande politique » de la CAQ, a-t-il affirmé. Il déplore que cette décision ait « fermé la porte aux négociations et aux solutions qui sont déjà sur la table ».

Le caquiste Simon Jolin-Barrette, lui, a nié avoir demandé à M. Paradis d’intervenir. Il trouve « préoccupant » que le PQ remette en question une décision de l’Assemblée, et exhorte le parti à prêter serment pour voter une loi avec QS et la CAQ.

Pour M. St-Pierre Plamondon, cette réflexion « manque de hauteur ». « Ils disent à mots couverts : nous, on a prêté serment, ça ne nous tentait pas, donc vous aussi, vous allez prêter serment », a-t-il pesté.

Mais que ce soit pour voter une loi ou pour voter une motion, il faut pouvoir siéger. M. St-Pierre Plamondon reconnaît qu’il ne pourrait pas voter pour la motion qu’il demande à la CAQ, pour lui permettre de faire son travail de législateur sans prêter allégeance au roi. « Évidemment, ce sont les seuls qui ont le pouvoir de le faire », a-t-il dit.