(Ottawa) Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) prévient que la souplesse de son parti a des limites au sujet du dossier des soins dentaires au pays.

Jagmeet Singh dit que le NPD a laissé le gouvernement émettre des chèques aux familles admissibles plutôt que mettre en place un programme universel d’assurance-dentaire. Le parti veut que celui-ci soit présenté dès l’an prochain sinon il se retirera de l’entente permettant aux libéraux minoritaires de gouverner en toute quiétude.

Les libéraux ont promis en mars dernier au NPD un nouveau programme de soins dentaires pour les familles à faible et moyen revenu, dans le cadre d’une « entente de soutien et de confiance » visant à permettre au gouvernement minoritaire libéral de se maintenir au pouvoir, si possible, jusqu’en 2025.

En vertu de cette entente, le gouvernement avait jusqu’à la fin de l’année pour offrir une forme de couverture aux enfants de moins de 12 ans dont la famille affiche des revenus de moins de 90 000 $, sans quoi le NPD a promis de se retirer.

M. Singh reconnaît que cet échéancier est ambitieux. C’est la raison pour laquelle son parti a accepté une mesure temporaire. « Cette souplesse a permis au gouvernement de livrer la marchandise d’une manière flexible », dit-il.

Au lieu de présenter un programme complet, le gouvernement a choisi d’émettre des chèques aux familles admissibles. Chaque famille recevait jusqu’à 650 $ par enfant admissible et en fonction de ses revenus.

Pour obtenir la Prestation dentaire canadienne, une famille doit avoir un revenu annuel net rajusté inférieur à 90 000 $. Elle doit attester que son enfant n’a pas de couverture privée pour les soins dentaires. Elle devra payer de leur poche des frais dentaires pour lesquels elle utilisera la prestation et devra fournir des documents aux fins de vérification pour les frais qu’ils ont payés de leur poche, comme des reçus, au besoin.

Le gouvernement a aussi annoncé que cette Prestation n’est que « la première étape » vers la mise en œuvre complète d’un programme de soins dentaires pour les ménages dont le revenu est inférieur à 90 000 $ d’ici 2025.

M. Singh dit que le NPD a appuyé la Prestation dentaire canadienne à condition que le programme soit prêt d’ici la fin de l’année prochaine.

Le programme doit être ensuite étendu à tous les enfants âgés de moins de 18 ans, aux handicapés et aux personnes âgées d’ici la fin de 2023 et à toutes les membres des familles admissibles d’ici 2025.

Et le parti n’appuiera qu’un programme entièrement administré par le gouvernement fédéral, ajoute M. Singh. Cela signifie que le gouvernement fédéral ne doit pas compter sur les provinces pour gérer ce programme, comme il l’a fait pour le programme des garderies.

Le ministère fédéral de la Santé a déclaré que le gouvernement continuait de travailler avec des partenaires, notamment les provinces et les territoires, pour améliorer l’accès aux soins dentaires. De plus amples précisions seront dévoilées « au moment opportun ».

Selon Carlos Quinonez, vice-doyen et directeur du programme de dentisterie à l’Université Western, le fait que le gouvernement prenne son temps pour présenter un programme juste est une bonne nouvelle.

« Pour moi, le meilleur scénario serait qu’on prend un, deux ou même trois ans, pour bien penser à tous les éléments qui doivent être examinés pour s’assurer de la réussite d’un tel programme », estime-t-il.

Par exemple, le gouvernement doit s’assurer que les personnes n’ayant pas une assurance dentaire obtiennent des services sans nuire « au bon système » déjà en place, prévient M. Quinonez.

Le NPD réclame que le programme comprenne « le taux de couverture le plus élevé possible » afin d’offrir des services visant à protéger la qualité de vie des citoyens.

« Il faut que cela soit synonyme de qualité supérieure : la meilleure qualité de soins, les meilleures pratiques », avance M. Singh qui reconnaît toutefois que certains services devront être exclus du programme.

L’équilibre est difficile à obtenir, mentionne M. Quinonez.

« Selon moi, c’est un enjeu très important. Le programme ne doit pas être seulement scientifiquement défendable, il doit l’être aussi d’un point de vue éthique. »

C’est aussi un enjeu fort complexe parce que la santé et l’esthétisme sont très liés en dentisterie, souligne Catherine Carstairs, une professeure d’histoire de l’Université de Guelph et autrice d’un livre sur l’histoire des soins buccaux et les inégalités sociales.

« Il est difficile de distinguer en dentisterie ce qui est nécessaire de ce qui est esthétique, car ces questions s’emmêlent. »

La Pre Carstairs dit avoir été déçue par la nouvelle Prestation dentaire canadienne, mais espère toujours que le gouvernement finira par mettre en œuvre un programme complet.

« [La Prestation] ne va pas très loin pour répondre aux besoins de la population, soutient-elle. Je suis heureuse toutefois de constater que le gouvernement envisage toujours de réaliser ce programme d’une façon ou d’une autre. »